AUR. DE BERUETE: Un coin du vieux Tolede
La maison du Greco ä Tolede
Par Paul Lafond (Pau)
Tolede, l'expression la plus complete de l'arne espagnole, se dresse fiere et heris-
see au sommet et sur les pentes de son roc de granit. Tour ä tour capitale des
Goths, des Maures et des Castillans, elle a toujours sa merveilleuse cathedrale ä la
tour dentelee, son alcazar si souvent detruit et rebäti, ses vieilles eglises, ses anciens
couvents, ses innombrables maisons renfrognees. Mais elle n'a plus sa population de
deux cents mille ämes qui permit ä Pradilla de tirer en une seule journee vingt mille
volontaires de ses boutiques et de ses ateliers. La place du Zocodover, le parvis de sa
prestigieuse basilique, les rues etroites et tortueuses de la eite ne fourmillent plus de cette
foule compacte et bigarree de gentilshommes, de soldats, de prelats, de pretres, de
moines, de bourgeois, d'artisans, de mendiants, de grandes dames et de femmes du
peuple qui s'y coudoyaient aux temps oü elle etait la ville imperiale. Tolede renferme ä
peine aujourd'hui dix huit mille habitants. Elle n'oublie pas cependant ses grandeurs
passees; fiere et melancolique, elle se survit pour ainsi dire ä elle-meme, assoupie sous
son ciel implacablement bleu, sous son soleil en fusion, bercee par les flots du Tage