LE RAPHAËL D’UN MILLION.
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de la croix de bois noir appuyée sur son épaule, et du chardonneret qu’il tient avec
un fil ; l’attitude est la même, mais les mains devenues libres sont jointes pour adorer;
la tête est encore trop forte, les jambes ne sont plus grossières, et il a supprimé les san-
dales. Le Christ bénit de la main droite, sans changement possible, la disposition des
doigts étant celle de la bénédiction papale; n’ayant plus de couronne à prendre, il
tient son manteau de la gauche; ses cheveux sont courts par derrière, quand Bernar-
dino les faisait longs pour exprimer la coutume des Nazaréens ; la robe ne laisse plus
voir les jambes, et les bras sont couverts jusqu’aux poignets; le collier et les bracelets,
formés de perles comme des chapelets, ont disparu.
M. Yitet et d’autres, en 1870, signalaient l’ornement qui figure sur le bras comme
ayant trait au scapulaire des dames franciscaines de Saint-Antoine de Padoue, ils
pensaient probablement aux scapulaires modernes dont font usage principalement les
personnes qui ne sont pas dans les ordres religieux; ils oubliaient qu’ils se composent
de deux petits carrés d’étoffe reliés par des cordons, l’un d’eux se portant sur la poi-
trine, l’autre sur le dos, et qui sont le diminutif du vrai scapulaire qui couvre totale-
ment le dos et la poitrine. Les bras ne reçoivent jamais ce carré; en outre les dessins
intérieurs avec couleurs ne sont en usage ni dans la famille franciscaine, ni ailleurs.
Je l’ai trouvé à la pinacothèque Vannucci sur un tableau du xive siècle peint par
Taddeo Gaddi. Dans la pensée de nos religieuses, ce carré devait exister au haut des
deux bras de l’enfant Jésus; Taddeo le place ainsi, avec les mêmes ornements, sur les
bras de ses anges et de sainte Agnès ; c’est un signe de pureté, de sainteté et
d’élection. Si je voulais subtiliser sur cet ornement resté jusqu’ici inexpliqué, je pour-
rais dire que le carré, couleur bois, entouré de quatre triangles rouges, exprime la
passion de Notre-Seigneur. David a écrit : « C’est par le bois que Dieu règne. » Et
Isaïe : « Il portera sur son épaule la marque de sa principauté. » On peut admettre
que cet objet est emprunté à la robe des anges avec l’intention de figurer la croix et le
sang répandu pour l’humanité.
La sainte Vierge est posée comme celle de Bernardino, elle a un petit voile blanc
en plus sur le front; son pied gauche, chaussé de gris, déborde aussi un peu son man-
teau qui, partant du haut de la tête, enveloppe presque toute sa personne; il est bleu-
noir dans la partie supérieure, vert-noir dans le bas; la tunique étant d’un beau rouge-
violet, voici les trois couleurs nécessaires à son vêtement exprimées, le rouge, le bleu
et le vert. Il existe sur ce manteau des points d’or saillants analogues à ceux en
relief faits par le Pinturicchio aux fresques de la Libreria du dôme de Sienne, et par
Raphaël, au commencement de son séjour à Rome, dans le haut de la Dispute du Saint-
Sacrement. Notre Dame a la main gauche sur la tête du petit saint Jean, de la droite
elle soutient son fils par la taille; étant assise, cela suffit pour le maintenir.
A droite et à gauche du trône, derrière saint Pierre et saint Paul, se trouven
sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Cécile; pour la première, appuyée sur sa roue,
il ne peut y avoir de doute; l’autre est certainement sainte Cécile, suivant Vasari, et
non sainte Dorothée, ainsi que Passavant l’a avancé. Le Sanzio donnait encore à la
patronne des musiciens la couronne de roses, comme Citnabue dans le tableau des
Offices, et Frà Angelico dans le Couronnement de la Vierge qui est au Louvre; il est
le premier grand peintre italien qui, plus tard, dans le tableau de Bologne, l’ait repré-
sentée tenant un instrument de musique. Pour sainte Dorothée, il faut des fleurs et
des fruits, le plus souvent p'acés dans une corbeille. Ces deux saintes sont assez
médiocres et diffèrent peu des deux anges du tympan; où donc est le progrès et la
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de la croix de bois noir appuyée sur son épaule, et du chardonneret qu’il tient avec
un fil ; l’attitude est la même, mais les mains devenues libres sont jointes pour adorer;
la tête est encore trop forte, les jambes ne sont plus grossières, et il a supprimé les san-
dales. Le Christ bénit de la main droite, sans changement possible, la disposition des
doigts étant celle de la bénédiction papale; n’ayant plus de couronne à prendre, il
tient son manteau de la gauche; ses cheveux sont courts par derrière, quand Bernar-
dino les faisait longs pour exprimer la coutume des Nazaréens ; la robe ne laisse plus
voir les jambes, et les bras sont couverts jusqu’aux poignets; le collier et les bracelets,
formés de perles comme des chapelets, ont disparu.
