La chronique des arts et de la curiosité (1910)

13 i

LA CHRONIQUE DES ARTS

laie n’a pas cessé de l’inspirer et des croquis
exécutés d’après nature et gradés d’une pointe
alerte montrent aujourd’hui VHôtel Lambert et la
Cour de Rohan, la Tourelle de l’Hôtel Barbette
et le Square Notre-Dame, le Pont-Neuf et l'Abside
de Saint-Merry. D’autres albums suivront, qui
feront revivre d’autres reliques « du passé ». Il
faut se réjouir d'une telle initiative ; elle vaut par
la belle sincérité et l’amour fervent de la capitale
dont elle témoigne; puis, à exalter les chefs-
d’œuvre de notre architecture nationale, elle ap-
prendra à les mieux aimer; bien plus, elle aidera
dans une certaine mesure à les protéger contre
un vandalisme qui, pour dater des barbares, n’en
continue pas moins à sévir cruellement au début
du xx5 siècle.

Catalogue of the early italian engravings of
the British Muséum, by MM. Arthur Mayger
Hind et Sidney Colvin ; Text and Illustra-
tions, 3 vol. in-8°, Londres 1909 et 1910.

Voici un instrument de travail de premier ordre
exemplaire à la fois par le plan, l’ordonnance et
l’exécution. Il s’agit du catalogue des gravures ita-
liennes: anciennes (1450-1520), que conserve le ca-
binet d’estampes du British Muséum : il a pour
auteurs MM. Arthur Mayger Hind et M. Sidney
Calvin ; au point de vue du texte on y constate les
mêmes soins qui nous firent récemment louer le
travail de, M. Bruel, consacré à la collection de
Vincli. Cette fois encore la science ne le cède pas
à l’art ; nous voulons dire que les rédacteurs, tout
en faisant œuvre d’érudits, se sont attachés à
dégager la beauté, le caractère, la signification de
chaque pièce décrite ; puis encore, puis surtout ils
ont multiplié les images et par là même, singuliè-
rement accru la valeur documentaire de leur cata-
logue. Le procédé employé pour ces images est la
phototypie qui garantit l’absolue fidélité des re-
productions. On ne saurait trop féliciter de cet
ouvrage, à tous égards considérable, MM. Mayger,
Hind et Sidney Golvin, ainsi que les Trustiees du
Musée auxquels revient l’honneur d’en avoir or-
donné la publication.

Die Mode. Meuschen und Moden im 18.
Jahrhundert nach Bildern und Stichen
der Zeit. Ausgewæhlt von Dr. Oskar Fisci-iel,
mit Text von Max von Boehn. — München,
F. Bruckmann, 1909. Un vol. in-8°, 251 p. av.
260 girav. dans le texte ou hors texte en noir ou
en couleurs.

Ce charmant volume vient s’ajouter aux deux
que nous avons précédemment signalés ici même,
où était retracée, d’après les peintres et les gra-
veurs du temps, l’histoire des costumes et des
mœurs au cours du dix-neuvième siècle. Le succès
de cet ouvrage a sans doute déterminé ses auteurs
à nous offrir comme complément le même tableau
pour le siècle précédent. L’idée ne pouvait être
plus heureuse : si les modes, à vrai dire, y offrent
moins de variations, en aucun temps peut-être elles
ne furent plus élégantes et ne trouvèrent pour les
peindre artistes plus séduisants. D’autrepart, quel
intérêt n’offre pas à l’histoire des mœurs et du
goût une époque qui fut celle de Louis XV et de
Louis XVI, de Frédéric le Grand et de Marie-
Thérèse, de la Pompadour et de Marie-Antoinette,

de Voltaire et de Bousseau, de Gœthe, de Schiller
et de Leasing ! Comme dans les volumes précé-
dents, le texte offre un tableau en raccourci, habi-
lement tracé, de toute cette brillante civilisa-
tion au point de vue politique, littéraire, artistique,
scientifique même, fait revivre dans leur décor et
leurs costumes les mœurs de la ville et de la cour,
grâce surtout à une abondante illustration où les
portraits dus à des artistes comme Goypel, Rigaud,
Vanloo, Nattier, Portail, Trinquesse, AVatteau,
Boucher, Lancret, Fragonard, Reynolds, Gains-
borough, Ptomney, Bartolozzi et autres, avoisinent
les scènes de mœurs fidèlement transcrites par
un Chardin, un Saint-Aubin, un Debncourt, un
Lavreince, un Ilogarth, un Morland, un Longlii,
un Chodawieeki, ou même les estampes en cou-
leurs du Magasin des Modes,, et jusqu’aux pim-
pantes figurines sorties des manufactures de
Meisscn ou de Nymphenhurg.

A. M.

NECROLOGIE

Le peintre animalier, Julien Dupré, est mort à
Paris, le 16 avril, à l’âge de cinquante-neuf ans;
membre de la Société des Artistes français, il ex-
posait régulièrement aux Salons depuis 1876. Il
était né à Paris, le 17 mars 1851, et fut élève de
Pils, de Laugée et de Lelimann. Il obtint une troi-
sième médaille au Salon de 1880, une de deuxième
classe en 1881, une médaille d’argent à l’Exposi-
tion Universelle de 1889 et fut nommé chevalier
de la Légion d’honneur en 1892. Plusieurs musées
possèdent de ses œuvres. Citons : au Luxembourg,
La Vache blanche, Les Faucheurs de luzerne;
au Petit-Palais, La Traite, au musée de Grenoble,
Vallée à Arclielle; au musée de Carcassonne,
Dans la prairie ; au musée de Rouen, un Chemin
au Mesnil ; à la présidence du Sénat, La Vache
échappée ; au musée de Prague, La Faneuse ; au
musée de Saint-Louis, Pâturage ; etc.

Le 18 avril est mort à Londres un des grands
peintres anglais : sir William (Tuilier Orchard-
son, bien connu en France, où il exposait réguliè-
rement au Salon de la Société des Artistes fran-
çais. II était né en 1835 à Edimbourg . Portraitiste,
peintre d’histoire et aussi de genre, on lui doit
nombre d’œuvres remarquables, parmi lesquelles
Napoléon sur le Bellêrophon Il y a cent ans ;
Clair de lune sur la lagune ; Voltaire chez, le duc
de Sully ; Le Salon de Mme Récamier ; etc. Il avait
obtenu une médaille de troisième classe aux Expo-
sitions Universelles de 1867 et de 1878, une mé-
daille d’or à celle de 1889, un grand prix à celle de
1900. Il était membre correspondant de l’Institut.

Un des anciens professeurs du. Conservatoire de
musique de Strasbourg, M. Frédério Rucquoy.
est mort la semaine dernière, dans sa quatre-vingt-
unième année. Avec lui disparaît le dernier survi-
vant de ceux qui contribuèrent à la création de
l’anoien Conservatoire de Strasbourg en 1855. Pen-
dant un demi-siècle il prit une part active au mou-
vement musical de l’Alsace, où il était unanime-
ment estimé pour son talent.