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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 24.1868

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Burty, Philippe: Théodore Rousseau
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https://doi.org/10.11588/diglit.19885#0328

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THÉODORE ROUSSEAU.

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« être mise à plat ; elle doit toujours compter dans l'ensemble et expri-
« mer quelque chose. » Il insista toujours sur ces principes et ne me
parla que très-peu de la couleur. Un jour, il me dit : « Vous pensiez
« peut-être qu'en venant chez un coloriste vous seriez dispensé de des-
« siner ? »

<( Après lui avoir présenté une autre étude, il me fit observer qu'une
pochade n'avait aucune raison d'être comme étude, que c'était un à peu
près qui pourrait conduire à une certaine adresse de pinceau, adresse
qui viendrait toujours assez tôt. Là-dessus, je promis de finir davantage.
« Entendons-nous sur le mot a fini » : ce qui finit un tableau, ce n'est
« point la quantité des détails, c'est la justesse de l'ensemble. Un tableau
« n'est pas seulement limité par le cadre. N'importe dans quel sujet, il y
« a un objet principal sur lequel vos yeux se reposent continuellement; les
« autres objets n'en sont que le complément ; ils vous intéressent moins;
« après cela, il n'y a plus rien pour votre œil ; voilà la vraie limite du
« tableau. Cet objet principal devra aussi frapper davantage celui qui
« regarde votre œuvre. Il faut donc toujours y revenir, affirmer de plus
« en plus sa couleur. » Il me citait certains tableaux de maîtres à l'appui
de son dire. Il me rappelait Rembrandt, qui, plus que tout autre peintre,
a compris cela. « Si, au contraire, ajoutait-il, votre tableau contient un
a détail précieux, égal d'un bout à l'autre de la toile, le spectateur la
« regardera avec indifférence. Tout l'intéressant également, rien ne l'in-
« téressera. Il n'y aura pas de limites. Votre tableau pourra se prolonger
« indéfiniment. Jamais vous n'en aurez la fin. Jamais vous n'aurez fini.
« L'ensemble seul finit dans un tableau. Le magnifique lion de Barye,
« qui est aux Tuileries, a bien mieux tous ses poils que si le statuaire
« les eût faits un à un. »

« Il me citait souvent Rembrandt, Claude Lorrain, Ho"bbema. Pendant
que je copiais un Van Goyen qu'il possédait : « Celui-ci, disait-il, n'a
« pas besoin de beaucoup de couleur pour donner l'idée de l'espace. A la
« rigueur vous pouvez vous passer de couleur, mais vous ne pouvez rien
« faire sans l'harmonie. » Un jour que je lui parlais de copier un tableau
d'Huysmans, de Malines, « il vaudrait mieux, me répondit-il, aller peindre
u à Montmartre ou à Barbizon. Ce qui ne vous empêcherait pas d'aller
« voir au Louvre comment les maîtres se sont servis de la nature. »

Cette observation de Rousseau sur la subordination de la coloration à
l'harmonie, même monochrome, est très-importante. Il y revenait souvent
dans ses conversations. Je possède un petit panneau, préparé à la terre
de momie, qu'il m'offrit à la suite d'une démonstration qui lui était fami-
lière. Il me disait : « Le tableau doit être préalablement fait dans notre
 
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