A PROPOS D’ADRIAEN BROUWER.
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paysans, chez M. Warneck, est considéré comme de Keirincx. C’est
surtout dans ses dernières années que Brouwer parait s’être adonné,
avec quelque complaisance, au paysage. Celui de la Bridgewater Gal-
lery est d’une impression grandiose : à travers les arbres clairsemés
des dunes, on entrevoit le toit rouge d’une maison, dominant la plaine
aux tons de vert sombre, sous un ciel chargé de nuages orageux.
Le tout peint en peu de traits, d’une pâte solide et épaisse. La même
science de l’atmosphère et de la lumière se retrouve dans le Clair
de lune du Musée de Berlin, avec monogramme, moins obscur que les
Van der Neer; dans la Dune de l’Académie de Vienne et dans le
grand Paysage avec berger jouant du chalumeau, du Musée de Berlin,
signé du monogramme i, d’un effet assez analogue à celui d’un
ravissant petit panneau du Musée de Bruxelles, Paysans buvant au
piecl d'une colline, avec la signature Brouwer en toutes lettres. Chez
M. Sedelmeyer, une Chaumière dans un bouquet d’arbres, avec petits
personnages, maladroitement nettoyé. Le plus grand et le plus beau
de ces paysages serait le Coucher de soleil, de Grosvenor House, s’il
faut vraiment le donner à notre maître. On l’a attribué quelquefois
à Rembrandt. Waagen, qui en fait un grand éloge, le croit de l’école
de Teniers. Les quatre grandes figures du premier plan évoquent, il
est vrai, le nom de Teniers, grand imitateur d’ailleurs de Brouwer
en ces années (vers 1630); mais la hardiesse de la conception, la
perfection picturale de l’exécution et aussi, peut-être, un large souffle
romantique, très inattendu ici, indiquent non un imitateur, mais un
créateur. La coloration, la facture, la splendeur des tons, l’harmonie
générale rappellent d’ailleurs les études que nous venons d’énumérer ;
de sorte que, malgré un certain air de Teniers, il convient de donner,
avec M. Bode, cette magnifique page à Brouwer.
Citons encore, comme appartenant à cette même période, le
charmant petit tableau, avec le monogramme, Une femme se parant
devant un miroir, au Musée de Berlin, dans la collection Suermondt,
seul reste de la série des Passions, bien connue par les gravures de
Vosterman; à l’Ermitage, sur les cinq tableaux attribués à Brouwer,
trois seulement authentiques : un Joueur de flûte, traité avec autant
de légèreté que d’esprit, et deux pendants, un Cabaret de paysans,
d’une facture très libre, d’un clair-obscur très étudié, dans une fine
tonalité tirant vers le noir, et une Rixe de paysans, plus claire; les
i. Nous avons donné dans notre précédent article une eau-forte d’après ce
paysage.
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paysans, chez M. Warneck, est considéré comme de Keirincx. C’est
surtout dans ses dernières années que Brouwer parait s’être adonné,
avec quelque complaisance, au paysage. Celui de la Bridgewater Gal-
lery est d’une impression grandiose : à travers les arbres clairsemés
des dunes, on entrevoit le toit rouge d’une maison, dominant la plaine
aux tons de vert sombre, sous un ciel chargé de nuages orageux.
Le tout peint en peu de traits, d’une pâte solide et épaisse. La même
science de l’atmosphère et de la lumière se retrouve dans le Clair
de lune du Musée de Berlin, avec monogramme, moins obscur que les
Van der Neer; dans la Dune de l’Académie de Vienne et dans le
grand Paysage avec berger jouant du chalumeau, du Musée de Berlin,
signé du monogramme i, d’un effet assez analogue à celui d’un
ravissant petit panneau du Musée de Bruxelles, Paysans buvant au
piecl d'une colline, avec la signature Brouwer en toutes lettres. Chez
M. Sedelmeyer, une Chaumière dans un bouquet d’arbres, avec petits
personnages, maladroitement nettoyé. Le plus grand et le plus beau
de ces paysages serait le Coucher de soleil, de Grosvenor House, s’il
faut vraiment le donner à notre maître. On l’a attribué quelquefois
à Rembrandt. Waagen, qui en fait un grand éloge, le croit de l’école
de Teniers. Les quatre grandes figures du premier plan évoquent, il
est vrai, le nom de Teniers, grand imitateur d’ailleurs de Brouwer
en ces années (vers 1630); mais la hardiesse de la conception, la
perfection picturale de l’exécution et aussi, peut-être, un large souffle
romantique, très inattendu ici, indiquent non un imitateur, mais un
créateur. La coloration, la facture, la splendeur des tons, l’harmonie
générale rappellent d’ailleurs les études que nous venons d’énumérer ;
de sorte que, malgré un certain air de Teniers, il convient de donner,
avec M. Bode, cette magnifique page à Brouwer.
Citons encore, comme appartenant à cette même période, le
charmant petit tableau, avec le monogramme, Une femme se parant
devant un miroir, au Musée de Berlin, dans la collection Suermondt,
seul reste de la série des Passions, bien connue par les gravures de
Vosterman; à l’Ermitage, sur les cinq tableaux attribués à Brouwer,
trois seulement authentiques : un Joueur de flûte, traité avec autant
de légèreté que d’esprit, et deux pendants, un Cabaret de paysans,
d’une facture très libre, d’un clair-obscur très étudié, dans une fine
tonalité tirant vers le noir, et une Rixe de paysans, plus claire; les
i. Nous avons donné dans notre précédent article une eau-forte d’après ce
paysage.