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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 12.1886 (Teil 1)

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Champfleury: La caricature au Japon, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19705#0132

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LA CARICATURE AU JAPON.

Dans d'autres contes, le renard devient la personnifica- et les Maigres, d'après Breughel. La conception en est
tion de l'être obligeant. Hokou-Saï me paraît avoir voulu simple, comme celle des oeuvres de génie. Des gras sont

le figurer ainsi dans ses albums, soit qu'il aide un passager
à traverser l'eau dans une barque, soit qu'il porte sur son
dos, malgré la fatigue, un lourd fagot coupé dans un bois.
Ce dernier dessin témoigne d'une sorte de commisération
pour les pauvres gens, sentiment qu'on rencontre rare-

occupés à faire ripaille dans une cuisine, au plafond de
laquelle semblent suspendus les abatis et les quartiers de
lard d'un troupeau de cochons tout entier. A la porte se
présente un maigre musicien, dont les os pourraient faire
par leur cliquetis un accompagnement à la musette dans

ment sous le crayon des railleurs japonais. Le même i laquelle souffle le malheureux.

cahier d'images contient-un défilé d'une troupe de renards — Va-t'en, lui crient les gras, qui ont horreur de ce

armes pendant la pluie. Tous ces porteurs de fusils et malingreux jetant des regards affamés sur leurs vie-
d'étendards, tambour en tête, marchent avec résignation, | tuailles; va-t'en, ta vue nous empêche de digérer!
la tête basse. Je ne cherche pas autre Dans l'image qui forme pendant, une

chose dans la pensée du dessinateur chambrée est pleine de calamiteux, longs

qu'un effet de pluie et l'abattement - 'WÊÊlk comme un jour sans pain, aussi aplatis

qu'elle produit, pendant une longue jjP^-^SÏ que des harengs qui sortent de la caque,

étape, parmi les troupes les mieux dis- / _nu - il déguenillés à fendre l'âme. Par mégarde,

ciplinées. ç-j^j /^^pwptpïiË^ un Sras esl entré dans le galetas des

Le renard occupe dans la littérature \k/ MjV*$r^ * **J|«r maigres et, comme ces grabataires l'ili-

er dans les superstitions populaires une M JM s;~ vitent à leur tenir compagnie, il se sauve

place presque aussi importante que dans A g&V'fé ) ^^M)W^ en cr'ant •

les fabliaux européens. Un Japonais ^jr^^¥^iP^Jl^ — Non, non, vous êtes trop pauvres,

qui parle de « la noce du renard » se C9T&>' «SftgjM '->&S£5r?' troP P»uailleux.

sert d'un dicton correspondant à celui Les commentateurs ont eu raison de

des paysans français quand ils disent que Femme grasse a sa toilette, ne point chercher à approfondir ce qu'a
« le diable bat sa femme ». d'après Hokou-S.ï. voulu prouver Breughel. L'idée du vieux

Les conteurs japonais se plaisent à maître consiste dans l'opposition de la

faire disputer le renard avec le chat et avec le blaireau; ce [ graisse à la maigreur, des montagnes de chair à l'anatomie
sont trois compagnons qui usent largement du privilège des pauvres gens, et sa conception est telle que la première

de tourmenter les hommes et de leur jouer de mauvais
tours. Les contes merveilleux qui roulent sur leurs exploits
rempliraient des volumes et sont tellement répandus que,
si on prie un Japonais de conter une histoire, il ne

planche où bâfrent les gras est comique ; celle des maigres
peut avoir la même valeur : elle est sinistre.

La graisse a toujours été un élément comique, depuis
l'antiquité jusqu'à nos jours. Lucien raille les hommes

manque jamais de commencer par citer l'un de ces trois du vulgaire, qu'il appelle « les gens gras ». Silène, le dieu
héros, aussi célèbres que le sont en France le Chat botté I de la graisse par excellence, n'a jamais passé chez les

ou l'Oiseau bleu.

Un autre animal, la pieuvre, fort commune sur les
côtes du Japon, fournit un élément fantastique cher aux

anciens pour une des divinités distinguées de l'Olympe.
Falstaff est gras, Sancho est gras; gens plaisants mais
couards.

peintres de ce pays. Ils l'ont transformé Les Japonais ont suivi le même

parfois en être hybride tenant de sentier et taillé en pleine graisse leurs

l'homme et du poisson, avec un allon- /^'JeïhrjL petits drames, plus sommaires qu
gement de crâne qui ne contient guère H/ri SÉ^y celui de Breughel. Tout pour le peintre-
plus dematière cérébrale qu'une vipère japonais gît dans un croquis.— Voilà
au crâne aplati. v \\ ^es §ras' disent-ils. C'est ainsi que
Quant aux brochet, renard, cheval , Hokou-Saï a empli des pages d'albums

mêlés dans une action commune, je / . --^jV, i Je goinfres accroupis qui se préparent
renverrai les vrais japonisants au ^ef^^^K /^■Uf/'J^*^ à bien boire, de marchands de pois-
texte même des albums où sont traitées »MçjL>-r %V_l~V"~^ fFVvfciîi^l sons découpant leur marchandise,
ces sortes de scènes; mais je dois noter, ^^fe^^^g^^jp^^^^g^^^^^ • d'hommes dont les articulations engor-
sans y attacher autrement d'impor- gées permettent à peine de renouer
tance, l'opinion d'un voyageur qui ^^^^^^B^^^^^^S^^ leurs cordons de chaussures,
trouvait un caractère satirique dans Circulant avec peine, de grosses
ces-représentations d'animaux et disait La Toilette d'un gras, petites dames vont à la promenade;
des peintres japonais, en parlant des d'après Hokou-Sui. jes femrnes grasses s'essoufflent à des
restrictions d'un code sévère : « Tout travaux domestiques ; des fainéantes,

cela ne les empêche pas d'ailleurs de rire un peu sous
cape, prudemment et discrètement, du daïmio ou du
bonze, voire du Taïkoun lui-même, et de caricaturer les
uns et les autres, soit dans les représentations théâtrales,
soit dans les croquis populaires, sous la figure du mata-
more, sous le déguisement du renard, du rat ou de la
belette. »

V

LES GRAS ET LES MAIGRES

à leur toilette, posent du fard sur leurs joues rebondies.
Croquis expressifs et d'une grande justesse de mouvements.

A quelques pages de là, Hokou-Saï a dessiné en oppo-
sition des maigres : deux hommes devant une sorte de table
à tric-trac, aussi détachés des choses du monde que nos
joueurs d'échecs, des portefaix dont le bâton chavire sur
les clavicules des épaules, des lutteurs émaciés effrayants
de consomption, des gens étendus sur la terre dans laquelle
leurs côtes forment trou, des femmes arrangeant leur che-
velure avec un reste de coquetterie, d'autres se querellant
et se prenant aux cheveux. Il est possible que Hokou-Saï
ait voulu faire preuve de science anatomique; mais dans
cette contre-partie la gaieté lui fait défaut comme à Breu-

Tous ceux qui se préoccupent quelque peu d'iconogra-
phie connaissent certainement les deux planches, les Gras I ghel.

Tome XL. 16
 
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