II est en droit, ce public auquel on demande
de porter un jugement sur les oeuvres,
d’ignorer la nature et l’essence de ces
„dessous du metier“ qui relevent surtout
des specialistes, bien que l’intelligence des
principes qui ont preside ä la conception
du tableau est aussi utile ä un amateur
eclaire que la connaissance des lois ana-
tomiques peut l’etre ä celui qui n’est pas
medecin, mais dont la curiosite s’exerce sur
le fonctionnement de l’organisme humain.
Nous n’entrerons pas pourtant dans les
d^tails de la structure interne des oeuvres
dont l’aspect se transforme au für et ä
mesure que croit l’experience professionelle
des artistes ayant entrepris la täche entre
toutes difficile de reviser les valeurs plastiques.
Le cubisme est entierement fonde sur la
theorie des Äquivalents: l’equivalent du vo-
lume, l’equivalent de la perspective aörienne,
l’equivalent de la forme. Ces trois elements
de tableau, elements puisÄs dans la nature,
se trouvent ramenes ä leur 6tat plastique
et par ce fait deviennent meconnaissables.
C’est que le peintre cubiste ne traduit
pas la realite pas plus qu’il ne
l’evoque ou ne l’interprete, mais s’inspire
des objets qui l’entourent et les coordonne
sur la surface plane de sa toile, non point
selon les lois naturelles, mqis selon les lois
propres ä cette surface. A ce titre, il est
plus que tout autre dans la verite, dans la
verite de son oeuvre s’entend. Quant ä la
nature elle-meme, soit par pudeur, soit par
volonte d’obeir aux anciens prejuges, le
peintre cubiste la suggere directement, plus
directement que ses devanciers en intro-
duisant ä l’interieur de son tableau des
elements realistes: etiquettes, inscriptions
etc., qui frappent directement, tels des
attributs, l’imagination du spectateur.
Le cubisme est une fin en soi, une synthese
constructive,unfait artistique,
une architecture formelle, inde-
pendante des contingences exterieures, un
language autonome et non pas un moyen
de representation. Ceci admis, le probleme
reste entier. L’esthetique cubiste ne constitue
pas une assurance contre la mediocrite.
Dans les cadres meme rigides des lois
structurales il y a place encore pour tous
les dons d’invention. Cubisme ne veut pas
direnivellement. Les personnalites saillantes
peuvent s’exprimer partout avec la meme
aisance. Le cubisme n’est pas exclusif de
liberte et de fantaisie; il ne barre pas la
route ä l’imagination.
Or, le cubisme est un art qui agit en alta-
quant la retine et la sensibilite plasticienne
du spectateur, sans faire appel ä ses facultes
emotives. Comme l’impressionisme et le
chromo-luminarisme, le cubisme a contribue
ä resoudre un certain nombre de questions
d’ordre technique. Il substitue ä l’eclairage
artificiel la lumiere interne qui devient ainsi
une fonction organique du tableau. Il
remplace la perspective aerienne par un
Äquivalent de la troisieme dimension. Dans
un tableau d’Albert Gleizes, qui est
un des peintres cubistes les plus doues et
un des cerveaux le mieux organises de ce
temps, l’impression de profondeur est ob-
tenueäl’aide de la juxtaposition d’un certain
nombre de plans traites par ä plats. Ces
plans dont les dimensions et les nuances
varient, creent une profondeur optique qui
loin de tromper l’oeil, s’inscrit avec une
logique implacable dans les limites du
tableau ä deux dimensions. Il faut insister
particulierement sur l’importance de cette
decouverte qui met le cubisme ä l’abri du
„peril decoratif“. Louis Marcoussis
est un arliste reflechi et raffine. Ses oeuvres,
contrairement ä celles de Gleizes sont d’un
format menu et d’une execulion minutieuse.
Elles decelent un amour du metier, une
finesse visuelle et un goüt, capables de rallier
ä la cause cubiste ses adversaires meme les
plus convaincus. Jacques Villon,
l’aquafortiste prestigieux, a prouve sufissam-
ment son aptitude d’artisan pour repondre
aux incorrigibles detracteurs du cubisme que
son acluelle maniere est tout autre chose
qu’un pis-aller. Si l’on peut regretter parmi
les exposants de la galerie „Sturm“ l’absence
de Picasso de Braque et de Juan Gris, l’on
s’accordera pour dire queGleizes, Marcoussis
et Jacques Villon representent suffisamment
ä eux trois les tendences maitresses du
cubisme en 1920.
