Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

DOI issue:
Nr. 1
DOI article:
Bibliographie
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0096

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

On a reçu comme article de foi cette opinion que la veine française était épuisée,
aussi bien en peinture qu’en architecture et en sculpture, et que notre personnalité
agonisante était inévitablement destinée à disparaître au premier contact de l’Italie.
Il est permis cependant de se demander s’il n’y a pas dans cette conception un
reste des préjugés si tenaces que nous ont légués le xvne et le xvme siècles contre
le moyen âge. Nous avons le droit d’aller davantage au fond des choses. Le temps
n’est plus heureusement où l’on qualifiait de barbare cette époque, qui restera, au
point de vue de l’art, l’éternelle gloire de notre pays. S’il y a encore quelques
intransigeants du classicisme, quelques incurables qui nient l’existence d’un art
français au moyen âge, du moins une appréciation plus équitable et plus éclairée
de nos titres artistiques a pénétré dans les masses profondes du public. On peut
parler de la grandeur de notre art des xne et xme siècles, de sa clarté et de sa
logique merveilleuses, de la supériorité de ses principes rationnels, sans risquer
de demeurer incompris. L’entente est moins facile sur le xve siècle; la question
devient plus brûlante. En réalité l’art purement français du xve siècle est beaucoup
moins connu que celui du xme; les monuments sont plus rares, plus disséminés,
ils ont eu plus à souffrir du temps et des hommes. Cependant ceux que nous
possédons encore, si l’on veut prendre la peine de les étudier sans parti pris,
suffisent à témoigner des forces vives de notre art national au moment de
l’invasion des formes antiques apportées par la Renaissance italienne. En Italie,
sur ce sol purement latin, laissé en jachères durant des siècles, la montée cl’une
sève nouvelle était dans l’ordre naturel des choses, et elle a produit les résultats
les plus féconds, les fruits les plus magnifiques. Nous sommes de ceux qui aiment
passionnément l’art italien du xve siècle; on ne saurait nous accuser de partialité.
Nous nous sentons donc bien à l’aise pour regretter l’éclipse momentanée, sous
une influence étrangère, de la personnalité artistique que nous avions conquise
par nos seuls efforts et sur notre propre fond, et qui s’accordait si parfaitement
avec nos mœurs, nos idées, nos habitudes d’esprit, les exigences de notre climat,
les traditions de notre histoire. Nous admettons, si l’on veut, que la fatalité de cette
influence était inéluctable, mais on nous permettra néanmoins delà déplorer. Nous
voyons tout ce que l'art français y a perdu, nous avons plus de peine à découvrir
ce qu’il y a gagné. Nos artistes les plus admirables du xvie siècle, comme Bullant,
Lescot, Jean Goujon, ne sont devenus ce que nous les connaissons que grâce à leur
volonté de reconquérir une part de notre originalité première. Ce sont des rejets
vigoureux du chêne gaulois abattu par la cognée italienne.

Dieu nous garde de faire le procès de cette forme d'art qui a pris le nom de
Renaissance; mais sans aller aussi loin que notre collaborateur M. de Fourcaud,
il nous est agréable de défendre en passant la gloire si française de nos vieux
gothiques. Lorsque nous entendons chanter les louanges d’une importation,
commandée au début par des engouements de cour, nous pensons involontairement
au trouble et à l’incertitude de nos architectes, de nos peintres, de nos tailleurs
d’images devant les tyrannies de la mode nouvelle; nous pensons avec tristesse à
la supériorité de ces maîtres modestes et souvent demeurés anonymes s’inclinant
devant les médiocres et les outrecuidants que nous expédiait lTtalie.

Non, ce n’était pas une sculpture épuisée, celle qui a produit des œuvres
telles que le Puits de Moïse, les tombeaux de Dijon, les statues de Jean de Berry
et de sa femme qu’iïolbein lui-même ne dédaignait pas d’aller dessiner à Bourges,
 
Annotationen