N« 28. - 1911. BUREAUX : 106, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (6e)
2G Août.
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LE SAMEDI MATIN
Les abonnés à la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement la Chronique des Arts et de la Curiosité
Prix de l'abonnement pour un an
Paris, Seine et Seine-et-Oise. ... 10 fr.
Départements........... 12 fr.
Étranger (Etats faisant partie de
l'Union postale)......... 15 fr.
ir_.e ÏSr-u.méro : O fr. 2 5
PROPOS DU JOUR
WTF>i*Ku monde entier connaît, au mo-
<oJ^?<ï ment où nous écrivons, la nou-
tolwri5i velle extravagante et consternante
v -fzs£l& à la fois : la Joconde a disparu
du Louvre. On a refusé longtemps d'y croire,
tant l'événement paraissait impossible. On
s'est même donné quelques heures durant
l'illusion d'hypothèses optimistes : le fait est
là: l'un des tableaux les plus universellement
respectés, l'une des parures de notre Louvre
a pu être volée.
A l'émotion profonde qui accueille une si
extraordinaire nouvelle se joint un sentiment
de surprise irritée. Comment un si lamenta-
ble accident est-il possible ? Comment les
chefs-d'œuvre les plus illustres sont-ils lais-
sés dans les salles sans que la sécurité en
soit davantage assurée ? Des informations de
toutes sortes sont prodiguées ; des enquêtes
de toute nature sont ouvertes sur les cir-
constances du vol. Elles n'apprennent rien
malheureusement sur le sort de la Joconde.
Mais toutes font ressortir avec évidence l'in-
suffisance des mesures prises pour garder le
Louvre et la facilité avec laquelle on circu-
lait dans notre grand musée.
On abuse, surtout dans les heures de désar-
roi, des mots de sanction et de responsabi-
lité. On les lance un peu au hasard comme
si dans chaque catastrophe il fallait trouver
pour le public un coupable. La réalité est un
peu plus compliquée. Il existe depuis long-
temps dans l'organisation de nos musées un
état de choses que nous n'avons cessé de si-
gnaler et qui est attristant pour notre pres-
tige. Les discussions du budget des Beaux-
Arts au Parlement ne sont en général que des
échanges de bonnes paroles. Tout le monde
sait que le nombre des gardiens est insuffi-
sant ; mais quand donc a-t-on voté des cré-
dits pour l'accroître ? Jamais. Tout le monde
parle périodiquement de mesures à prendre
pour la sécurité du Louvre ; il a fallu dix
ans pour que les Colonies déménagent. Tout
le monde connaît enfin les difficultés d'ordre
administratif que soulève la question de
personnel ; on n'a rien fait pour rendre aux
conservateurs l'autorité qui leur est néces-
saire. La Chronique a dénoncé voici beau
temps les périls de l'extraordinaire privilège
concédé à un photographe. Nul n'y a pris
garde. Un événement comme cette disparition
peut-être irréparable, incite à de sévères
réffexions sur le désordre et le relâchement
de nos mœurs administratives. Si la Joconde
nous revient jamais, comme on veut encore
l'espérer, quel avertissement elle nous aura
donné pour l'avenir, et si elle ne revient pas,
quel dur châtiment de nos erreurs !
NOUVELLES
Ont été inaugurés pendant la dernière
quinzaine :
Le dimanche 13 août, à Rabastens-sur-
Tarn (Tarn), un buste d'Auger Gaillard,
poète du xvie siècle, œuvre du sculpteur
Roustan ;
Le dimanche 20 août, à Evreux, un buste
d'Alphonse Chassant, ancien conservateur
du musée de cette ville, œuvre de M. Emile
Decorchemont ;
Le même jour, au Havre, une statue du
constructeur naval Augustin Normand, œu-
vre du sculpteur Benêt.
