ET DE LA CURIOSITÉ
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Carpaccio peignit quatre cycles : celui de sainte
Ursule (1490-1495) ; — celui de saint Georges des
Esclavons (1502); — celui de la Scuola des Alba-
nais (1504); — celui de la Scuola de San Stefano
(1511-1520). Les six tableaux en question forment
le cycle peint pour la Scuola des Albanais, ainsi
qu'il ressort de l'inventaire de Zanetti, dressé,
comme on sait, vers 1773.
Cette confrérie des Albanais est, d'ailleurs,
assez bien connue par son livre matricule, re-
trouvé dans les archives d'État. Ces braves gens,
qui, à Venise, travaillaient surtout la laine, y
avaient émigré en grand nombre à la suite de la
prise de Scutari (1479); ils faisaient de grands
frais pour décorer le local de leurs réunions et
de leur culte indépendant, véritable khan reli-
gieux. Il est encore orné de demi-figures en ronde-
bosse, œuvres de ce Zuan Zorzi Lascari, sur-
nommé Pyrgotèle, et d'un naïf bas-relief repré-
sentant le siège de Scutari.
Mais revenons à Carpaccio, peintre attitré au-
quel allaient les humbles commandes des Orien-
taux sujets de La Sérénissime. Si, par un effort
d'imagination, on en rapproche les morceaux dis-
persés, le cycle de la vie de la Vierge n'est pas le
meilleur que le peintre ait exécuté ; mais quels
détails exquis dans chacune des scènes, quel mé-
lange de fantaisie et de familier abandon ! M. Lud-
vvig pense que l'auteur s'inspira, en plusieurs en-
droits, des mosaïques de Giambono à Saint-Marc
qui représentent les mêmes scènes rituelles. Ce qui
est certain, c'est que la vue des six tableaux exé-
cutés par le peintre pour ses compatriotes en-
traîna pour lui nombre de commandes : c'est
ainsi qu'on voit les Loredan, les Sanuto s'adres-
ser à lui pour les tableaux d'autel de leurs églises,
précisément sur l'échantillon de son savoir-faire
qu'ils avaient remarqué dans les chapelles des
bateliers, des portefaix et des foulons levantins.
* Van Dych à Gênes. — M. Mario Menotti
continue sa vaste histoire du séjour de van Dyck
à Gênes et étudie notamment ses travaux pour
les Spinola et les Impériale.
* Mecensioni. — Bibliographie du Bealo An-
gelico do M. I. B. Supino (trad. De Crozals), par
M. G. Frizzoni ; — du Ghirlandajo et du Botti
celli de M. E. Steinmann, par C. de Fabriczy.
* Miscellanea. — Suite du dépouillement du
Repertorium fur Kunstwissenschaft (1896), de
la Zeilschrift fur bildende Kunsl (1896) et du
Jahrbuch dez k. preuss Kunstsammlungen
(1896), au point de vue des études d'art italien,
par M. C. de Fabriczy.
* L'Archivio storico delT Arte, parvenu à
la fin de la 3° année de sa seconde série et à la
dixième année de son existence, nous annonce
dans le présent numéro sa transformation. Hâtons-
nous de dire que l'avis est signé de MM. Ad. Ven-
turi et D. Gnoli, directeurs du nouveau recueil,
L'Arte, comme ils l'étaient" de celui-ci. L'Arte,
héritier du capital scientifique accumulé par VAr-
chivio, s'occupera d'art moderne, de questions
présentes, sans abandonner l'étude de l'art chré-
tien, de la Renaissance, etc., et paraîtra mensuel-
lement (Danesi, Rome).
Nous souhaitons le meilleur succès à la jeune
revue annoncée; mais VArchivio, le grave et
fidèle répertoire si bien nommé, emporte cepen-
dant avec lui nos regrets.
= Jahrbuch der kœn. preussischen Kunst-
sammlungen (XIX0 vol., 8e fascicule). Suite (1).
— Autre importante et intéressante monogra-
phie : celle à.'Un Sculpteur oublié du Quattro-
cento, Domenico Rosselli, par M. C. von Fabriczy,
qui a coordonné, en y ajoutant le résultat de ses
recherches personnelles, les dates et indications
recueillies sur cet artiste par le regretté Milanesi.