M. Yitet et d’autres, en 1870, signalaient l’ornement qui figure sur le bras comme
ayant trait au scapulaire des dames franciscaines de Saint-Antoine de Padoue, ils
pensaient probablement aux scapulaires modernes dont font usage principalement les
personnes qui ne sont pas dans les ordres religieux; ils oubliaient qu’ils se composent
de deux petits carrés d’étoffe reliés par des cordons, l’un d’eux se portant sur la poi-
trine, l’autre sur le dos, et qui sont le diminutif du vrai scapulaire qui couvre totale-
ment le dos et la poitrine. Les bras ne reçoivent jamais ce carré; en outre les dessins
intérieurs avec couleurs ne sont en usage ni dans la famille franciscaine, ni ailleurs.
Je l’ai trouvé à la pinacothèque Vannucci sur un tableau du xive siècle peint par
Taddeo Gaddi. Dans la pensée de nos religieuses, ce carré devait exister au haut des
deux bras de l’enfant Jésus; Taddeo le place ainsi, avec les mêmes ornements, sur les
bras de ses anges et de sainte Agnès ; c’est un signe de pureté, de sainteté et
d’élection. Si je voulais subtiliser sur cet ornement resté jusqu’ici inexpliqué, je pour-
rais dire que le carré, couleur bois, entouré de quatre triangles rouges, exprime la
passion de Notre-Seigneur. David a écrit : « C’est par le bois que Dieu règne. » Et
Isaïe : « Il portera sur son épaule la marque de sa principauté. » On peut admettre
que cet objet est emprunté à la robe des anges avec l’intention de figurer la croix et le
sang répandu pour l’humanité.
La sainte Vierge est posée comme celle de Bernardino, elle a un petit voile blanc
en plus sur le front; son pied gauche, chaussé de gris, déborde aussi un peu son man-
teau qui, partant du haut de la tête, enveloppe presque toute sa personne; il est bleu-
noir dans la partie supérieure, vert-noir dans le bas; la tunique étant d’un beau rouge-
violet, voici les trois couleurs nécessaires à son vêtement exprimées, le rouge, le bleu
et le vert. Il existe sur ce manteau des points d’or saillants analogues à ceux en
relief faits par le Pinturicchio aux fresques de la Libreria du dôme de Sienne, et par
Raphaël, au commencement de son séjour à Rome, dans le haut de la Dispute du Saint-
Sacrement. Notre Dame a la main gauche sur la tête du petit saint Jean, de la droite
elle soutient son fils par la taille; étant assise, cela suffit pour le maintenir.
A droite et à gauche du trône, derrière saint Pierre et saint Paul, se trouven
sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Cécile; pour la première, appuyée sur sa roue,
il ne peut y avoir de doute; l’autre est certainement sainte Cécile, suivant Vasari, et
non sainte Dorothée, ainsi que Passavant l’a avancé. Le Sanzio donnait encore à la
patronne des musiciens la couronne de roses, comme Citnabue dans le tableau des
Offices, et Frà Angelico dans le Couronnement de la Vierge qui est au Louvre; il est
le premier grand peintre italien qui, plus tard, dans le tableau de Bologne, l’ait repré-
sentée tenant un instrument de musique. Pour sainte Dorothée, il faut des fleurs et
des fruits, le plus souvent p'acés dans une corbeille. Ces deux saintes sont assez
médiocres et diffèrent peu des deux anges du tympan; où donc est le progrès et la