**# Nous avons plaisir à annoncer que, par
décret rendu sur la proposition du ministre
des Affaires étrangères, notre distingué col-
laborateur, M. Daniel Baud-Bovy, conserva-
teur des collections de peinture au musée de
Genève, vient d'être nommé chevalier de la
Légion d'honneur. M. Baud-Bovy, nos lec-
teurs s'en souviennent, est l'auteur de deux
importants volumes d'études très documen-
2G Août.
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WTF>i*Ku monde entier connaît, au mo-
<oJ^?<ï ment où nous écrivons, la nou-
tolwri5i velle extravagante et consternante
v -fzs£l& à la fois : la Joconde a disparu
du Louvre. On a refusé longtemps d'y croire,
tant l'événement paraissait impossible. On
s'est même donné quelques heures durant
l'illusion d'hypothèses optimistes : le fait est
là: l'un des tableaux les plus universellement
respectés, l'une des parures de notre Louvre
a pu être volée.
A l'émotion profonde qui accueille une si
extraordinaire nouvelle se joint un sentiment
de surprise irritée. Comment un si lamenta-
ble accident est-il possible ? Comment les
chefs-d'œuvre les plus illustres sont-ils lais-
sés dans les salles sans que la sécurité en
soit davantage assurée ? Des informations de
toutes sortes sont prodiguées ; des enquêtes
de toute nature sont ouvertes sur les cir-
constances du vol. Elles n'apprennent rien
malheureusement sur le sort de la Joconde.
Mais toutes font ressortir avec évidence l'in-
suffisance des mesures prises pour garder le
Louvre et la facilité avec laquelle on circu-
lait dans notre grand musée.
On abuse, surtout dans les heures de désar-
roi, des mots de sanction et de responsabi-
lité. On les lance un peu au hasard comme
si dans chaque catastrophe il fallait trouver
pour le public un coupable. La réalité est un
peu plus compliquée. Il existe depuis long-
temps dans l'organisation de nos musées un
état de choses que nous n'avons cessé de si-
gnaler et qui est attristant pour notre pres-
tige. Les discussions du budget des Beaux-
Arts au Parlement ne sont en général que des
échanges de bonnes paroles. Tout le monde
sait que le nombre des gardiens est insuffi-
sant ; mais quand donc a-t-on voté des cré-
dits pour l'accroître ? Jamais. Tout le monde
parle périodiquement de mesures à prendre
pour la sécurité du Louvre ; il a fallu dix
ans pour que les Colonies déménagent. Tout
le monde connaît enfin les difficultés d'ordre
administratif que soulève la question de
personnel ; on n'a rien fait pour rendre aux
conservateurs l'autorité qui leur est néces-
saire. La Chronique a dénoncé voici beau
temps les périls de l'extraordinaire privilège
concédé à un photographe. Nul n'y a pris
garde. Un événement comme cette disparition
peut-être irréparable, incite à de sévères
réffexions sur le désordre et le relâchement
de nos mœurs administratives. Si la Joconde
nous revient jamais, comme on veut encore
l'espérer, quel avertissement elle nous aura
donné pour l'avenir, et si elle ne revient pas,
quel dur châtiment de nos erreurs !
NOUVELLES
Ont été inaugurés pendant la dernière
quinzaine :
Le dimanche 13 août, à Rabastens-sur-
Tarn (Tarn), un buste d'Auger Gaillard,
poète du xvie siècle, œuvre du sculpteur
Roustan ;
Le dimanche 20 août, à Evreux, un buste
d'Alphonse Chassant, ancien conservateur
du musée de cette ville, œuvre de M. Emile
Decorchemont ;
Le même jour, au Havre, une statue du
constructeur naval Augustin Normand, œu-
vre du sculpteur Benêt.
**# Nous avons plaisir à annoncer que, par
décret rendu sur la proposition du ministre
des Affaires étrangères, notre distingué col-
laborateur, M. Daniel Baud-Bovy, conserva-
teur des collections de peinture au musée de
Genève, vient d'être nommé chevalier de la
Légion d'honneur. M. Baud-Bovy, nos lec-
teurs s'en souviennent, est l'auteur de deux
importants volumes d'études très documen-