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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
rare document depuis si longtemps attendu, nous n’aurions rien à
regretter. Il importait, dans cet espoir, de n’omettre aucun des indices
de nature à mettre les chercheurs sur sa piste.
III.
La correspondance de l’artiste avec la direction des Bâtiments
du roi s’ouvre, avons-nous dit, par une lettre écrite à M. de Marignv
le l01’ août 1763. A cette date, le pastelliste est dans tout l’éclat du
talent et de la gloire. Il jouit d’un logement dans la grande galerie
du Louvre et d’une pension de 1,000 livres. Le portrait de Mme de
Pompadour, aujourd’hui au Louvre, a mis le sceau à sa réputation.
Tous les honneurs académiques accessibles aux peintres de portraits lui
ont été conférés. La vieillesse n’a point encore ébranlé ses facultés
intellectuelles ou alourdi sa main. Après tant d’expositions célébrées
par la verve intarissable de Diderot, La Tour se préparait à envoyer
au Salon de 1763 les portraits du Dauphin, de la Dauphine, du duc
de Berry, du comte de Provence, du prince Clément et de la princesse
Christine de Saxe, puis d’autres pastels encore dont les modèles ne
méritaient pas d’être cités en aussi noble compagnie. C’est à ce moment
que les plus grands personnages de la cour se donnent rendez-vous
dans l’atelier du portraitiste à la mode.
On lui a reproché les exigences qu’il imposait à son illustre
clientèle; les reproches d’avidité, d’avarice même, ne lui ont pas ôté
épargnés. Au premier rang de ses détracteurs se place Mariette. Or
il semble, M. Champfleury l'a fort justement fait remarquer, que le
dépit de n’avoir pu obtenir un portrait longtemps espéré ait exercé
une fâcheuse influence sur l’esprit du célèbre amateur. L’examen de
cette question délicate nous entraînerait trop loin. Ne vaut-il pas
mieux laisser l’artiste présenter sa défense lui-même et nous exposer
les causes de ses froissements et de ses prétentions? Voici donc la
lettre 1 qu’il adressait à M. de Marigny à propos du prix des portraits
des personnes de la famille royale.
Monsieur le Marquis,
Le vif intérêt que vous prenez aux Arts dont vous estes le protecteur et l’ami,
m’engage à prendre la liberté devons communiquer quelques réflections sur la pein-
ture, mon genre et ses difflcultez; elles pourront justifier les bontés dont vous ni’lion- 4
4. Je ne connais qu’une seule lettre de La Tour, d’une date antérieure à celle-ci.
Elle est du 13 juillet 1752 et fait allusion au fameux portrait de Mme de Pompadour.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
rare document depuis si longtemps attendu, nous n’aurions rien à
regretter. Il importait, dans cet espoir, de n’omettre aucun des indices
de nature à mettre les chercheurs sur sa piste.
III.
La correspondance de l’artiste avec la direction des Bâtiments
du roi s’ouvre, avons-nous dit, par une lettre écrite à M. de Marignv
le l01’ août 1763. A cette date, le pastelliste est dans tout l’éclat du
talent et de la gloire. Il jouit d’un logement dans la grande galerie
du Louvre et d’une pension de 1,000 livres. Le portrait de Mme de
Pompadour, aujourd’hui au Louvre, a mis le sceau à sa réputation.
Tous les honneurs académiques accessibles aux peintres de portraits lui
ont été conférés. La vieillesse n’a point encore ébranlé ses facultés
intellectuelles ou alourdi sa main. Après tant d’expositions célébrées
par la verve intarissable de Diderot, La Tour se préparait à envoyer
au Salon de 1763 les portraits du Dauphin, de la Dauphine, du duc
de Berry, du comte de Provence, du prince Clément et de la princesse
Christine de Saxe, puis d’autres pastels encore dont les modèles ne
méritaient pas d’être cités en aussi noble compagnie. C’est à ce moment
que les plus grands personnages de la cour se donnent rendez-vous
dans l’atelier du portraitiste à la mode.
On lui a reproché les exigences qu’il imposait à son illustre
clientèle; les reproches d’avidité, d’avarice même, ne lui ont pas ôté
épargnés. Au premier rang de ses détracteurs se place Mariette. Or
il semble, M. Champfleury l'a fort justement fait remarquer, que le
dépit de n’avoir pu obtenir un portrait longtemps espéré ait exercé
une fâcheuse influence sur l’esprit du célèbre amateur. L’examen de
cette question délicate nous entraînerait trop loin. Ne vaut-il pas
mieux laisser l’artiste présenter sa défense lui-même et nous exposer
les causes de ses froissements et de ses prétentions? Voici donc la
lettre 1 qu’il adressait à M. de Marigny à propos du prix des portraits
des personnes de la famille royale.
Monsieur le Marquis,
Le vif intérêt que vous prenez aux Arts dont vous estes le protecteur et l’ami,
m’engage à prendre la liberté devons communiquer quelques réflections sur la pein-
ture, mon genre et ses difflcultez; elles pourront justifier les bontés dont vous ni’lion- 4
4. Je ne connais qu’une seule lettre de La Tour, d’une date antérieure à celle-ci.
Elle est du 13 juillet 1752 et fait allusion au fameux portrait de Mme de Pompadour.