Domenico Rosselli (qui n'a rien de commun avec
la famille d'artistes florentins de ce nom, ni avec
les frères Gamberelli, surnommés Rossellino, et
dont le nom exact est Domenico di Giovanni di
Bartolomeo detto Rossello) était né en 1439, dans
le district de Pistoie. A vingt-cinq ans, on le
trouve à Florence membre de la corporation des
tailleurs de pierre et sculpteurs. Sa première œuvre
connue (1462) est un candélabre pour cierge pas-
cal, au dôme de Pise; cinq années plus tard, il
sculpte des fonds baptismaux à la collégiale de
Santa Maria a Monte (reprod.j, où il se montre
adepte doué, mais peu personnel, des tendances
gliibertiennes de l'école de Florence et spéciale-
ment de l'art do Bernardino Rossellino. De 1469 à
1489, dernière date connue concernant notre sculp-
teur, il a quitté Florence; on le trouve en 1476 à
PeSaro, où il travaille au palais ou Corte bâti
par Alessandro Sforza, construction pour laquelle
il exécuta les couronnements des cinq grandes
fenêtres de l'étage supérieur, et enfin dans le
duché d'Urbin, à Fossombrone, où il sculpta
pour le dôme de cotte ville un retable qui est son
ouvrage le plus remarquable (reprod.), composé
de cinq figures de saints, surmontant cinq bas-
reliefs, dans un encadrement architectural. Le
caractère de cette dernière œuvre, le style des
personnages, devant lesquels on se laisse aller à
prononcer le nom de Desiderio da Settignano,
donnent à penser que Domenico Rosselli fut
l'élève de ce sculpteur florentin.
= M. J. Strzygowsky nous décrit un curieux
bas-relief byzantin on pierre, du x° siècle, récem-
ment entré au musée de Berlin (2), et représen-
tant le combat d'un homme contre un monstre à
tête d'animal dont il est séparé par un arbre, et
il le rapproche de plusieurs autres bas-reliefs de
même époque offrant des scènes du même genre
et reproduits dans cet article : l'un trouvé en 1895,
à Hamidich (Asie Mineure), deux autres conser-
vés au Musée d'Athènes, d'autres encore décorant
des coffrets en ivoire qu'on peut observer en di-
verses collections, et il en conclut que jusqu'à
une époque assez reculée l'usage des mythes an-
tiques se perpétua dans l'art byzantin.
= Un des plus remarquables dans le petit
groupe des artistes suisses du commencement de
la Renaissance, que M. Antony Valabrègue étu-
diait récemment dans la Gazette, un de ceux qui,
avec Urs Graf, donnent le mieux l'idée de ce que
fut l'art bâlois à cette époque, le monogram-
miste HF, que Nagler a identifié avec le peintre
Hans Franck, est l'objet d'une étude de M. H.-
Alfred Schmid, qui résume tout ce qu'on sait de
sa vie privée (quelques dates et faits peu impor-
tants) et énumère ses principales productions :
(1) V. Chronique des Arts du 5 mars 1898.
(2) V. Chronique des Arts du 4 septembre 1897,
p. 277.
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Carpaccio peignit quatre cycles : celui de sainte
Ursule (1490-1495) ; — celui de saint Georges des
Esclavons (1502); — celui de la Scuola des Alba-
nais (1504); — celui de la Scuola de San Stefano
(1511-1520). Les six tableaux en question forment
le cycle peint pour la Scuola des Albanais, ainsi
qu'il ressort de l'inventaire de Zanetti, dressé,
comme on sait, vers 1773.
Cette confrérie des Albanais est, d'ailleurs,
assez bien connue par son livre matricule, re-
trouvé dans les archives d'État. Ces braves gens,
qui, à Venise, travaillaient surtout la laine, y
avaient émigré en grand nombre à la suite de la
prise de Scutari (1479); ils faisaient de grands
frais pour décorer le local de leurs réunions et
de leur culte indépendant, véritable khan reli-
gieux. Il est encore orné de demi-figures en ronde-
bosse, œuvres de ce Zuan Zorzi Lascari, sur-
nommé Pyrgotèle, et d'un naïf bas-relief repré-
sentant le siège de Scutari.
Mais revenons à Carpaccio, peintre attitré au-
quel allaient les humbles commandes des Orien-
taux sujets de La Sérénissime. Si, par un effort
d'imagination, on en rapproche les morceaux dis-
persés, le cycle de la vie de la Vierge n'est pas le
meilleur que le peintre ait exécuté ; mais quels
détails exquis dans chacune des scènes, quel mé-
lange de fantaisie et de familier abandon ! M. Lud-
vvig pense que l'auteur s'inspira, en plusieurs en-
droits, des mosaïques de Giambono à Saint-Marc
qui représentent les mêmes scènes rituelles. Ce qui
est certain, c'est que la vue des six tableaux exé-
cutés par le peintre pour ses compatriotes en-
traîna pour lui nombre de commandes : c'est
ainsi qu'on voit les Loredan, les Sanuto s'adres-
ser à lui pour les tableaux d'autel de leurs églises,
précisément sur l'échantillon de son savoir-faire
qu'ils avaient remarqué dans les chapelles des
bateliers, des portefaix et des foulons levantins.
* Van Dych à Gênes. — M. Mario Menotti
continue sa vaste histoire du séjour de van Dyck
à Gênes et étudie notamment ses travaux pour
les Spinola et les Impériale.
