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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 3
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [25]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0302

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288

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

rendre plus riche. Il a conseillé dans la frise qui est pauvre et sans orne-
ments, contre la nature de son nom 4, d’y introduire des instruments qui ont
servi à la Passion. L’on lui a demandé s’il serait convenable de mettre des
confessionnaux aux deux côtés de l’autel. 11 a dit que, dans l’angle, l’on
pouvait y en mettre, les faisant avec proportion et non pas avec une gran-
deur excessive comme le sont ceux qui sont à l’opposite. Les PP. lui ont dit
que tout le monde trouvait la situation de leur autel trop basse. L’ayant sur
cela considéré assez longtemps, il a dit que l’autel où se fait le sacrifice
n’est pas trop bas, mais que c’était la composition de l’autel qui faisait dire
qu’il l’était trop, mais que le mal était incurable. Je leur ai dit qu’il y avait
vingt ans que je leur donnai avis qu’ils gâtaient leur église à force de la
remplir des vilains ornements qu’on y voit, mais qu’ils avaient alors un père
deRans2, un frère Pierre et un Flamand qu’ils tenaient pour des oracles
d’architecture, qui ont gâté ce beau vaisseau; qu’ils me répondirent alors
que le nombre des gens sans connaissance était plus grand que celui des
habiles, qu’il fallait plaire à la multitude qui aime les choses ornées de la
sorte. Ils ont ajouté que, quand M. le cardinal de Richelieu y entra la pre-
mière fois, il trouva cela beau. Je leur ai dit qu’il avait été un très grand
ministre, mais qu’il s’entendait peu en architecture; qu’il fallait croire ceux
qui avaient de la connaissance; qu’ils voyaient comme le Noviciat, dont
M. Desnoyers et mes frères et moi par ses ordres avaient pris le soin, a eu
enfin l’approbation d’un chacun et que leur église ne l’avait eue de personne.
Ils en sont demeurés d’accord. Le Cavalier leur a dit qu’il se plaindra au
P. Oliva, leur général, qu’il a été visité en France de tous, hormis de ceux
de son ordre. Je leur ai dit que le premier soin du Cavalier avait été de voir
toutes leurs maisons de Paris dès en arrivant. Après il a ajouté : « Je vous
demande en congrégation un Ave Maria pour moi », ce qu’ils ont promis et
le P. Annat3 aussi, qui est arrivé sur la fin.

Au sortir des Jésuites, le Cavalier est allé chez l’ambassadeur de Venise,
qui lui a fait cent civilités, et de trois paroles Tune était : Caro mio Cavalière,
Cavalière mio gentile. Après avoir demeuré une demi-heure avec lui en con-
versation, il Ta reconduit jusqu’au bas du degré, quelques instances qu'il
ait faites pour l’en empêcher, lui alléguant sa qualité. Il a répondu que la
République le lui pardonnerait, que c’était comme son ami ce qu’il en faisait.
De là nous sommes allés chez M. de Lionne où nous n’avons trouvé que
Madame. Elle lui a demandé encore quelques avis touchant son vestibule où
elle a fait fermer deux portes. Il lui a dit qu’on y pouvait faire quelques
ornements comme elle le désirait. Prenant congé d’elle, elle Ta embrassé
deux fois à la française, et aprèsje l’ai ramené chez lui.

(La fui prochainement.) LUDOVIC LALANNE.

1. En italien, frisure signifie orner.

2. Le P. François Derrand, né en 1588 dans le pays messin, mort à Agde en -1644.

3. François Annat, jésuite, confesseur de Louis XIV, né en 1590, mort en 1670

Le Rédacteur en chef, gérant : LOUIS GôNSE.

SCEAUX. IMP, CHARAIRE ET FILS.
 
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