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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 16.1877

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Nr. 2
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [4]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21845#0182

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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER BERNIN EN FRANCE. 171

et avec très-grande attention, sans dire une seule parole, et puis il a dit qu’il
y avait de la différence de ce dessein à celui que l’on exécute, comme d’une
torche au soleil ; qu’il ne s’étonnait pas qu’une torche de quatre livres fût préfé-
rée à une de cinq ; mais qu’on préférât sa lumière à celle du soleil même, que
cela était être pis qu’aveugle, et était incompréhensible. Il a conté sur ce sujet
qu’étant encore fort jeune, M. de Béthune 1 l’avait longtemps sollicité de venir
en France et lui avait offert, pour le persuader, de grands avantages et pen-
sions de la part du Roi; qu’il avait balancé et était comme résolu de venir,
sans qu’Urbain VIII, qui n’était encore que cardinal Barbarin, l’avait depuis
dissuadé et lui avait dit qu’il connaissait la cour de France; que les choses s’y
entreprenaient avec chaleur, mais que cette chaleur ne durait que comme
faisait un feu de paille; qu’après avoir été caressé et estimé un an ou deux,
après on ne le regarderait pas ; qu’outre cela sortant de Rome, il sortirait de
son école et s’en irait dans un lieu où il ne connaîtrait personne et où personne
ne connaîtrait ses ouvrages ; que celui qui y avait le plus d’intrigue et de
cabale était toujours le plus habile, quoiqu’il fût sans capacité et sans talent;
qu’il voyait la preuve de ce que le pape lui dit alors. Je lui ai réparti à cela que
les choses sont bien changées depuis, et que le Roi qui était ferme et con-
stant en toutes choses donne cette qualité au gouvernement et à ses sujets ; que
l’injustice et l’ignorance prévalaient souvent à Rome aussi bien qu’ailleurs;
que l’on en avait eu une preuve au traitement que reçut Annibal Carrache pour
récompense de son ouvrage de la galerie de Farnèse, qui est sans doute le plus
beau qui soit à Rome après ceux de Raphaël, et qui, dans le temps qu’elle fût
peinte, ne pouvait pas valoir moins de vingt mille écus, et dont il n’eût néan-
moins pour tout payement que cinq cents écus d’or, sans parler de l’injure qui
lui fut faite, préférant à lui, qui a été incomparable, des barbouilleurs, quand
il fut question de peindre la salle à qui Clément VIII a donné son nom. L’abbé
Butti a dit qu’il pensa devenir fou du traitement qu’il avait reçu au sujet de
cette galerie; que le cardinal Farnèse2 lui ayant une fois mandé qu’il allait
chez lui le voir, il répondit à cette ambassade qu’il viendrait quand il
voudrait; que la porte de devant serait ouverte, mais qu’il sortirait par celle
de derrière, et au même temps qu’il le verrait arriver. Le Cavalier reprit et dit
que de ce temps-ci, il a vu à Rome un homme qu’il n’a pas nommé3, à qui le
public a toujours rendu la justice qui était due à son savoir, quelque chose
qu’on ait pu dire et faire contre lui ; ce qui fait voir que si le particulier est
injuste à Rome, enfin4 le public ne l’est pas.

Parlant après de l’architecture au sujet de cet autel, le Cavalier a dit que
l’une des considérations que l’on y devait avoir était celle des lieux où les
ouvrages étaient posés, pour ce que les membres des corniches diminuent
beaucoup au grand air, ce qui n’arrive pas à la lumière particulière, et qu’il
faut, outre cela, avoir un grand égard à ce qu’on appelle gli contrapposti5. 11
a raconté encore à M. Mignard ce qu’avait écrit Laurent de Médicis à Michel-
Ange et sa réponse6 au sujet de la librairie de Florence : Il Vcisari 6 l’Am-

1. Philippe, comte de Béthune, qui fut ambassadeur à Rome en 1601 et en 1624.

2. Odoart Farnèse, cardinal en 1591, mort le 21 février 1626 à 61 ans.

3. Cet homme que Bernin ne veut pas nommer, c’est évidemment lui-même.

4. En fin de compte. — 5. « Les contrastes. »

6. La réponse de Michel-Ange. Chantelou a déjà rapporté cette anecdote à la date du 12.
 
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