DOI Artikel:
Leroi, Paul: Salon de 1882, [1]
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.19459#0117
SALON DE 1882. 99
répondre à cette politesse, par une promotion dans l'ordre de la Légion d'honneur, eût dû la
réserver non à l'aquarelliste qui entend le mieux le produit mercantile, mais à l'aquarelliste qui
peint les meilleures aquarelles.
Raisonnement d'esprit obtus et fermé aux affaires.
A ce compte, les candidatures de MM. Louis Leloir, Edouard Détaille, Henri Harpignies
s'imposaient. Mais c'est le renversement de toute notion gouvernementale, cela! Où allons-nous
si vous élevez la prétention qu'un ministre ait le sentiment de l'art et y comprenne réellement
si peu que ce soit !
M. Louis Leloir brille au premier rang par ses mérites d'invention, d'esprit, d'élégance, sa
fantaisie toujours délicate, toujours ingénieuse, son exécution pleine de conscience jusque dans
les préciosités où elle s'égare parfois. Ses éventails demeureront comme des modèles de goût,
ils ont leur place marquée à côté des plus séduisants éventails échappés au pinceau des maîtres
du xvme siècle, le siècle par excellence des séductions de l'éventail.
Un Départ a Scheveningen.
Dessin de Louis Sauvaige, d'après son tableau. (Salon de 1882.)
Henri Harpignies — simple chevalier comme M. Leloir — n'a jamais rien compris à l'aqua-
relle de commerce. Tempérament de maître, un des derniers souverains du paysage, il n'entend
l'aquarelle qu'en artiste et il la traite ainsi supérieurement ; ses moindres lavis ont du caractère,
de la tournure, du style, mais la portée en échappe tout à fait au vulgaire. L'essentiel est que
Harpignies soit assuré de se survivre ; on n'établit pas mieux un paysage que lui ; ses arbres, ses
rochers, ses montagnes profilent noblement leurs silhouettes; sa manière s'impose; aussi conti-
nue-t-il presque seul les grandes traditions des paysagistes de l'école de i83o; ceux-ci compteraient
en lui un émule, si dans ses tableaux le coloriste valait le dessinateur; il voit trop souvent
vert-de-gris et saupoudre ses toiles de cette regrettable tonalité, sans parler d'un certain penchant
à la dureté. Artiste de grande race néanmoins.
La dureté est parfois le péché mignon de M. Edouard Détaille, — chevalier depuis 1873 et
dont la promotion eût été des mieux accueillies.
Comparé à l'art de M. Harpignies toujours animé d'un sentiment de grandeur, l'art de
M. Détaille est assurément d'ordre secondaire; mais, dans le genre qu'il a adopté et où il règne
répondre à cette politesse, par une promotion dans l'ordre de la Légion d'honneur, eût dû la
réserver non à l'aquarelliste qui entend le mieux le produit mercantile, mais à l'aquarelliste qui
peint les meilleures aquarelles.
Raisonnement d'esprit obtus et fermé aux affaires.
A ce compte, les candidatures de MM. Louis Leloir, Edouard Détaille, Henri Harpignies
s'imposaient. Mais c'est le renversement de toute notion gouvernementale, cela! Où allons-nous
si vous élevez la prétention qu'un ministre ait le sentiment de l'art et y comprenne réellement
si peu que ce soit !
M. Louis Leloir brille au premier rang par ses mérites d'invention, d'esprit, d'élégance, sa
fantaisie toujours délicate, toujours ingénieuse, son exécution pleine de conscience jusque dans
les préciosités où elle s'égare parfois. Ses éventails demeureront comme des modèles de goût,
ils ont leur place marquée à côté des plus séduisants éventails échappés au pinceau des maîtres
du xvme siècle, le siècle par excellence des séductions de l'éventail.
Un Départ a Scheveningen.
Dessin de Louis Sauvaige, d'après son tableau. (Salon de 1882.)
Henri Harpignies — simple chevalier comme M. Leloir — n'a jamais rien compris à l'aqua-
relle de commerce. Tempérament de maître, un des derniers souverains du paysage, il n'entend
l'aquarelle qu'en artiste et il la traite ainsi supérieurement ; ses moindres lavis ont du caractère,
de la tournure, du style, mais la portée en échappe tout à fait au vulgaire. L'essentiel est que
Harpignies soit assuré de se survivre ; on n'établit pas mieux un paysage que lui ; ses arbres, ses
rochers, ses montagnes profilent noblement leurs silhouettes; sa manière s'impose; aussi conti-
nue-t-il presque seul les grandes traditions des paysagistes de l'école de i83o; ceux-ci compteraient
en lui un émule, si dans ses tableaux le coloriste valait le dessinateur; il voit trop souvent
vert-de-gris et saupoudre ses toiles de cette regrettable tonalité, sans parler d'un certain penchant
à la dureté. Artiste de grande race néanmoins.
La dureté est parfois le péché mignon de M. Edouard Détaille, — chevalier depuis 1873 et
dont la promotion eût été des mieux accueillies.
Comparé à l'art de M. Harpignies toujours animé d'un sentiment de grandeur, l'art de
M. Détaille est assurément d'ordre secondaire; mais, dans le genre qu'il a adopté et où il règne