* Mecensioni. — Bibliographie du Bealo An-
gelico do M. I. B. Supino (trad. De Crozals), par
M. G. Frizzoni ; — du Ghirlandajo et du Botti
celli de M. E. Steinmann, par C. de Fabriczy.
* Miscellanea. — Suite du dépouillement du
Repertorium fur Kunstwissenschaft (1896), de
la Zeilschrift fur bildende Kunsl (1896) et du
Jahrbuch dez k. preuss Kunstsammlungen
(1896), au point de vue des études d'art italien,
par M. C. de Fabriczy.
* L'Archivio storico delT Arte, parvenu à
la fin de la 3° année de sa seconde série et à la
dixième année de son existence, nous annonce
dans le présent numéro sa transformation. Hâtons-
nous de dire que l'avis est signé de MM. Ad. Ven-
turi et D. Gnoli, directeurs du nouveau recueil,
L'Arte, comme ils l'étaient" de celui-ci. L'Arte,
héritier du capital scientifique accumulé par VAr-
chivio, s'occupera d'art moderne, de questions
présentes, sans abandonner l'étude de l'art chré-
tien, de la Renaissance, etc., et paraîtra mensuel-
lement (Danesi, Rome).
Nous souhaitons le meilleur succès à la jeune
revue annoncée; mais VArchivio, le grave et
fidèle répertoire si bien nommé, emporte cepen-
dant avec lui nos regrets.
= Jahrbuch der kœn. preussischen Kunst-
sammlungen (XIX0 vol., 8e fascicule). Suite (1).
— Autre importante et intéressante monogra-
phie : celle à.'Un Sculpteur oublié du Quattro-
cento, Domenico Rosselli, par M. C. von Fabriczy,
qui a coordonné, en y ajoutant le résultat de ses
recherches personnelles, les dates et indications
recueillies sur cet artiste par le regretté Milanesi.
Domenico Rosselli (qui n'a rien de commun avec
la famille d'artistes florentins de ce nom, ni avec
les frères Gamberelli, surnommés Rossellino, et
dont le nom exact est Domenico di Giovanni di
Bartolomeo detto Rossello) était né en 1439, dans
le district de Pistoie. A vingt-cinq ans, on le
trouve à Florence membre de la corporation des
tailleurs de pierre et sculpteurs. Sa première œuvre
connue (1462) est un candélabre pour cierge pas-
cal, au dôme de Pise; cinq années plus tard, il
sculpte des fonds baptismaux à la collégiale de
Santa Maria a Monte (reprod.j, où il se montre
adepte doué, mais peu personnel, des tendances
gliibertiennes de l'école de Florence et spéciale-
ment de l'art do Bernardino Rossellino. De 1469 à
1489, dernière date connue concernant notre sculp-
teur, il a quitté Florence; on le trouve en 1476 à
PeSaro, où il travaille au palais ou Corte bâti
par Alessandro Sforza, construction pour laquelle
il exécuta les couronnements des cinq grandes
fenêtres de l'étage supérieur, et enfin dans le
duché d'Urbin, à Fossombrone, où il sculpta
pour le dôme de cotte ville un retable qui est son
ouvrage le plus remarquable (reprod.), composé
de cinq figures de saints, surmontant cinq bas-
reliefs, dans un encadrement architectural. Le
caractère de cette dernière œuvre, le style des
personnages, devant lesquels on se laisse aller à
prononcer le nom de Desiderio da Settignano,
donnent à penser que Domenico Rosselli fut
l'élève de ce sculpteur florentin.
= M. J. Strzygowsky nous décrit un curieux
bas-relief byzantin on pierre, du x° siècle, récem-
ment entré au musée de Berlin (2), et représen-
tant le combat d'un homme contre un monstre à
tête d'animal dont il est séparé par un arbre, et
il le rapproche de plusieurs autres bas-reliefs de
même époque offrant des scènes du même genre
et reproduits dans cet article : l'un trouvé en 1895,
à Hamidich (Asie Mineure), deux autres conser-
vés au Musée d'Athènes, d'autres encore décorant
des coffrets en ivoire qu'on peut observer en di-
verses collections, et il en conclut que jusqu'à
une époque assez reculée l'usage des mythes an-
tiques se perpétua dans l'art byzantin.
= Un des plus remarquables dans le petit
groupe des artistes suisses du commencement de
la Renaissance, que M. Antony Valabrègue étu-
diait récemment dans la Gazette, un de ceux qui,
avec Urs Graf, donnent le mieux l'idée de ce que
fut l'art bâlois à cette époque, le monogram-
miste HF, que Nagler a identifié avec le peintre
Hans Franck, est l'objet d'une étude de M. H.-
Alfred Schmid, qui résume tout ce qu'on sait de
sa vie privée (quelques dates et faits peu impor-
tants) et énumère ses principales productions :
(1) V. Chronique des Arts du 5 mars 1898.
(2) V. Chronique des Arts du 4 septembre 1897,
p. 277.