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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 1
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Michel, André: La légende de Saint-François dans l'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0069

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GAZETTE D(ES BEAUX-ARTS.

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d’une découverte ; où chaque tâtonnement révèle une émotion, chaque
trouvaille un acte de foi. Dans les Noces mystiques de saint François
et de la Pauvreté, dans le Vœu de chasteté, dans le Vœu d'obéissance,
la clarté naïve et la puissance dramatique de la composition triom-
phent de la complication de la symbolique, tandis que dans quelques
scènes, comme la Mort de saint François ou les Funérailles de sainte
Claire, l’émotion éclate sans entraves et l’expression de la douleur
humaine, mêlée aux certitudes de l’espérance chrétienne, arrive à la
plus pathétique éloquence. Art admirable en ses imperfections ! Le
cœur de l’artiste y bat à l’unisson de l’àme de tout un peuple croyant ;
l’inspiration, libre de tout formule, vierge de tout pédantisme d’école,
mesure la puissance de son essor à l’intensité de sa foi et, pour se
former une langue, découvre la nature et crée une beauté.

Saint François, Dante et Giotto, ces trois noms ne résument-ils
pas l’àme et l’art italiens à une heure privilégiée, un des plus attachants
moments, un des plus nobles rêves de la changeante humanité?
Taddeo Gaddi, Giottino, Simone, Ambrogio, Sano di Pietro, etc., etc.,
sont encore dignes de chanter le cantique franciscain. Mais c’est
Angelico de Fiesole qui en résume et en exprime le mieux la poésie,
la tendresse et le charme — en y ajoutant toutefois une nuance de
tristesse, comme le pressentiment qu’il est le dernier peintre chrétien,
et que les anges du ciel refuseront désormais leur collaboration aux
artistes ses successeurs.

L’heure a sonné en effet où l’idéal va changer; les faux dieux sont
là, déjà puissants et rétablis sur leurs autels relevés. En vain Savo-
narole veut leur barrer la route, il est emporté : l’invasion radieuse
se répand — avec la complicité de Rome! — sur l’Italie et sur le
monde. Saint François figurera bien encore dans les cortèges religieux,
au pied du trône de la Madone ou de la croix du Sauveur. Mais ce ne
sera plus qu’une vaine parade où le cœur n’aura plus de part et la
prière plus de voix. On l’a arraché à son ermitage, à la nature amie,
aux hirondelles ses sœurs. On ne comprend plus sa piété profonde et
naïve; on n’aime plus la nature comme il l’aimait; on 11e sait plus
donner à toute la création une àme de madone ; l’heure a passé des
éclosions printanières, des ignorances, des gaucheries adorables.
Sans doute un soleil brillant s’est levé dans le ciel, mais ce 11’est plus
ce soleil fraternel, cette virginale aurore dont les rayons caressaient
sur les coteaux de sa chère Assise le feuillage grêle des arbres et les
fronts dévotement inclinés des humbles primitifs.

ANDRE MICHEL.
 
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