EXPOSITION A BORDEAUX.
madaire immobile, tend le bras et secoue une torche; cette demi-obscurité, ce silence
de la nature, cet éclair de feu, ce geste si décisif, composent un ensemble d'une poésie
toute locale et très-pénétrante.
Un tableau de M. Armand Leleux, la Leçon de dessin, conquiert ici un vrai
succès d'estime : dans la chambre étroite et haute, revêtue de boiseries grises et ornée
de tableaux de maîtres, de quelque palais romain, un abbé, à la figure intelligente et
fine, donne une leçon de dessin à un petit prince : il lui fait dessiner le buste de l'Apol-
lon, et l'élève suit avec une attention passionnée la remarque que lui fait son profes-
seur sur la beauté sereine du dieu au carquois d'or. L'attitude, gauche et attentive
aussi, du petit paysan qui regarde de tous ses yeux, en tournant son chapeau dans ses
mains, la feuille de papier par-dessus l'épaule de son jeune maître, est saisie et rendue
avec justesse. C'eût été là une bonne acquisition pour le musée, car le temps fera
gagner beaucoup à cet excellent tableau de genre dont la tonalité est déjà excellente.
Les envois de M. Ziem sont de premier ordre dans son œuvre de ces dernières
années. L'Exécution du général Carmagnola, la Vue de l'Arsenal, le Bucentaure
paré pour le mariage du doge avec l'Adriatique, sont à la fois des vues exactes de
Venise et des décors traités par une palette éblouissante. Ces peintures mettent du
soleil plein un appartement, et, les jours d'hiver, on n'a qu'à regarder leur ciel bleu
et leurs eaux miroitantes pour se croire tout prêt à descendre dans une gondole.
La Jeune Fille aux perruches, de M.Chaplin, a été achetée presque aussitôt qu'ar-
rivée, ainsi que deux Paysages de M. Chauvel, qui sont très-franchement peints. Il
serait à souhaiter qu'il en fût de même pour deux Marines de M. Paul Huet, dont l'une
est aussi claire et aussi vibrante qu'un Bonington. On oublie trop aujourd'hui, je ne
dis pas seulement la valeur de M. Paul Huet, mais ce rôle qu'il a joué à la renaissance
de notre école. Un .des premiers, il fut frappé par les envois des paysagistes anglais, et
il comprit la valeur de leur enseignement naturaliste. Il y aura quelques jours une réac-
tion en faveur de celles de ses œuvres qui, comme celle-ci, sont peintes avec autant
de fermeté que de finesse et d'originalité.
M. de Balleroy a envoyé ici un Hallali sur pied Irès-mouvementé et d'un beau
ton; M. Appian, des paysages ingénieusement choisis quant au site, mais peints avec
monotonie; M. Busson, une Scène de chasse très-harmonieuse; M. Steinheil fils, une
étude de Chrysanthèmes d'un arrangement très-soigné, mais manquant un peu de ces
gris qui sont comme la poussière de la lumière et qui doivent creuser la toile en atté-
nuant la valeur des fonds; M. Gassies, des Paysages et des Sous-bois. M. de Curzon,
la Porte Saint-Laurenl, à Rome, et M. Français, une Source en Italie. M. Lansyer
a peint avec une grande justesse d'impression des Vues des environs de Bordeaux,
et notre collaborateur en eaux-fortes, M. Lalanne, les Quais de Bordeaux par un jour
de grande neige; cette tentative est bonne, car le pinceau apprend à la pointe à
s'assouplir et à envelopper les plans.
Je dois passer pour ne pas insister sur des choses déjà connues, et j'arrive aux
Bordelais, qui ne sont pas très-nombreux, mais qui sont visiblement en progrès. L'eau-
forte de M. Léo Drouin, qui ornera ces pages rapides, montre que Bordeaux, tout
comme Paris, a ses démolitions. Cette vue des abords de la cathédrale est la réduc-
tion d'une planche plus grande, qui formera pour la ville un album conservant le sou-
venir de ses vieux aspects. M. Léo Drouin, archéologue d'stingué à qui l'on doit la
Guyenne pendant l'occupation des Anglais, a reçu, à l'Exposition de Paris, une
médaille bien méritée. Il a, cette année, un Quai de la Paludate, auquel je reproche-
rai seulement des lumières trop accusées par la morsure de l'acide.
madaire immobile, tend le bras et secoue une torche; cette demi-obscurité, ce silence
de la nature, cet éclair de feu, ce geste si décisif, composent un ensemble d'une poésie
toute locale et très-pénétrante.
