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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 24.1868

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Correspondace de Londres
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https://doi.org/10.11588/diglit.19885#0312

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302

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

inspiré par un enthousiasme national comme en Grèce et n'atteignit jamais au suprême
degré d'excellence. La rudesse de la sculpture chrétienne est incroyable quand on
songe qu'en Italie les débris de l'art classique abondaient, et qu'ils auraient pu
servir tout au moins do modèles à imiter. Cette sculpture, quoique grossière par sa
composition et son exécution, défectueuse aussi dans ses proportions, était empreinte
toutefois d'un sentiment éminemment religieux; elle a le mérite sérieux d'être profon-
dément sincère; elle promettait beaucoup, et sous les mains de Ghiberti, les Pisani et
leurs successeurs se développaient rapidement dans la voie de la perfection, lorsque
la renaissance de la littérature grecque dirigea les pensées des artistes jvers une autre
direction. Sous l'influence d'hommes éclairés et sous le charme des sujets classiques,
l'art devint complètement païen. La plupart des artistes de la renaissance font preuve
d'une grande puissance et d'une grande habileté de pratique, mais leurs œuvres ne
sont pas inspirées par un sentiment pur, un principe élevé, et elles ne servent guère à
l'élève que comme une sorte d'avertissement. Il n'y eut bientôt que des talents mé-
diocres, l'art dépérit graduellement, rien n'était plus affligeant que sa condition à la
fin du siècle dernier; une sorte de renaissance se manifesta cependant, due en grande
partie à Canova et à Flaxman.

On peut dire que la sculpture est la représentation des objets et l'expression des
idées par les formes. Le sculpteur n'a pas d'autre langage que la forme, il est donc
essentiel qu'il n'emploie que la plus belle. La bonne sculpture peut se résumer
ainsi : de hautes pensées exprimées par des formes parfaites. Puisque pour tout ce
qu'il produit le sculpteur doit rechercher la beauté, il convient de bien définir en quoi
elle consiste. La beauté n'est pas une abstraction, mais un fait existant dans la nature.
L'artiste ne l'enfante pas, il choisit et combine seulement les éléments que lui fournit
la nature. Pour le bien faire, il doit l'étudier et s'attacher sans cesse à développer sa
puissance d'observation; il ne doit jamais dans ses choix perdre de vue leur complète
assimilation à son idée; les formes auxquelles il s'arrête doivent toujours être complè-
tement adaptées aux exigences de son sujet; celles qui conviennent à un Hercule ou à
une Minerve cessent d'être belles si elles sont appliquées à un Apollon ou à une Vénus.
Sans la beauté dans la forme et l'élévation dans la pensée, l'art cesse d'être parfait, il
devient sans attrat. Le peintre obtient des effets dans ses tableaux par divers moyens,
la couleur, le clair-obscur, la transparence, la perspective; en dehors de la forme, le
sculpteur n'a rien; il est donc essentiel qu'il la reproduise dans toute sa pureté. Son art
est resserré dans d'étroites limites, il doit les accepter et s'y soumettre; si au lieu d'agir
ainsi il cherche à être pittoresque, il tentera l'impossible et faillira nécessairement.

La nécessité de faire de la beauté un accessoire indispensable a été suffisamment
prouvée; nous devons maintenant voir le danger d'en faire son but unique. Les sculp-
teurs de l'école de Phidias choisirent les plus nobles sujets et les exprimèrent sous les
formes les plus appropriées et les plus belles qu'ils eussent à leur disposition; c'est
ainsi qu'ils produisirent les plus belles œuvres qui nous soient parvenues. Au point
de vue du sujet, les artistes archaïques qui précédèrent ne furent pas inférieurs,
mais ils travaillaient sans se soucier de la beauté et n'atteignirent jamais au grand art.
La beauté n'eut pas été plus tôt constatée que, tout en donnant l'idéal complet, elle
devint aussitôt une cause de déclin de l'art; une fois que les impressionnables Grecs
l'eurent comprise, ils furent comme entraînés; dans l'école suivante, sous Praxitèle,
elle devint le but unique. Les grands sujets religieux furent alors négligés, Jupiter et
Minerve cédèrent le pas à Apollon et à Vénus; les figures de femmes, jusqu'alors
 
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