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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
la seconde galerie du Luxembourg, et c’est précisément pendant
l’automne de 1630 qu’il eut à se plaindre de l’abbé de Saint-Ambroise,
à propos des mesures cruellement rétrécies qu’on lui voulait imposer
pour les tableaux de l’histoire allégorique de Henri IY. De mauvaises
nouvelles, arrivées de divers points du monde, vinrent aussi troubler
sa sérénité. Rubens apprend un jour le sac de Mantoue par les
troupes impériales (18 juillet), et le souvenir de ses années de
jeunesse envahit tout à coup sa mémoire. Ce brutal événement lui
cause un déplaisir réel, et il s’en afflige, por haver servito molli anm
Casa Gonzaga e godato délia deliciosisi ma residenza de quel paese nella
mia gioventù. Peu après, on lui annonce la mort d’Ambroise Spinola
(25 septembre). Nouveau regret. « J’ay perdu en sa personne un des
plus grans amys et patrons que j’avoys au monde, comme je puis
tesmoingner par une centurie de ses lettres. »
Tous les ordinaires n’apportaient pas des nouvelles aussi fâcheuses.
Rubens fut bientôt informé des conclusions de l’aflaire qui l’avait si
passionnément occupé à Madrid et à Londres. Le traité de paix entre
l’Espagne et l’Angleterre, chapitre important dans la biographie du
peintre, avait enfin été signé le 15 novembre 1630. Un mois après,
le 17 décembre, Philippe IY et Charles Ier juraient solennellement
d’observer les clauses du contrat qui rétablissait la bonne harmonie
entre les deux royaumes. Ce traité fut accueilli des deux parts avec
une grande joie, et Rubens s’y associa, car il n’avait point été, dans
l’œuvre accomplie, un ouvrier inutile. Il ne sut pas tout de suite que
la conclusion de la paix fut suivie d’une conspiration ourdie contre
son repos. Don Carlos Coloma avait été envoyé à Londres en qualité
d’ambassadeur extraordinaire. Philippe IV résolut de le remplacer
auprès du roi d’Angleterre par un résident définitif et permanent.
Il avait d’ailleurs besoin des services de Coloma, et, en effet, il le
nomma capitaine général de la cavalerie dans son armée des Pays-
Bas. Il fallait lui trouver un successeur. Le comte-duc réunit le
Conseil et présenta trois candidats, parmi lesquels figurait Rubens.
On pesa avec le plus grand soin les titres de chacun d’eux; leurs
chances étaient à peu près égales. Heureusement, le peintre ne fut
pas désigné. Philippe IY, homologuant la décision de son Conseil,
confia les fonctions de résident à Juan de Necolalde.
Rubens l’avait échappé belle. Le nommer ambassadeur en
décembre 1630, c’eût été le troubler singulièrement dans ses rêves
de repos et de travail. Bien qu’il fût toujours attentif aux choses
d’Espagne, il sentait se refroidir en lui le zèle diplomatique, ou, à
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
la seconde galerie du Luxembourg, et c’est précisément pendant
l’automne de 1630 qu’il eut à se plaindre de l’abbé de Saint-Ambroise,
à propos des mesures cruellement rétrécies qu’on lui voulait imposer
pour les tableaux de l’histoire allégorique de Henri IY. De mauvaises
nouvelles, arrivées de divers points du monde, vinrent aussi troubler
sa sérénité. Rubens apprend un jour le sac de Mantoue par les
troupes impériales (18 juillet), et le souvenir de ses années de
jeunesse envahit tout à coup sa mémoire. Ce brutal événement lui
cause un déplaisir réel, et il s’en afflige, por haver servito molli anm
Casa Gonzaga e godato délia deliciosisi ma residenza de quel paese nella
mia gioventù. Peu après, on lui annonce la mort d’Ambroise Spinola
(25 septembre). Nouveau regret. « J’ay perdu en sa personne un des
plus grans amys et patrons que j’avoys au monde, comme je puis
tesmoingner par une centurie de ses lettres. »
Tous les ordinaires n’apportaient pas des nouvelles aussi fâcheuses.
Rubens fut bientôt informé des conclusions de l’aflaire qui l’avait si
passionnément occupé à Madrid et à Londres. Le traité de paix entre
l’Espagne et l’Angleterre, chapitre important dans la biographie du
peintre, avait enfin été signé le 15 novembre 1630. Un mois après,
le 17 décembre, Philippe IY et Charles Ier juraient solennellement
d’observer les clauses du contrat qui rétablissait la bonne harmonie
entre les deux royaumes. Ce traité fut accueilli des deux parts avec
une grande joie, et Rubens s’y associa, car il n’avait point été, dans
l’œuvre accomplie, un ouvrier inutile. Il ne sut pas tout de suite que
la conclusion de la paix fut suivie d’une conspiration ourdie contre
son repos. Don Carlos Coloma avait été envoyé à Londres en qualité
d’ambassadeur extraordinaire. Philippe IV résolut de le remplacer
auprès du roi d’Angleterre par un résident définitif et permanent.
Il avait d’ailleurs besoin des services de Coloma, et, en effet, il le
nomma capitaine général de la cavalerie dans son armée des Pays-
Bas. Il fallait lui trouver un successeur. Le comte-duc réunit le
Conseil et présenta trois candidats, parmi lesquels figurait Rubens.
On pesa avec le plus grand soin les titres de chacun d’eux; leurs
chances étaient à peu près égales. Heureusement, le peintre ne fut
pas désigné. Philippe IY, homologuant la décision de son Conseil,
confia les fonctions de résident à Juan de Necolalde.
Rubens l’avait échappé belle. Le nommer ambassadeur en
décembre 1630, c’eût été le troubler singulièrement dans ses rêves
de repos et de travail. Bien qu’il fût toujours attentif aux choses
d’Espagne, il sentait se refroidir en lui le zèle diplomatique, ou, à