Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:
Courajod, Louis: Une statue de Philippe VI au Musée du Louvre et l'influence de l'art flamand sur la sculpture française à la fin du XIVe siècle
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0233

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
220

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tome de cette nature ne se rencontre quand on scrute l’expression de
la statue de Philippe YI, aucune convention n’apparaît. La figure
n’est pas maniérée. Elle ne possède pas cette élégance vulgaire d’un
grand nombre d’œuvres du xive siècle. Elle est au contraire réso-
lument trapue. La draperie, loin de viser à la légèreté, recherche
sinon la noblesse au moins l’ampleur, et l’atteint en affectant une
certaine gravité qui confine à la lourdeur. Le vêtement du roi,
absolument différent, par sa disposition, de celui de ses prédécesseurs,
inaugure un système de costume qui sera adopté pour les effigies
funéraires de Jean II, de Charles Y et de Charles VI L Quant à la
tète, elle est d’une étonnante expression de réalisme. C’est un
portrait non pas interprété et idéalisé, mais étudié dans toutes ses
particularités et dans toutes les défectuosités d’un visage individuel.
Les plus grands anatomistes de la physionomie humaine, les Van
Eyck, les Holbein, les Durer, les admirables réalistes du xve siècle-
italien, n’ont pas poussé beaucoup plus loin l’analyse et l’observation.
Regardez cette bouche lippue, ces lèvres sensuelles dignes d’un
bourgeois bon vivant et ami de la bonne chère. Est-ce ainsi que, dans
sa pure tradition, dans son noble idéalisme, notre vieille école
gothique concevait une effigie royale ? Si on supprimait la couronne,
cette tête ressemblerait plutôt à celle d’un artisan qu’à celle d’un
roi 2.

Une fois remis de mon premier étonnement, je m’aperçus bien
vite que l’existence de la statue de Philippe VI provenant des Jacobins
n’est pas un fait isolé dans l’histoire de l’art. Saint-Denis possède
d’autres œuvres analogues. C’est d’abord la statue du même Phi-
lippe VI dont les traits sont différents de ceux de notre statue —
contraste signalé déjà par Bonfons au xvie siècle, — mais dont le
style général est absolument semblable. Puis c’est ce Jean II au type
presque trivial à force d’être réel, et dont l’apparition inattendue au

1. M. de'Guilhermy qui, dans Teffigie de Philippe YI, à Saint-Denis, a déjà
remarqué la même dérogation au type consacré du manteau royal, attribue cette
modification du costume officiel à P avènement des Valois au trône (Monographie
de Saint Denis, p. 280). Il est certain que les princes de la maison de Valois appor-
tèrent à la cour de France des goûts, des modes, un faste et un luxe qu'on n’y
avait pas encore vus. Ils créèrent ainsi à Paris un milieu favorable à l’épanouissement
d’un style nouveau dans la sculpture. Cf. Histoire littéraire de la France, tome XXIV,
(Discours sur l’état des beaux-arts au xiv° siècle) p. 642.

2. Ceci n’est pas une hypothèse gratuite. Voyez dans les photographies publiées
par M. Fichot la tête de Charles V sculptée dans le même esprit et reproduite sans
sa couronne, qui fut vraisemblablement, à l’origine, une pièce d’orfèvrerie.
 
Annotationen