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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Fumeurs, de la collection Steengracht à la Haye, de même dimension,
qui, par certains côtés, rappellent les meilleures choses de Craesbeeck,
sont cependant finement caractérisées, d’une exécution originale et
d’une sûreté de dessin très supérieures qui excluent le nom du bou-
langer-peintre, et M. Bode, en les comparant avec les deux mor-
ceaux incontestés de l’Institut Staedel, Y Opération au pied ai Y Opé-
ration à l’épaule, des dernières années aussi (et non sans analogie
avec des peintures contemporaines de Frans et de Dirk Hais), n’hésite
pas à les ranger dans l’élite des Brouwer. D’ailleurs les Fumeurs por-
tent la bonne signature. Le Paysan prenant une médecine (Le Goût),
à l’Institut Staedel, tête d’étude presque grande comme nature, si
lumineuse et si bien conservée, trahit le double souvenir de Hais
et de Rubens. Quant à une tète de semblable dimension, le Fumeur
du Louvre, elle parait à M. Bode d’un faire trop sec, d’un ton trop
lourd et trop uniformément brun pour être de Brouwer. Il l’attribue,
à tort, croyons-nous, à David Deniers. Nous renvoyons le lecteur à
la fine appréciation qu’a faite ici même M. Mantz de ce tableau, et
à la gravure de M. Gaujean qui accompagne son étude.
Les dessins de Brouwer, comme de certains coloristes, Frans Hais
et Velâzquez par exemple, sont très rares, quoique les biographes le
montrent dessinant pour gagner sa vie. Dans les quelques croquis
qui nous restent de lui, il ne parait pas rechercher un contour coulant,
net et bien écrit; il dessine l’objet comme il le voit, picturalement,
dans des conditions complexes de coloration et d’éclairage, de ton
aérien et de clair-obscur. Tels les Paysans fumant en plein air (au
Cabinet de Stockholm), assis près d’une barrique qui leur sert de
table : fonds bruns lavés à la sépia, avec rehauts de lumière, ce qui
donne à cette page le caractère, exceptionnel dans les dessins de
Brouwer, d’œuvre définitive. Plus importants sont les Six paysans près
d’une cheminée (collection His de la Salle, au Louvre), d’une facture
à effet, dans le genre de Rembrandt. A l’Albertine, deux compositions
à la plume et au lavis, projets de tableaux comme les précédentes,
une Scène de galanterie rustique, Paysans en gaieté, et la Correction
maternelle que Mariette apprécia assez pour la faire graver; chez
M. Bonnat, un Intérieur de cabaret avec trois paysans assis et devant
eux un quatrième élevant une cruche, au verso, deux figures très
effacées. Au Musée de Berlin, de plus rapides griffonnis, dont plu-
sieurs accompagnent ce travail ; au Cabinet de Stockholm, sept
études de têtes caricaturales ; un fusain de plus grand format, Quatre
paysans attablés, au Cabinet de Munich. M. Bode clôt ici la courte
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Fumeurs, de la collection Steengracht à la Haye, de même dimension,
qui, par certains côtés, rappellent les meilleures choses de Craesbeeck,
sont cependant finement caractérisées, d’une exécution originale et
d’une sûreté de dessin très supérieures qui excluent le nom du bou-
langer-peintre, et M. Bode, en les comparant avec les deux mor-
ceaux incontestés de l’Institut Staedel, Y Opération au pied ai Y Opé-
ration à l’épaule, des dernières années aussi (et non sans analogie
avec des peintures contemporaines de Frans et de Dirk Hais), n’hésite
pas à les ranger dans l’élite des Brouwer. D’ailleurs les Fumeurs por-
tent la bonne signature. Le Paysan prenant une médecine (Le Goût),
à l’Institut Staedel, tête d’étude presque grande comme nature, si
lumineuse et si bien conservée, trahit le double souvenir de Hais
et de Rubens. Quant à une tète de semblable dimension, le Fumeur
du Louvre, elle parait à M. Bode d’un faire trop sec, d’un ton trop
lourd et trop uniformément brun pour être de Brouwer. Il l’attribue,
à tort, croyons-nous, à David Deniers. Nous renvoyons le lecteur à
la fine appréciation qu’a faite ici même M. Mantz de ce tableau, et
à la gravure de M. Gaujean qui accompagne son étude.
Les dessins de Brouwer, comme de certains coloristes, Frans Hais
et Velâzquez par exemple, sont très rares, quoique les biographes le
montrent dessinant pour gagner sa vie. Dans les quelques croquis
qui nous restent de lui, il ne parait pas rechercher un contour coulant,
net et bien écrit; il dessine l’objet comme il le voit, picturalement,
dans des conditions complexes de coloration et d’éclairage, de ton
aérien et de clair-obscur. Tels les Paysans fumant en plein air (au
Cabinet de Stockholm), assis près d’une barrique qui leur sert de
table : fonds bruns lavés à la sépia, avec rehauts de lumière, ce qui
donne à cette page le caractère, exceptionnel dans les dessins de
Brouwer, d’œuvre définitive. Plus importants sont les Six paysans près
d’une cheminée (collection His de la Salle, au Louvre), d’une facture
à effet, dans le genre de Rembrandt. A l’Albertine, deux compositions
à la plume et au lavis, projets de tableaux comme les précédentes,
une Scène de galanterie rustique, Paysans en gaieté, et la Correction
maternelle que Mariette apprécia assez pour la faire graver; chez
M. Bonnat, un Intérieur de cabaret avec trois paysans assis et devant
eux un quatrième élevant une cruche, au verso, deux figures très
effacées. Au Musée de Berlin, de plus rapides griffonnis, dont plu-
sieurs accompagnent ce travail ; au Cabinet de Stockholm, sept
études de têtes caricaturales ; un fusain de plus grand format, Quatre
paysans attablés, au Cabinet de Munich. M. Bode clôt ici la courte