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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 4
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Michel, André: L' exposition d'Eugène Delacroix à l'École des Beaux-Arts
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0320

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306

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

phases de son exécution, les détails les plus précis et les plus
circonstanciés. La composition de sa palette était pour lui une
affaire de grande importance : « Dans la vue seule de la palette,
comme le guerrier dans celle de ses armes, le peintre puise la
confiance et l’audace », disait-il. Nous savons quel soin il apportait
dans l’acquisition de ses palettes; comment il les préférait en bois
clair et légères à la main, d’abord en citronnier, puis en marronnier,
bois encore plus léger, plus demi-teinte ; comment il les faisait vernir
au copal et avec quelle joie il disait, après s’en être à grand’peine
procuré une de tous points excellente : «Elle me donne appétit au tra-
vail; les bons outils m’excitent. »

Il est facile de distinguer dans son œuvre l’influence successive
de Géricault et de Bonington, puis les révélations de son voyage
au Maroc, jusqu’à la formation complète de cette langue si pro-
fondément personnelle et savante qu’il se forma pour son usage
particulier, non sans avoir beaucoup interrogé Rubens, Rembrandt
et surtout Veronèse, dont on relève à dose inégale les conseils plus
ou moins directs dans un grand nombre de ses tableaux. Mais comme
il avait à exprimer des pensées toutes nouvelles, qu’aucun de ses
grands prédécesseurs n’avait pu même entrevoir, il ne prit à chacun
d’eux qu’une partie de son vocabulaire et, sous la double pression
des exigences de ses sujets et de sa vibrante organisation, il fondit
le tout dans une synthèse nouvelle, dans une admirable « rhéto-
rique », si l’on peut ainsi parler, qui aura ajouté à l’histoire de
l’art moderne un de ses chapitres les plus originaux et les plus
beaux.

Déjà dans l’atelier de Guérin, il s’était aperçu que la « palette de
l’école » ne lui suffisait pas. En peignant Dante et Virgile, il se
sentit, dit-il, fort embarrassé 1 pour rendre les gouttes d’eau qui
découlent des figures nues et renversées. C’est en étudiant les sirènes
de Rubens dans le Débarquement de Marie de Médicis à Marseille et
les dégradations de l’arc-en-ciel, « cette palette de la création », qu’il
parvint à en fixer l’effet. Ce fut là son point de départ : il ne cessa
jamais d’enrichir d’observations directes, d’études et de recherches
ce fonds de connaissances, lentement, laborieusement acquis, mais
fécondé par son inspiration ; car on peut enseigner — et tout le monde
peut savoir — la grammaire, mais l’école où s’enseignera le génie est
encore à fonder. 1

1. La Galerie Bruyas, par A. Bruyas, avec une introduction de Théophile Sylvestre.
 
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