ET DE LA CURIOSITÉ
15
maintenant, une documentation historique d'un
prix incontestable. Il n'y a pas à revenir sur l'en-
semble des raisons qui font de M. J. Meier-Graefe
une des personnalités essentielles de la critique mo-
derne. Son goût et son intelligence de l'originalité
s'étaient sur une connaissance approfondie des
maîtres du passé. Les esprits réfléchis éprouvent
quelque embarras à contester l'opinion d'un écri-
vain qui s'est prononcé sur les anciennes écoles
d'Angleterre et d'Espagne avec une compétence
certaine et qui a résumé, dans un ouvrage con-
sidérable et justement apprécié, toute une philo-
sophie de l'art moderne. Ses deux monographies
de Van Gogh et de Paul Cézanne — les premières
dont chacun de ces peintres ait été l'objet —
valent par la lucidité du diagnostic, par la re-
cherche des poiats de comparaison, par l'intérêt
d'une sympathie qui se motive et qui s'explique ;
l'illustration y serre de près le texte et le corrobore.
Je ne m'étonnerais pas que le doute vînt à s'abolir
à la lecture et que plus d'un sceptique delà veille
n'arrivât, en fin de compte, à se ranger aux vues
de M. Meier-Graefe et à en adopter les conclusions.
Der Garten, von August Griseuacii. — Leipzig,
Klinkhardt et Biermann. Un vol. in-8°, de
vin-126 p. av. 65 planches.
M. August Grisobach peut se féliciter d'avoir
fait tenir en un nombre restreint do pages la plus
judicieuse et la meilleure « histoiie de l'art des
jardins » qui ait été jusqu'ici offerte, Le texte a
été volontairement isolé des gravures afin que l'at-
tention du lecteur ne soit sollicitée par aucune
distraction ; entre ces images, dont le nombre
atteint presque la centaine, un tiers montre des
exemples venus de France. Est-il besoin d'ajouter
que rien ne manque de ces indications complémen-
taires, documentaires, appelées à faciliter la
consultation de l'ouvrage et à en faire un instru-
ment de travail utile et pratique? La science alle-
mande nous a habitués depuis longtemps à ces
soins qui ne cessent pas de nous plaire. Parmi
les travaux moderne- sur la matière, dont M. Gri-
sobach donne la liste, ceux de M. François Benoit,
de M. de Nolhac et la communication de M. J.-J.
Guiffrey à lTnstitut (relative à Le Nôtre), devront
prendre place lors de l'impression d'une édition
nouvelle, qui ne saurait tarder, si le succès se
trouve cette fois répondre au mérite.
Das Teuflische und Groteske in der Kunst,
von Wiihelm Michel. — Mùnchen, R. Piper.
Un vol. in-8% de 130 p. avec 100 gravures.
Malgré l'origine germanique, que l'on ne s'at-
tende pas à un volumineux traité sur le diabolique
et le grotesque dans l'art. C'est simplement un
essai à quoi s'est plu l'esprit alerte d'un critique
informé, enclin par nature aux idées générales et
aux parallèles instructifs. M. Michel a su établir
le lien utile entre des manifestations qui s'échelou-
nenUe long des âges: elles vont des vieilles idoles
d'Asie aux dessins de nos plus récents humoris-
tes, et montrent, sous des dehors dissemblables,
la persistance des mêmes hantises dans l'âme de
tous les peuples et de tons les temps.
NECROLOGIE
A la fin du mois dernier est mort à Paris un
homme de lettres et caricaturiste qui eut son
heure de célébrité: Léon Bienvenu, dit Tou-
chatout. Né à Paris le 25 mars 1835, il fut, à partir
de 1863, le collaborateur assidu du Tintamarre,
auquel il donna des chroniques et des dessins
humoristiques d'une réelle originalité.
Un amateur bien connu, M. Adolphe Schloss,
est mort dernièrement à Pavis, à l'âge de soixante
ans. Il possédait une collection importante de
tableaux anciens de maîtres hollanlais et flamands,
notamment plusieurs Rembrandt.
On annonce d'Anvers la mort du peintre paysa-
giste François Lamorinière, décédé à l'âge do
quatre-vingt-trois ans, et que la cécité avait depuis
longtemps condamné à l'inaction. Il était né à
Anvers le 28 avril 1828 et s'était fait remarquer
par la probité de son exécution, consciencieuse
jusqu'à la minutie. Il avait obtenu en France une
médaille de troisième classe à l'Exposition Univer-
selle de 1878 et une médaille d'or à celle de 1889,
année où il reçut la rosette d'officier de la Légion
d'honneur.
