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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 3
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Chantelou, Paul Fréart de: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [25]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0299

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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER RERNIN.

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cet effet. De cela il a passé à dire quelque chose du frontispice de Néron 1
qui avait été achevé de ruiner dans ce siècle-ci; qu’il y avait des pièces de
pierre dans cet édifice, qui avaient 5 ou 6 toises cubes; ce qui est encore
plus étonnant, c’est qu’on ne peut à présent s’imaginer avec quelles
machines ils pouvaient les élever.

J’ai dit que le nombre infini d’esclaves qu’ils avaient leur donnait moyen
de faire des choses qui nous semblent prodigieuses. J’ai allégué le pont du
Gard, dont partie des arches ne sont composées que de trois pierres, celle de
la clef et les deux qui posent sur les impostes. M. Colbert a dit que, si la paix
dure douze ou quinze ans, il espère que nous ferons des choses aussi éton-
nantes. Après cela, il s’est levé et a dit qu’il s’en allait au Louvre pour savoir
l’heure que M. Je Cavalier pourrait prendre congé du Roi, qu’il attendît et
qu’il le reviendrait prendre. Et de fait, à une heure de là, il est revenu et
l’a mené chez le Roi, l’a fait entrer par le cabinet. Paule, Mathie, Jules et
l’abbé Rutti et moi y étions aussi. Il a trouvé le Roi dans sa chambre près
de la fenêtre, y ayant le dos tourné. M. de Saint-Aignan était auprès de Sa
Majesté. Le Cavalier présenté par M. Colbert s’est avancé et a fait son
compliment au Roi, et puis lui a fait une profonde inclination; le ltoi
s’inclinant aussi pour lui répondre, baissé qu’il était, lui a parlé obligeamment
à ce qui a paru et lui a donné des marques de grande estime. En se retirant,
comme il a vu son fils et les autres, il s’est avancé de rechef et les a présentés
à Sa Majesté. Ils lui ont fait la révérence. Le Roi a dit au signor Mathie qu’il
fallait qu’il revînt bientôt. Le Cavalier a pris la parole et a dit qu’il n’allait
que pour revenir avec sa femme, et qu’il serait ici au commencement de
février. Et après que les siens ont eu pris congé du Roi, il a ajouté qu’il
avait encore à rendre grâce à Sa Majesté de m’avoir [mis] auprès de lui;
qu'il m’avait trouvé si intelligent dans tous les arts qu’il professait qu’il en
avait été étonné. Le Roi lui a dit qu’aussi était-ce pour cela qu’il m’avait
choisi pour cet emploi. De là M. Colbert a fait rentrer le Cavalier avec lui
dans le cabinet du Roi, et a entré, lui, dans la chambre de la Reine pour
savoir si elle était en état d’être vue. Il est demeuré là quelque temps, puis
a fait entrer le Cavalier, qui est entré dans la chambre de parade, et de là
dans la petite chambre où il a pris congé de la Reine, qui n’était encore
qu’en peignoir. Elle l’a reçu avec bonté et affection. Mmes de Montausier et
maréchale de la Mothe2 lui ont fait beaucoup de civilités, et lui ont dit
qu’elles eussent été ravies qu’il eût fait aussi le buste de la Reine et de
M. le Dauphin. Il leur a dit que son fils avait fait un ouvrage que la Reine
pouvait considérer souvent, et pour la pensée dévote et pour présenter à son
imagination un bel objet d’un enfant. Mme de Montausier m’a prié de
témoigner au Cavalier le regret qu’elle a de ne lui avoir rendu aucun service.
Mme la maréchale de la Mothe m’a fait la même prière. Cela fait, M. Colbert
lui a dit d’attendre, qu’il allait lui faire voir les pierreries de la couronne.

« Véritablement, a dit le Cavalier, M. le légat m’avait recommandé de ne
retourner pas à Rome sans demander à les voir. » A quelque temps de là,

1. Les magnifiques colonnes, restes du temple qui se trouvait sur le Forum de Néron.

2. Louise de Prie, femme du maréchal de la Mothe-floudancourt, morte en 1709 à
quatre-vingt-cinq ans.
 
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