LE BLASON DE MOLIÈRE.
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il a traité les questions d'art, clans son poëme à la gloire des peintures
du Val-dc-Grâce1.
Mais continuons de décrire le portrait.
Accrochée à un pilastre on voit la pendule cle l'horloger Gavelle, citée
clans l'inventaire ; car il ne peut s'agir do celle de Claude Rail 1 art, que
Molière possédait aussi, puisqu'elle était de très-petite dimension et
portée par un pied cle bois doré, ainsi que le constate l'état des biens
appartenant à sa fille, au moment du mariage cle celle-ci avec M. de
Montalant2.
Le cadran de cette pendule a donné lieu, à cause de l'heure qu'il
marque, à une foule cle suppositions plus ou moins hasardées. C'est à tort
qu'on est allé chercher si loin l'explication cle ce détail accessoire. La
direction, donnée aux aiguilles par le peintre, paraît naturelle, si l'on
remarque que la ligne oblique, qu'elles suivent, correspond à celles du
carnet porté de la main gauche. Simple arrangement symétrique, conforme
aux règles du goût, dont ne pouvait s'écarter Mignard. Pour atteindre ce
but, on ne s'est même pas fait faute cle déranger, tant soit peu, l'ordre
cle marche de la petite aiguille, clans l'état définitif cle la planche gravée ;
d'où il résulte que le cadran ne révèle aucune date mystérieuse et fati-
dique 3.
Ce portrait, exécuté par l'artiste lorsqu'il était clans la plénitude cle
son talent, passe à juste titre pour le plus sincère et le plus ressemblant
qu'on ait de Molière.
Ce n'est donc pas sans raison que les amateurs délicats et les curieux
recherchent, avec un soin jaloux, la reproduction qu'en a faite Nolin. Bien
qu'elle soit loin d'être un chef-d'œuvre, elle tient suffisamment lieu cle
l'original. Nul commentaire, nul document écrit ne dit, comme elle, l'état
moral et l'aspect physique cle l'infortuné grand homme, à ce moment cri-
tique de sa vie. C'est la contre-épreuve, avec fines retouches, du signa-
lement qu'en a laissé MIIe Poisson : teint brun, nez gros, bouche grande,
lèvres épaisses, sourcils noirs et forts. Il n'est pas jusqu'à la façon dont
sa main tient la plume qui ne fasse pressentir l'écriture de la dernière
période de sa vie (166/i-73), connue seulement par quelques signatures
1. Recherches sur le séjour de Molière dans l'ouest de la France en 1648. Fon-
tenay, 1874, in-8°.
%. Recherches sur Molière, par Eud. Soutié, p. 333.
3. Si l'on en croyait certains rêveurs, l'heure indiquée par ce cadran (2 heures
40 minutes) serait celle de la mort do Molière, arrivée dans la nuit du M au 18 fé-
vrier 1673. C'eût été un avertissement, mis à l'avance sous ses yeux, pour lui annoncer
le moment de sa fin prochaine.
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il a traité les questions d'art, clans son poëme à la gloire des peintures
du Val-dc-Grâce1.
Mais continuons de décrire le portrait.
Accrochée à un pilastre on voit la pendule cle l'horloger Gavelle, citée
clans l'inventaire ; car il ne peut s'agir do celle de Claude Rail 1 art, que
Molière possédait aussi, puisqu'elle était de très-petite dimension et
portée par un pied cle bois doré, ainsi que le constate l'état des biens
appartenant à sa fille, au moment du mariage cle celle-ci avec M. de
Montalant2.
Le cadran de cette pendule a donné lieu, à cause de l'heure qu'il
marque, à une foule cle suppositions plus ou moins hasardées. C'est à tort
qu'on est allé chercher si loin l'explication cle ce détail accessoire. La
direction, donnée aux aiguilles par le peintre, paraît naturelle, si l'on
remarque que la ligne oblique, qu'elles suivent, correspond à celles du
carnet porté de la main gauche. Simple arrangement symétrique, conforme
aux règles du goût, dont ne pouvait s'écarter Mignard. Pour atteindre ce
but, on ne s'est même pas fait faute cle déranger, tant soit peu, l'ordre
cle marche de la petite aiguille, clans l'état définitif cle la planche gravée ;
d'où il résulte que le cadran ne révèle aucune date mystérieuse et fati-
dique 3.
Ce portrait, exécuté par l'artiste lorsqu'il était clans la plénitude cle
son talent, passe à juste titre pour le plus sincère et le plus ressemblant
qu'on ait de Molière.
Ce n'est donc pas sans raison que les amateurs délicats et les curieux
recherchent, avec un soin jaloux, la reproduction qu'en a faite Nolin. Bien
qu'elle soit loin d'être un chef-d'œuvre, elle tient suffisamment lieu cle
l'original. Nul commentaire, nul document écrit ne dit, comme elle, l'état
moral et l'aspect physique cle l'infortuné grand homme, à ce moment cri-
tique de sa vie. C'est la contre-épreuve, avec fines retouches, du signa-
lement qu'en a laissé MIIe Poisson : teint brun, nez gros, bouche grande,
lèvres épaisses, sourcils noirs et forts. Il n'est pas jusqu'à la façon dont
sa main tient la plume qui ne fasse pressentir l'écriture de la dernière
période de sa vie (166/i-73), connue seulement par quelques signatures
1. Recherches sur le séjour de Molière dans l'ouest de la France en 1648. Fon-
tenay, 1874, in-8°.
%. Recherches sur Molière, par Eud. Soutié, p. 333.
3. Si l'on en croyait certains rêveurs, l'heure indiquée par ce cadran (2 heures
40 minutes) serait celle de la mort do Molière, arrivée dans la nuit du M au 18 fé-
vrier 1673. C'eût été un avertissement, mis à l'avance sous ses yeux, pour lui annoncer
le moment de sa fin prochaine.