Le 23 décembre dernier est mort à Londres, à
l'âge de cinquante-sept ans, le graveur J. Bishop
Pratt. Il avait été élève de David Lucas et avait
gravé des planches d'après Rosa Bonheur, Land-
seer, B ri ton Rivière, Peter Graham, et plus tard
d'après Raeburn et Lawrence.
Le sculpteur allemand Joseph Uphues, membre
de l'Académie de Berlin, est mort dans cette ville
le 1er janvier. Il était né à Sassenberg (Westphalie)
le 23 mai 1850, et était élève de Reinhold Begas. On
lui doit un assez grand nombre de statues de per-
sonnalités allemandes : Guillaume Ier, Bismarck,
Schiller, la jolie statue de Frédéric le Grand le
jeune dans l'allée de la Victoire à Berlin, le mo-
nument du maréchal de Moltke dans la même
ville, la statue équestre de Frédéric III à Char-
lottenburg, etc.
On annonce également la mort à Fribourg-en-
Brisgau, à l'âge de soixante-trois ans, de l'archi-
tecte Max Meckel, qui construisit la chapelle
Saint-Roch à Bingen et l'église de la Garnison à
Ulm, et restaura le Rœmer à Francfort-sur-le-Mein.
Nous avons le regret d'enregistrer la mort, sur-
venue le 29 décembre dernier, d'un des bibliothé-
caires de la Bibliothèque royale de Berlin, Ferdi-
nand Laban, originaire de Presbourg, où il était
né en 1856. On lui doit nombre de travaux pleins
d'érudition et de conscience sur des questions d'art,
publiés notamment clans le Ja^rbuch des mu-
sées de Berlin, la Zeitschrifi fur bildende Kunst,
et de manuels d'art ; il a aussi rédigé pendant long-
temps, dans le Repertorium fin' Kunswissen-
chaft, la bibliographie annuelle des nouveaux
ouvrages sur l'histoire de l'art.
15
maintenant, une documentation historique d'un
prix incontestable. Il n'y a pas à revenir sur l'en-
semble des raisons qui font de M. J. Meier-Graefe
une des personnalités essentielles de la critique mo-
derne. Son goût et son intelligence de l'originalité
s'étaient sur une connaissance approfondie des
maîtres du passé. Les esprits réfléchis éprouvent
quelque embarras à contester l'opinion d'un écri-
vain qui s'est prononcé sur les anciennes écoles
d'Angleterre et d'Espagne avec une compétence
certaine et qui a résumé, dans un ouvrage con-
sidérable et justement apprécié, toute une philo-
sophie de l'art moderne. Ses deux monographies
de Van Gogh et de Paul Cézanne — les premières
dont chacun de ces peintres ait été l'objet —
valent par la lucidité du diagnostic, par la re-
cherche des poiats de comparaison, par l'intérêt
d'une sympathie qui se motive et qui s'explique ;
l'illustration y serre de près le texte et le corrobore.
Je ne m'étonnerais pas que le doute vînt à s'abolir
à la lecture et que plus d'un sceptique delà veille
n'arrivât, en fin de compte, à se ranger aux vues
de M. Meier-Graefe et à en adopter les conclusions.
Der Garten, von August Griseuacii. — Leipzig,
Klinkhardt et Biermann. Un vol. in-8°, de
vin-126 p. av. 65 planches.
M. August Grisobach peut se féliciter d'avoir
fait tenir en un nombre restreint do pages la plus
judicieuse et la meilleure « histoiie de l'art des
jardins » qui ait été jusqu'ici offerte, Le texte a
été volontairement isolé des gravures afin que l'at-
tention du lecteur ne soit sollicitée par aucune
distraction ; entre ces images, dont le nombre
atteint presque la centaine, un tiers montre des
exemples venus de France. Est-il besoin d'ajouter
que rien ne manque de ces indications complémen-
taires, documentaires, appelées à faciliter la
consultation de l'ouvrage et à en faire un instru-
ment de travail utile et pratique? La science alle-
mande nous a habitués depuis longtemps à ces
soins qui ne cessent pas de nous plaire. Parmi
les travaux moderne- sur la matière, dont M. Gri-
sobach donne la liste, ceux de M. François Benoit,
de M. de Nolhac et la communication de M. J.-J.
