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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
la masse jusqu’à la fin du xive siècle. Les tons variaient nécessairement
d’intensité et de valeur, suivant l’harmonie colorée que recherchait
le peintre-verrier. A l’origine du vitrail, le violet était rarement
pourpre, mais fréquemment brun ; le brun rosé clair était réservé
aux chairs. Le bleu, toujours obtenu par le cobalt, était généralement
coloré dans les fonds et clair dans les draperies. Le vert et le jaune
étaient le plus souvent neutres pour les étoffes ; le vert avait dans
les fonds des colorations très variables ; le jaune brillait surtout dans
les ornements, où il devait représenter l’or.
Le peintre-verrier avait donc dès le xie siècle des ressources suffi-
santes dans les nuances des couleurs primitives ; on sait, par le ma-
nuscrit de Théophile, comment il mettait en œuvre les verres colorés.
Il disposait d’abord une table de bois bien plane, tabulam ligneam
æqualem, et l’enduisait d’une couche de craie diluée. Lorsque la craie
était sèche, il traçait sur cet enduit, à la règle et au compas, avec une
pointe de plomb ou d’étain, les divisions principales du sujet et de la
bordure qui devait l’entourer. Il esquissait à la pointe le dessin des
figures, et l’arrêtait ensuite avec un trait rouge ou noir, fait avec
assez de soin pour que l’artiste pût raccorder exactement les ombres
et les lumières, au moment où il avait à reporter le trait sur le verre.
Le dessin achevé, l’artiste déterminait les colorations propres de
chaque partie de sa composition, et choisissait en conséquence des
morceaux de verre coloré d’une dimension supérieure à la dimension
définitive. Il disposait successivement chaque morceau sur la table,
à la place qu’il devait occuper, et calquait sur le verre, avec un
pinceau chargé de craie diluée, les traits extérieurs seulement : cum
creta super vitrum exteriores tractus tantum. Quand la coloration du
verre était très foncée, il calquait d’abord le trait sur un morceau de
verre blanc, et refaisait ensuite le calque en transparence sur le
verre coloré.
Le verre était ensuite coupé à l’aide' d’un fer rouge, qui déter-
minait une fêlure suivant le trait relevé sur la table : si la fêlure ne
se produisait pas immédiatement, on y aidait en touchant le verre
avec le doigt mouillé. Puis avec une pince, « grésoir ou égrisoire »,
on égalisait les bords de chaque morceau et on juxtaposait tous les
morceaux sur la table, en réservant entre eux l’épaisseur du plomb
destiné à l’assemblage h 1
1. Le diamant ne fut utilisé pour la coupe du verre que dans le cours du
xvie siècle.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
la masse jusqu’à la fin du xive siècle. Les tons variaient nécessairement
d’intensité et de valeur, suivant l’harmonie colorée que recherchait
le peintre-verrier. A l’origine du vitrail, le violet était rarement
pourpre, mais fréquemment brun ; le brun rosé clair était réservé
aux chairs. Le bleu, toujours obtenu par le cobalt, était généralement
coloré dans les fonds et clair dans les draperies. Le vert et le jaune
étaient le plus souvent neutres pour les étoffes ; le vert avait dans
les fonds des colorations très variables ; le jaune brillait surtout dans
les ornements, où il devait représenter l’or.
Le peintre-verrier avait donc dès le xie siècle des ressources suffi-
santes dans les nuances des couleurs primitives ; on sait, par le ma-
nuscrit de Théophile, comment il mettait en œuvre les verres colorés.
Il disposait d’abord une table de bois bien plane, tabulam ligneam
æqualem, et l’enduisait d’une couche de craie diluée. Lorsque la craie
était sèche, il traçait sur cet enduit, à la règle et au compas, avec une
pointe de plomb ou d’étain, les divisions principales du sujet et de la
bordure qui devait l’entourer. Il esquissait à la pointe le dessin des
figures, et l’arrêtait ensuite avec un trait rouge ou noir, fait avec
assez de soin pour que l’artiste pût raccorder exactement les ombres
et les lumières, au moment où il avait à reporter le trait sur le verre.
Le dessin achevé, l’artiste déterminait les colorations propres de
chaque partie de sa composition, et choisissait en conséquence des
morceaux de verre coloré d’une dimension supérieure à la dimension
définitive. Il disposait successivement chaque morceau sur la table,
à la place qu’il devait occuper, et calquait sur le verre, avec un
pinceau chargé de craie diluée, les traits extérieurs seulement : cum
creta super vitrum exteriores tractus tantum. Quand la coloration du
verre était très foncée, il calquait d’abord le trait sur un morceau de
verre blanc, et refaisait ensuite le calque en transparence sur le
verre coloré.
Le verre était ensuite coupé à l’aide' d’un fer rouge, qui déter-
minait une fêlure suivant le trait relevé sur la table : si la fêlure ne
se produisait pas immédiatement, on y aidait en touchant le verre
avec le doigt mouillé. Puis avec une pince, « grésoir ou égrisoire »,
on égalisait les bords de chaque morceau et on juxtaposait tous les
morceaux sur la table, en réservant entre eux l’épaisseur du plomb
destiné à l’assemblage h 1
1. Le diamant ne fut utilisé pour la coupe du verre que dans le cours du
xvie siècle.