Un tableau de M. Armand Leleux, la Leçon de dessin, conquiert ici un vrai
succès d'estime : dans la chambre étroite et haute, revêtue de boiseries grises et ornée
de tableaux de maîtres, de quelque palais romain, un abbé, à la figure intelligente et
fine, donne une leçon de dessin à un petit prince : il lui fait dessiner le buste de l'Apol-
lon, et l'élève suit avec une attention passionnée la remarque que lui fait son profes-
seur sur la beauté sereine du dieu au carquois d'or. L'attitude, gauche et attentive
aussi, du petit paysan qui regarde de tous ses yeux, en tournant son chapeau dans ses
mains, la feuille de papier par-dessus l'épaule de son jeune maître, est saisie et rendue
avec justesse. C'eût été là une bonne acquisition pour le musée, car le temps fera
gagner beaucoup à cet excellent tableau de genre dont la tonalité est déjà excellente.
Les envois de M. Ziem sont de premier ordre dans son œuvre de ces dernières
années. L'Exécution du général Carmagnola, la Vue de l'Arsenal, le Bucentaure
paré pour le mariage du doge avec l'Adriatique, sont à la fois des vues exactes de
Venise et des décors traités par une palette éblouissante. Ces peintures mettent du
soleil plein un appartement, et, les jours d'hiver, on n'a qu'à regarder leur ciel bleu
et leurs eaux miroitantes pour se croire tout prêt à descendre dans une gondole.
La Jeune Fille aux perruches, de M.Chaplin, a été achetée presque aussitôt qu'ar-
rivée, ainsi que deux Paysages de M. Chauvel, qui sont très-franchement peints. Il
serait à souhaiter qu'il en fût de même pour deux Marines de M. Paul Huet, dont l'une
est aussi claire et aussi vibrante qu'un Bonington. On oublie trop aujourd'hui, je ne
dis pas seulement la valeur de M. Paul Huet, mais ce rôle qu'il a joué à la renaissance
de notre école. Un .des premiers, il fut frappé par les envois des paysagistes anglais, et
il comprit la valeur de leur enseignement naturaliste. Il y aura quelques jours une réac-
tion en faveur de celles de ses œuvres qui, comme celle-ci, sont peintes avec autant
de fermeté que de finesse et d'originalité.
M. de Balleroy a envoyé ici un Hallali sur pied Irès-mouvementé et d'un beau
ton; M. Appian, des paysages ingénieusement choisis quant au site, mais peints avec
monotonie; M. Busson, une Scène de chasse très-harmonieuse; M. Steinheil fils, une
étude de Chrysanthèmes d'un arrangement très-soigné, mais manquant un peu de ces
gris qui sont comme la poussière de la lumière et qui doivent creuser la toile en atté-
nuant la valeur des fonds; M. Gassies, des Paysages et des Sous-bois. M. de Curzon,
la Porte Saint-Laurenl, à Rome, et M. Français, une Source en Italie. M. Lansyer
a peint avec une grande justesse d'impression des Vues des environs de Bordeaux,
et notre collaborateur en eaux-fortes, M. Lalanne, les Quais de Bordeaux par un jour
de grande neige; cette tentative est bonne, car le pinceau apprend à la pointe à
s'assouplir et à envelopper les plans.
Je dois passer pour ne pas insister sur des choses déjà connues, et j'arrive aux
Bordelais, qui ne sont pas très-nombreux, mais qui sont visiblement en progrès. L'eau-
forte de M. Léo Drouin, qui ornera ces pages rapides, montre que Bordeaux, tout
comme Paris, a ses démolitions. Cette vue des abords de la cathédrale est la réduc-
tion d'une planche plus grande, qui formera pour la ville un album conservant le sou-
venir de ses vieux aspects. M. Léo Drouin, archéologue d'stingué à qui l'on doit la
Guyenne pendant l'occupation des Anglais, a reçu, à l'Exposition de Paris, une
médaille bien méritée. Il a, cette année, un Quai de la Paludate, auquel je reproche-
rai seulement des lumières trop accusées par la morsure de l'acide.