Guiffrey à lTnstitut (relative à Le Nôtre), devront
prendre place lors de l'impression d'une édition
nouvelle, qui ne saurait tarder, si le succès se
trouve cette fois répondre au mérite.
Das Teuflische und Groteske in der Kunst,
von Wiihelm Michel. — Mùnchen, R. Piper.
Un vol. in-8% de 130 p. avec 100 gravures.
Malgré l'origine germanique, que l'on ne s'at-
tende pas à un volumineux traité sur le diabolique
et le grotesque dans l'art. C'est simplement un
essai à quoi s'est plu l'esprit alerte d'un critique
informé, enclin par nature aux idées générales et
aux parallèles instructifs. M. Michel a su établir
le lien utile entre des manifestations qui s'échelou-
nenUe long des âges: elles vont des vieilles idoles
d'Asie aux dessins de nos plus récents humoris-
tes, et montrent, sous des dehors dissemblables,
la persistance des mêmes hantises dans l'âme de
tous les peuples et de tons les temps.
NECROLOGIE
A la fin du mois dernier est mort à Paris un
homme de lettres et caricaturiste qui eut son
heure de célébrité: Léon Bienvenu, dit Tou-
chatout. Né à Paris le 25 mars 1835, il fut, à partir
de 1863, le collaborateur assidu du Tintamarre,
auquel il donna des chroniques et des dessins
humoristiques d'une réelle originalité.
Un amateur bien connu, M. Adolphe Schloss,
est mort dernièrement à Pavis, à l'âge de soixante
ans. Il possédait une collection importante de
tableaux anciens de maîtres hollanlais et flamands,
notamment plusieurs Rembrandt.
On annonce d'Anvers la mort du peintre paysa-
giste François Lamorinière, décédé à l'âge do
quatre-vingt-trois ans, et que la cécité avait depuis
longtemps condamné à l'inaction. Il était né à
Anvers le 28 avril 1828 et s'était fait remarquer
par la probité de son exécution, consciencieuse
jusqu'à la minutie. Il avait obtenu en France une
médaille de troisième classe à l'Exposition Univer-
selle de 1878 et une médaille d'or à celle de 1889,
année où il reçut la rosette d'officier de la Légion
d'honneur.
Le 23 décembre dernier est mort à Londres, à
l'âge de cinquante-sept ans, le graveur J. Bishop
Pratt. Il avait été élève de David Lucas et avait
gravé des planches d'après Rosa Bonheur, Land-
seer, B ri ton Rivière, Peter Graham, et plus tard
d'après Raeburn et Lawrence.
Le sculpteur allemand Joseph Uphues, membre
de l'Académie de Berlin, est mort dans cette ville
le 1er janvier. Il était né à Sassenberg (Westphalie)
le 23 mai 1850, et était élève de Reinhold Begas. On
lui doit un assez grand nombre de statues de per-
sonnalités allemandes : Guillaume Ier, Bismarck,
Schiller, la jolie statue de Frédéric le Grand le
jeune dans l'allée de la Victoire à Berlin, le mo-
nument du maréchal de Moltke dans la même
ville, la statue équestre de Frédéric III à Char-
lottenburg, etc.
On annonce également la mort à Fribourg-en-
Brisgau, à l'âge de soixante-trois ans, de l'archi-
tecte Max Meckel, qui construisit la chapelle
Saint-Roch à Bingen et l'église de la Garnison à
Ulm, et restaura le Rœmer à Francfort-sur-le-Mein.
Nous avons le regret d'enregistrer la mort, sur-
venue le 29 décembre dernier, d'un des bibliothé-
caires de la Bibliothèque royale de Berlin, Ferdi-
nand Laban, originaire de Presbourg, où il était
né en 1856. On lui doit nombre de travaux pleins
d'érudition et de conscience sur des questions d'art,
publiés notamment clans le Ja^rbuch des mu-
sées de Berlin, la Zeitschrifi fur bildende Kunst,
et de manuels d'art ; il a aussi rédigé pendant long-
temps, dans le Repertorium fin' Kunswissen-
chaft, la bibliographie annuelle des nouveaux
ouvrages sur l'histoire de l'art.