556 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

suppléer à l'absence d'instruction première, et d'adapter toujours heureu-
sement l'œuvre au sujet. La frise d'Alexandre entrant à Babylone est un
immense poëme où toute la vie humaine est représentée en raccourci et
se déroule, avec ses contrastes les plus puissants et les moins cherchés,
sous les yeux du spectateur. Au centre de la composition, clans une
attitude fière et ardente, le héros paraît suivi de ses compagnons d'armes
et de la foule des captifs; au-devant de lui, les enfants des satrapes
conduits par leurs pères viennent implorer la clémence du vainqueur;
plus loin la foule accourt pour le contempler; puis, à mesure qu'on
s'éloigne du conquérant, les passions mesquines des multitudes, leurs
querelles misérables étouffent peu à peu le fracas des pompes triom

l'hiveh (la vieillesse).

phales; et à quelques pas de cette gloire, la plus éblouissante qui fût
jamais, un pâtre conduit ses troupeaux, supputant le produit de la tonte
de leur laine; un pêcheur a jeté sa ligne dans les eaux de l'Euphrate,
tout entier au frémissement de l'hameçon, et peu soucieux des desti-
nées des rois et des empires. Il y a là, dans un style vraiment antique
par sa simplicité, sa châleur et sa dignité, le déroulement philosophique
des destinées humaines. Cette même justesse, ce même sentiment vrai
du sujet, il se retrouve dans les compositions chrétiennes que l'artiste
danois a traitées. L'Institution de la Cène, Y Entrée de Jésus à Jérusalem
et vingt autres compositions mériteraient une analyse détaillée qu'on
trouvera dans le livre de M. Eugène Pion. Quelques-unes des statues
de Thorvaldsen sont justement regardées comme des chefs-d'œuvre;
Mercure épiant Argus est une figure excellente par le sentiment et