SALONS DE T. THORÉ
AVEC UNE PRÉFACE PAR M. W. BURGER
M. Biirger, qui a la passion de la justice et
qui réhabilite volontiers ceux qu'on oublie ou
ceux qu'on ne prise pas à leur valeur, a déjà
enrichi l'histoire de l'art par plus d'une trou-
vaille heureuse. On sait avec quel zèle il s'est
employé pour remettre en lumière certains maî-
tres hollandais dont les livres parlaient à peine
et dont l'œuvre, confondue avec des œuvres voi-
sines, avait été injustement débaptisée. Cette
recherche, où la méprise est si facile, est pour
lui pleine de bonnes fortunes : aussi a-t-il
étendu le champ de ses études et de ses décou-
vertes. Après avoir retrouvé un peintre, Van
der Meer de Delft, il vient de retrouver un cri-
tique, Théophile Thoré.
A vrai dire, ce Thoré, que M. W. Biirger
ressuscite aujourd'hui, n'était pas .aussi oublié
que notre collaborateur paraît le croire. Il était peut-être égaré, mais non perdu, et,
sans chercher beaucoup, nous l'aurions certainement trouvé dans nos souvenirs et même
dans notre bibliothèque. Au temps des luttes romantiques, quelques-uns d'entre nous
l'ont connu. On le rencontrait dans les ateliers, au musée, aux expositions, en tous les
lieux où l'art se discute ou s'élabore, et il y paraissait fort à son aise. Pour nous, qui,
sans oser parler encore, commencions déjà à épeler au même livre, nous avons bien
souvent coudoyé Thoré dans la grande galerie du Louvre, et, quoiqu'il ne l'ait jamais
su, il nous inspirait un étonnement sympathique. Il nous intéressait d'abord au point
de vue « pittoresque ». Par une fortune heureuse pour un critique, Thoré, avec sa
tête énergique et fine, ses allures décidées, les lignes de son visage et sa barbe cou-
leur d'incendie, ressemblait singulièrement au portrait de ce personnage que Jean
Van Calcar a peint d'un pinceau si résolu et qu'on suppose aujourd'hui être André
Vésale. Un homme d'apparence aussi vénitienne, nous disions-nous, doit nécessaire-
ment être tout à fait informé en matière de peinture.
Nos conjectures ne nous trompaient pas. Si Thoré ressemblait à un Van Calcar, il
n'avait pas que ce mérite, et bientôt il nous intéressa par les côtés militants de sa cri-
tique. Il tenait pour les nouveautés, il célébrait courageusement les hardiesses de
AVEC UNE PRÉFACE PAR M. W. BURGER
M. Biirger, qui a la passion de la justice et
qui réhabilite volontiers ceux qu'on oublie ou
ceux qu'on ne prise pas à leur valeur, a déjà
enrichi l'histoire de l'art par plus d'une trou-
vaille heureuse. On sait avec quel zèle il s'est
employé pour remettre en lumière certains maî-
tres hollandais dont les livres parlaient à peine
et dont l'œuvre, confondue avec des œuvres voi-
sines, avait été injustement débaptisée. Cette
recherche, où la méprise est si facile, est pour
lui pleine de bonnes fortunes : aussi a-t-il
étendu le champ de ses études et de ses décou-
vertes. Après avoir retrouvé un peintre, Van
der Meer de Delft, il vient de retrouver un cri-
tique, Théophile Thoré.
A vrai dire, ce Thoré, que M. W. Biirger
ressuscite aujourd'hui, n'était pas .aussi oublié
que notre collaborateur paraît le croire. Il était peut-être égaré, mais non perdu, et,
sans chercher beaucoup, nous l'aurions certainement trouvé dans nos souvenirs et même
dans notre bibliothèque. Au temps des luttes romantiques, quelques-uns d'entre nous
l'ont connu. On le rencontrait dans les ateliers, au musée, aux expositions, en tous les
lieux où l'art se discute ou s'élabore, et il y paraissait fort à son aise. Pour nous, qui,
sans oser parler encore, commencions déjà à épeler au même livre, nous avons bien
souvent coudoyé Thoré dans la grande galerie du Louvre, et, quoiqu'il ne l'ait jamais
su, il nous inspirait un étonnement sympathique. Il nous intéressait d'abord au point
de vue « pittoresque ». Par une fortune heureuse pour un critique, Thoré, avec sa
tête énergique et fine, ses allures décidées, les lignes de son visage et sa barbe cou-
leur d'incendie, ressemblait singulièrement au portrait de ce personnage que Jean
Van Calcar a peint d'un pinceau si résolu et qu'on suppose aujourd'hui être André
Vésale. Un homme d'apparence aussi vénitienne, nous disions-nous, doit nécessaire-
ment être tout à fait informé en matière de peinture.
Nos conjectures ne nous trompaient pas. Si Thoré ressemblait à un Van Calcar, il
n'avait pas que ce mérite, et bientôt il nous intéressa par les côtés militants de sa cri-
tique. Il tenait pour les nouveautés, il célébrait courageusement les hardiesses de