DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:Bricon, Étienne: Frémiet, [1]
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FRÉMIET
507
Chaque intelligence produit sur nous son impression person-
nelle ; chaque catégorie d'intelligences une impression déterminée.
Les intellectuels préoccupés comme M. Frémiet du réel et qui,
comme lui, ne se laissent pas entraîner parles sens donnent avec
leur œuvre une impression d’exactitude et de sincérité. On éprouve
qu'ils ont représenté ce qu'ils ont vu, sans exagération, sans arrange-
ment, sans avoir subi d’illusion et sans avoir voulu en produire, et
dès lors sans défiance on s’arrête auprès d’eux. Ils n’ont pas la tenta-
tion sublime des poètes de transformer les choses, ni le goût de les
enrichir, ni la curiosité d’en chercher les équivalences : toujours ils
restent dans la précision même du fait. Cette nature d’intellec-
tualité, rare chez les peintres qui ont un enivrement continuel de
la couleur, est fréquente chez les sculpteurs qui constamment ont
devant les yeux une forme ; elle a été commune aux statuaires fran-
çais du xv° siècle, et elle répondait si bien à l’état d’esprit de cette
époque qu’elle se retrouve alors même chez les peintres; on l’y ren-
contrera encore accidentellement : ainsi deux siècles plus tard, chez
ces isolés de leur temps, qui seront des réalistes non sensuels, les
frères Le Nain. Elle existe chez M. Frémiet à un degré puissant
d’intensité. — Cette impression de sincérité et d’exactitude, par la
confiance qu’elle fait ressentir, cause un sentiment de calme, non pas
ce délassement de vivre que parfois procurent les œuvres envelop-
pantes et tranquilles des poètes, mais ce repos que donne la vue des
choses présentées dans leur réalité simple. Sentiment de calme qui
vient aussi de l’unité rigoureuse de pensée que de tels esprits appor-
tent dans chacun de leurs ouvrages : ils sont préoccupés par une
vision unique et déterminée et ne se laissent détourner d’elle ni par
les caprices de la fantaisie ni par les émotions accidentelles des sens,
non plus que par la poursuite de la synthèse et du symbole qui élèvent
la nature au-dessus d’elle-même en l’abstrayant de ses contingences.
Les œuvres de M. Frémiet, dans leur exactitude, sont marquées toutes
de ces caractères, et parmi elles le maître artiste apparaît bien comme
un intellectuel épris de la réalité et qui jamais ne subit la suggestion
des sens.
É TIE X NE Tl H I C O N
{La suite prochainement.)
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Chaque intelligence produit sur nous son impression person-
nelle ; chaque catégorie d'intelligences une impression déterminée.
Les intellectuels préoccupés comme M. Frémiet du réel et qui,
comme lui, ne se laissent pas entraîner parles sens donnent avec
leur œuvre une impression d’exactitude et de sincérité. On éprouve
qu'ils ont représenté ce qu'ils ont vu, sans exagération, sans arrange-
ment, sans avoir subi d’illusion et sans avoir voulu en produire, et
dès lors sans défiance on s’arrête auprès d’eux. Ils n’ont pas la tenta-
tion sublime des poètes de transformer les choses, ni le goût de les
enrichir, ni la curiosité d’en chercher les équivalences : toujours ils
restent dans la précision même du fait. Cette nature d’intellec-
tualité, rare chez les peintres qui ont un enivrement continuel de
la couleur, est fréquente chez les sculpteurs qui constamment ont
devant les yeux une forme ; elle a été commune aux statuaires fran-
çais du xv° siècle, et elle répondait si bien à l’état d’esprit de cette
époque qu’elle se retrouve alors même chez les peintres; on l’y ren-
contrera encore accidentellement : ainsi deux siècles plus tard, chez
ces isolés de leur temps, qui seront des réalistes non sensuels, les
frères Le Nain. Elle existe chez M. Frémiet à un degré puissant
d’intensité. — Cette impression de sincérité et d’exactitude, par la
confiance qu’elle fait ressentir, cause un sentiment de calme, non pas
ce délassement de vivre que parfois procurent les œuvres envelop-
pantes et tranquilles des poètes, mais ce repos que donne la vue des
choses présentées dans leur réalité simple. Sentiment de calme qui
vient aussi de l’unité rigoureuse de pensée que de tels esprits appor-
tent dans chacun de leurs ouvrages : ils sont préoccupés par une
vision unique et déterminée et ne se laissent détourner d’elle ni par
les caprices de la fantaisie ni par les émotions accidentelles des sens,
non plus que par la poursuite de la synthèse et du symbole qui élèvent
la nature au-dessus d’elle-même en l’abstrayant de ses contingences.
Les œuvres de M. Frémiet, dans leur exactitude, sont marquées toutes
de ces caractères, et parmi elles le maître artiste apparaît bien comme
un intellectuel épris de la réalité et qui jamais ne subit la suggestion
des sens.
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