Reau. L'art allemand dans les Musees fran^ais 253
allemand. Un seul des grands peintres allemands de la Renaissance est represente au
Louvre par des ceuvres de premier ordre: c'est Holbein. Mais par contre Albert Dürer
est represente avec une insuffisance vraiment derisoire par deux petites etudes gouachees
et aquarellees: une tete d'angelot aux cheveux blonds et une etude de vieillard ä barbe
blanche coiffe d'un bonnet ä oreillettes, qui a ete peinte en 1520 pendant le voyage
de Dürer dans les Pays-Bas. De Cranach, le Louvre ne peut montrer que des portraits
d'hommes assez mediocres et une petite Venus nue, affublee d'un chapeau de velours
rouge comme un cardinal de la Sainte Eglise Romaine, qui se tient debout dans un
paysage boise. A la vente de la Collection Molinier, il y a deux ans, le Conseil des
Musees Nationaux aurait pu acquerir une oeuvre beaucoup plus importante du maitre
saxon: le grand triptyque de la Familie de la Vierge, signe Lucas Chronus et
date de l'annee 1509, qu'on croit avec quelque raison etre le retable disparu de
l'eglise Ste Marie de Torgau. Assurement l'etat de conservation de ce triptyque n'est
pas parfait et l'italianisme des figures assez conventionnelles, groupees avec une froide
symetrie, a quelque chose d'un peu deplaisant. Neanmoins c'est une oeuvre capitale
du Maitre au Dragon, d'une authenticite indiscutable, qui serait venue tres utilement
completer la serie allemande du Louvre. On n'a meme pas essaye de garder en France
cette oeuvre que le hasard y avait apporte: Les conservateurs du Louvre, qui achetent
souvent ä des prix exorbitants des oeuvres moins interessantes, ont dedaigne ce tripty-
que qui est alle grossir les collections du Musee Staedel de Francfort. L'Allemagne
a donc reconquis pour toujours ce tableau transfuge.
Est il besoin de dire qu'on chercherait vainement au Louvre une oeuvre de
Matthias Grunewald qui est pourtant le plus etonnant visionnaire et le plus grand
coloriste de la Renaissance allemande? En realite ancune des ecoles si nombreuses
qui se sont constituees en Allemagne au XVe et au XVIe siecles n'est representee ä
Paris d'une fa<;on satisfaisante. On trouvera au Louvre de belles oeuvres isolees, mais
non des ensembles, quelques fragments, mais non des series.
Apres la Renaissance, l'art allemand traverse une periode de crise qui se
prolonge jusqu'au milieu du XIXe siecle. Les ceuvres de cette epoque de decadence
sont si mediocres et si depourvues d'originalite que la penurie du Louvre ä cet egard
devient presque un bienfait. Deux paysages ternes du Francfortois italianise Adam
Elsheimer, des etudes de faces ridees et tannees par Denner, le peintre des pores
de la peau, le plus myope des petits maitres, un portrait sentimental et douceätre
de la baronne de Krüdner par Angelica Kaufmann suffisent parfaitement ä notre
edification.
Felicitons nous de ne posseder ancune des «grandes machines» de Cornelius,
de Kaulbach on de Piloty, qui prendraient inutilement beaucoup de place. Les oeuvres
plus personnelles et moins encombrantes des petits maitres si justement rehabilites
par la Centennale de Berlin ne presentent guere en somme qu'un interet local et leur
place n'est pas davantage au Louvre. Ph. 0. Runge, Friedridi et Kobell Interessent
ä bon droit les Allemands soucieux de se trouver des ancetres et de renouer leur
tradition: mais leur apport dans l'art europeen est presque nul.
allemand. Un seul des grands peintres allemands de la Renaissance est represente au
Louvre par des ceuvres de premier ordre: c'est Holbein. Mais par contre Albert Dürer
est represente avec une insuffisance vraiment derisoire par deux petites etudes gouachees
et aquarellees: une tete d'angelot aux cheveux blonds et une etude de vieillard ä barbe
blanche coiffe d'un bonnet ä oreillettes, qui a ete peinte en 1520 pendant le voyage
de Dürer dans les Pays-Bas. De Cranach, le Louvre ne peut montrer que des portraits
d'hommes assez mediocres et une petite Venus nue, affublee d'un chapeau de velours
rouge comme un cardinal de la Sainte Eglise Romaine, qui se tient debout dans un
paysage boise. A la vente de la Collection Molinier, il y a deux ans, le Conseil des
Musees Nationaux aurait pu acquerir une oeuvre beaucoup plus importante du maitre
saxon: le grand triptyque de la Familie de la Vierge, signe Lucas Chronus et
date de l'annee 1509, qu'on croit avec quelque raison etre le retable disparu de
l'eglise Ste Marie de Torgau. Assurement l'etat de conservation de ce triptyque n'est
pas parfait et l'italianisme des figures assez conventionnelles, groupees avec une froide
symetrie, a quelque chose d'un peu deplaisant. Neanmoins c'est une oeuvre capitale
du Maitre au Dragon, d'une authenticite indiscutable, qui serait venue tres utilement
completer la serie allemande du Louvre. On n'a meme pas essaye de garder en France
cette oeuvre que le hasard y avait apporte: Les conservateurs du Louvre, qui achetent
souvent ä des prix exorbitants des oeuvres moins interessantes, ont dedaigne ce tripty-
que qui est alle grossir les collections du Musee Staedel de Francfort. L'Allemagne
a donc reconquis pour toujours ce tableau transfuge.
Est il besoin de dire qu'on chercherait vainement au Louvre une oeuvre de
Matthias Grunewald qui est pourtant le plus etonnant visionnaire et le plus grand
coloriste de la Renaissance allemande? En realite ancune des ecoles si nombreuses
qui se sont constituees en Allemagne au XVe et au XVIe siecles n'est representee ä
Paris d'une fa<;on satisfaisante. On trouvera au Louvre de belles oeuvres isolees, mais
non des ensembles, quelques fragments, mais non des series.
Apres la Renaissance, l'art allemand traverse une periode de crise qui se
prolonge jusqu'au milieu du XIXe siecle. Les ceuvres de cette epoque de decadence
sont si mediocres et si depourvues d'originalite que la penurie du Louvre ä cet egard
devient presque un bienfait. Deux paysages ternes du Francfortois italianise Adam
Elsheimer, des etudes de faces ridees et tannees par Denner, le peintre des pores
de la peau, le plus myope des petits maitres, un portrait sentimental et douceätre
de la baronne de Krüdner par Angelica Kaufmann suffisent parfaitement ä notre
edification.
Felicitons nous de ne posseder ancune des «grandes machines» de Cornelius,
de Kaulbach on de Piloty, qui prendraient inutilement beaucoup de place. Les oeuvres
plus personnelles et moins encombrantes des petits maitres si justement rehabilites
par la Centennale de Berlin ne presentent guere en somme qu'un interet local et leur
place n'est pas davantage au Louvre. Ph. 0. Runge, Friedridi et Kobell Interessent
ä bon droit les Allemands soucieux de se trouver des ancetres et de renouer leur
tradition: mais leur apport dans l'art europeen est presque nul.