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qui étaient des noms de l’Hermès pélasgique envisagé comme l’auteur de l’ordon-
nance du monde et celui qui la maintient (1).
Le mythe sur lequel se fondait la fête tyrienne du « réveil de Melqarth »,
lyeaaiç 'Hpootléovç, le fait sortir d’un évanouissement, d’une mort temporaire ; celui
de la lutte de Zeus et de Typhon montre le dieu reprenant ses forces après avoir
été énervé ; les railleries du prophète Elie font allusion à un sommeil (ce que le
grec exprimait par le terme de xaraivatjpLèçjj suivi d’un réveil; enfin d’autres,
parmi les rites que nous avons rappelés, ont trait à une renaissance du dieu sous
la forme d’enfant, après un trépas sous la forme d’adulte. Ce sont là, dans le
langage symbolique des religions de l’antiquité, autant de façons synonymes de
rendre l’idée du moment où le soleil, à la suite du solstice d’hiver, après avoir
paru succomber sous les coups du principe du froid, de la mort et des ténèbres,
reprend sa marche ascendante vers un nouveau triomphe de sa puissance à l’été.
Leur synonymie est parfaitement indiquée par Plutarque (2) quand, parlant du
mythe de la mort temporaire de Dionysos, lequel appartient à la même famille, il
fait remarquer la coïncidence de la cérémonie funèbre et mystérieuse qui se cé-
lébrait à Delphes sur le tombeau du dieu , tandis que le même jour, et à la même
heure, les femmes réunies sur le Parnasse réveillaient à grands cris Dionysos
Limités, c’est-à-dire le dieu nouveau-né porté dans le van mystique qui lui sert de
berceau (3).
C’est un fait bien connu, signalé déjà dans l’antiquité par Servius (4), que le
Saturne adoré dans les provinces d’Afrique au temps des Romains est une des
traductions cherchées dans la mythologie classique pour le Baal-Hâmân de
Carthage (5). Déjà les Phéniciens eux-mêmes avaient admis l’identification de ce
dieu avec El ou 11, que les Grecs rendaient par Cronos, puisqu’il était dit dans le
livre de Sanchoniathon, traduit par Philon de Byblos, que El-Cronos, après avoir
été détrôné par Zeus-Baal, s’en était allé régner en Libye (6). C’est un Saturne
solaire, comme Servius le dit en termes formels, qui tend ainsi à s’assimiler à
Melqarth, l’Hercule solaire, et qui rentre dans la catégorie des dieux frappés
périodiquement d’une mort, ou d’un sommeil temporaire, suivi de réveil. Et à ce
(1) Fréret, Mém. de l’Acad. des Inscr., anc.
sér., t. XXVI1, p. 18; Welcker, Kretische Colonie
in Theben, p. 23 et s.; Griechische Gœtterlehre,
t. I, p. 330; Fr. Lenormant, article Cabiri dans
le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines
de MM. Daremberg et Sjglio, p 760.
(2) De Is. et Osir., 35.
(3) Voy. Gazette archéologique, 1879, p. 21.
(4) Ad Virg., Æneid., I, 729.
(5) De là la traduction de Tanith, sa parèdre,
par Ops dans un certain nombre d’inscriptions de
l’Algérie, pour se conformer à la donnée du vieux
couple latin de Saturnus et Ops; de là aussi la
traduction exceptionnelle de cette déesse par
Cérès : Ruinart, Act. mart. sincera, p. 100,
§ XVIII.
(6) Fragment du traité Des Mois par Jean Lau-
rentios Lydos, publié par Hase à la p. 274 de son
édition du traité De ostentis du même auteur.
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qui étaient des noms de l’Hermès pélasgique envisagé comme l’auteur de l’ordon-
nance du monde et celui qui la maintient (1).
Le mythe sur lequel se fondait la fête tyrienne du « réveil de Melqarth »,
lyeaaiç 'Hpootléovç, le fait sortir d’un évanouissement, d’une mort temporaire ; celui
de la lutte de Zeus et de Typhon montre le dieu reprenant ses forces après avoir
été énervé ; les railleries du prophète Elie font allusion à un sommeil (ce que le
grec exprimait par le terme de xaraivatjpLèçjj suivi d’un réveil; enfin d’autres,
parmi les rites que nous avons rappelés, ont trait à une renaissance du dieu sous
la forme d’enfant, après un trépas sous la forme d’adulte. Ce sont là, dans le
langage symbolique des religions de l’antiquité, autant de façons synonymes de
rendre l’idée du moment où le soleil, à la suite du solstice d’hiver, après avoir
paru succomber sous les coups du principe du froid, de la mort et des ténèbres,
reprend sa marche ascendante vers un nouveau triomphe de sa puissance à l’été.
Leur synonymie est parfaitement indiquée par Plutarque (2) quand, parlant du
mythe de la mort temporaire de Dionysos, lequel appartient à la même famille, il
fait remarquer la coïncidence de la cérémonie funèbre et mystérieuse qui se cé-
lébrait à Delphes sur le tombeau du dieu , tandis que le même jour, et à la même
heure, les femmes réunies sur le Parnasse réveillaient à grands cris Dionysos
Limités, c’est-à-dire le dieu nouveau-né porté dans le van mystique qui lui sert de
berceau (3).
C’est un fait bien connu, signalé déjà dans l’antiquité par Servius (4), que le
Saturne adoré dans les provinces d’Afrique au temps des Romains est une des
traductions cherchées dans la mythologie classique pour le Baal-Hâmân de
Carthage (5). Déjà les Phéniciens eux-mêmes avaient admis l’identification de ce
dieu avec El ou 11, que les Grecs rendaient par Cronos, puisqu’il était dit dans le
livre de Sanchoniathon, traduit par Philon de Byblos, que El-Cronos, après avoir
été détrôné par Zeus-Baal, s’en était allé régner en Libye (6). C’est un Saturne
solaire, comme Servius le dit en termes formels, qui tend ainsi à s’assimiler à
Melqarth, l’Hercule solaire, et qui rentre dans la catégorie des dieux frappés
périodiquement d’une mort, ou d’un sommeil temporaire, suivi de réveil. Et à ce
(1) Fréret, Mém. de l’Acad. des Inscr., anc.
sér., t. XXVI1, p. 18; Welcker, Kretische Colonie
in Theben, p. 23 et s.; Griechische Gœtterlehre,
t. I, p. 330; Fr. Lenormant, article Cabiri dans
le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines
de MM. Daremberg et Sjglio, p 760.
(2) De Is. et Osir., 35.
(3) Voy. Gazette archéologique, 1879, p. 21.
(4) Ad Virg., Æneid., I, 729.
(5) De là la traduction de Tanith, sa parèdre,
par Ops dans un certain nombre d’inscriptions de
l’Algérie, pour se conformer à la donnée du vieux
couple latin de Saturnus et Ops; de là aussi la
traduction exceptionnelle de cette déesse par
Cérès : Ruinart, Act. mart. sincera, p. 100,
§ XVIII.
(6) Fragment du traité Des Mois par Jean Lau-
rentios Lydos, publié par Hase à la p. 274 de son
édition du traité De ostentis du même auteur.