Un mot encore pour finir. Nous ne croyons
pas qu’il soit possible ou meme desirable
de tenter de nos jours la creation d’un art
national. Un tel art risque toujurs comme
c’est le cas de l’art russe, de l’art tcheque,
de l’artpolonais d’etre pittoresque et rustique
ou bien sentimental. Il ne peut servir dans
ces conditions d’article d’exportation et
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de porter un jugement sur les oeuvres,
d’ignorer la nature et l’essence de ces
„dessous du metier“ qui relevent surtout
des specialistes, bien que l’intelligence des
principes qui ont preside ä la conception
du tableau est aussi utile ä un amateur
eclaire que la connaissance des lois ana-
tomiques peut l’etre ä celui qui n’est pas
medecin, mais dont la curiosite s’exerce sur
le fonctionnement de l’organisme humain.
Nous n’entrerons pas pourtant dans les
d^tails de la structure interne des oeuvres
dont l’aspect se transforme au für et ä
mesure que croit l’experience professionelle
des artistes ayant entrepris la täche entre
toutes difficile de reviser les valeurs plastiques.
Le cubisme est entierement fonde sur la
theorie des Äquivalents: l’equivalent du vo-
lume, l’equivalent de la perspective aörienne,
l’equivalent de la forme. Ces trois elements
de tableau, elements puisÄs dans la nature,
se trouvent ramenes ä leur 6tat plastique
et par ce fait deviennent meconnaissables.
C’est que le peintre cubiste ne traduit
pas la realite pas plus qu’il ne
l’evoque ou ne l’interprete, mais s’inspire
des objets qui l’entourent et les coordonne
sur la surface plane de sa toile, non point
selon les lois naturelles, mqis selon les lois
propres ä cette surface. A ce titre, il est
plus que tout autre dans la verite, dans la
verite de son oeuvre s’entend. Quant ä la
nature elle-meme, soit par pudeur, soit par
volonte d’obeir aux anciens prejuges, le
peintre cubiste la suggere directement, plus
directement que ses devanciers en intro-
duisant ä l’interieur de son tableau des
elements realistes: etiquettes, inscriptions
etc., qui frappent directement, tels des
attributs, l’imagination du spectateur.
Le cubisme est une fin en soi, une synthese
constructive,unfait artistique,
une architecture formelle, inde-
pendante des contingences exterieures, un
language autonome et non pas un moyen
de representation. Ceci admis, le probleme
reste entier. L’esthetique cubiste ne constitue
pas une assurance contre la mediocrite.
Dans les cadres meme rigides des lois
structurales il y a place encore pour tous
les dons d’invention. Cubisme ne veut pas
direnivellement. Les personnalites saillantes
peuvent s’exprimer partout avec la meme
aisance. Le cubisme n’est pas exclusif de
liberte et de fantaisie; il ne barre pas la
route ä l’imagination.
Or, le cubisme est un art qui agit en alta-
quant la retine et la sensibilite plasticienne
du spectateur, sans faire appel ä ses facultes
emotives. Comme l’impressionisme et le
chromo-luminarisme, le cubisme a contribue
ä resoudre un certain nombre de questions
d’ordre technique. Il substitue ä l’eclairage
artificiel la lumiere interne qui devient ainsi
une fonction organique du tableau. Il
remplace la perspective aerienne par un
Äquivalent de la troisieme dimension. Dans
un tableau d’Albert Gleizes, qui est
un des peintres cubistes les plus doues et
un des cerveaux le mieux organises de ce
temps, l’impression de profondeur est ob-
tenueäl’aide de la juxtaposition d’un certain
nombre de plans traites par ä plats. Ces
plans dont les dimensions et les nuances
varient, creent une profondeur optique qui
loin de tromper l’oeil, s’inscrit avec une
logique implacable dans les limites du
tableau ä deux dimensions. Il faut insister
particulierement sur l’importance de cette
decouverte qui met le cubisme ä l’abri du
„peril decoratif“. Louis Marcoussis
est un arliste reflechi et raffine. Ses oeuvres,
contrairement ä celles de Gleizes sont d’un
format menu et d’une execulion minutieuse.
Elles decelent un amour du metier, une
finesse visuelle et un goüt, capables de rallier
ä la cause cubiste ses adversaires meme les
plus convaincus. Jacques Villon,
l’aquafortiste prestigieux, a prouve sufissam-
ment son aptitude d’artisan pour repondre
aux incorrigibles detracteurs du cubisme que
son acluelle maniere est tout autre chose
qu’un pis-aller. Si l’on peut regretter parmi
les exposants de la galerie „Sturm“ l’absence
de Picasso de Braque et de Juan Gris, l’on
s’accordera pour dire queGleizes, Marcoussis
et Jacques Villon representent suffisamment
ä eux trois les tendences maitresses du
cubisme en 1920.
Un mot encore pour finir. Nous ne croyons
pas qu’il soit possible ou meme desirable
de tenter de nos jours la creation d’un art
national. Un tel art risque toujurs comme
c’est le cas de l’art russe, de l’art tcheque,
de l’artpolonais d’etre pittoresque et rustique
ou bien sentimental. Il ne peut servir dans
ces conditions d’article d’exportation et
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