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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 6
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Bénédite, Léonce: Les salons de 1898, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0472

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

évoquées, qu'il ne nous ait pas fait assez deviner, au milieu de l'in-
différence étonnée et animale des premiers êtres, à travers le rêve de
plomb qui pesait sur les cervelles humaines, le premier éveil mysti-
que, les premières terreurs, le premier émerveillement qui ont fait
naître les religions? M. Cormon, pourtant, a eu le rare courage de
forcer la convention et de chercher l’impression de vie. Ses restitu-
tions sont très ingénieuses et claires, elles ont une bonne et franche
saveur de réalité, et ont su éviter tous les enfantillages pédantesques
de l’archéologie. Il s’est, sans doute, tenu trop près de la chose vue;
il n’a pas suffisamment agrandi sa vision par le mirage du rêve; il y
manque un grain de fantaisie, de merveilleux, pour tout dire enfin :
un peu de folie. L’auteur du Caïn farouche, dont la caravane hale-
tante brise du rythme de son pas sonore et précipité le silence du
désert, s’est assagi peut-être avec l’àge. 11 a, par contre, gagné de
belles et robustes qualités de peintre savant, sûr de son art, maître
de lui que, depuis ses excellents portraits, il n’avait pas eu l’occasion
de déployer avec une telle envergure. Ses compositions sont simples
et éloquentes, ses gestes mesurés et expressifs, ses harmonies de
bleu, de brun et d'ocre, relevées de quelques notes vigoureuses de
rouge ou de noir, sont sobres et fortes.

Si l’on s’en tenait uniquement aux rubriques des livrets, il sem-
blerait que l’idéalisme le plus pur inspirât la Heur de notre art, et
qu'un renouveau de religion ait envahi la peinture contemporaine.
Dans cette époque d'indifférence et de scepticisme, de franc-maçon-
nisme, disent les affiches électorales, et tout au plus de pharisaïsme
et de préjugés superstitieux, il est intéressant de noter combien
la figure de Jésus est en faveur dans les ateliers. Après les orgies
évangéliques des précédents Salons, il semblait que cette grande
ferveur religieuse eût dû se calmer. Pourquoi cette année, la sainte
et noble image du beau Sémite aux cheveux roux qui, brisant le
formulaire étroit des églises et des hiérarchies, vint prêcher aux
puissants de la terre la divine parole d’amour et de paix, de frater-
nité et de justice égale, est-elle venue hanter toutes les pensées?
Quoi qu'il en soit, régulièrement, à tous nos Salons et, cette fois,
d’une façon plus particulière, l’iconographie du Christ est aussi com-
plète qu’en ces trois cents aquarelles dans lesquelles M. James
Tissot a suivi en reporter consciencieux, clairvoyant et bien informé,
tous les actes douloureux, tendres ou pathétiques de cette grande
et émouvante tragédie. Au point de vue du renouvellement du senti-
ment chrétien, on ne nous demandera pas de nous arrêter spécia-
 
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