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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 4
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Lostalot, Alfred de: Revue musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0374

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

devons la Damnation de Faust, nous devons plaider la cause de son œuvre.
Sauf l’ouvrage que nous venons de citer et quelques ouvertures, on ne nous
fait entendre que des fragments de ses grandes compositions. Les concerts
du Châtelet, dont elles ont fait la fortune, semblent les oublier depuis qu’ils
peuvent se passer de leur secours. Je sais bien que l’exécution entraîne de
grands frais, mais à quoi M. Colonne pourrait-il mieux employer la subven-
tion qu’il reçoit de l’État? Cet argent ne devrait-il pas servir avant tout à
favoriser la mise en lumière des chefs-d’œuvre de l’art français? Quant aux
théâtres subventionnés, ils ne semblent pas se douter que Berlioz ait écrit
pour la scène. Nous avons déjà signalé le succès de Benvenuto Fellini en
Allemagne : quand se décidera-t-on à nous le faire entendre? Cet opéra,
représenté pour la première fois à l’Académie royale de musique, le
3 septembre 1838, y lit une chute éclatante. Berlioz était déjà cuirassé
contre ces mésaventures; il porta son ouvrage à Weimar et le public alle-
mand le vengea des dédains du public français. Aujourd’hui, l’œuvre serait
certainement appréciée à Paris comme elle le fut et l’est encore en Allemagne ;
un directeur de théâtre n’a aucun risque à courir en la remettant à la scène.
Puissions-nous donc saluer en même temps, et sans trop attendre, la statue
du maître et son Benvenuto Cellini.

Les concerts de M. Lamoureux nous ont donné le second acte de Tristan
et Yseult ; l’exécution a été au-dessus de tout éloge, nous l’avons déjà dit
et nous le répétons, mais notre sentiment ne s’est nullement modifié au sujet
de l’œuvre. Nous persistons à la considérer comme une aberration d’un grand
artiste et nous croyons qu’il faut la critiquer sans ménagement, parce qu’elle
dérive d’un système dont l’adoption entraînerait la perte de la musique
dramatique et d’un art accessoire qui a bien son prix : l’art du chant.

A propos de la courte appréciation que nous avons donnée du premier
acte de Tristan, un abonné a bien voulu nous écrire une lettre où les com-
pliments ne dominent pas. Je crois inutile de citer textuellement le brevet
d’incompétence qui m’est décerné : je me contenterai de répondre sur quelques
points où mon aimable correspondant me semble lui-même prêter le flanc à
la critique. Je n’ai jamais eu l’intention qu’il me suppose « de retirer de
l’harmonie céleste une constellation de premier ordre ». Je ne me crois pas
le bras assez long pour décrocher des étoiles, et puis, en admettant que cela
fût en mon pouvoir, ce n’est pas sur Wagner que se porterait ma main
coupable, car je l’admire profondément et nul ne reconnaît plus hautement
son génie. Est-ce à dire qu’il faille tout admirer? Hermann et Dorothée
comptent-ils dans l’œuvre de Gœthe au même titre que Faust? Nous nous
sommes permis de faire une distinction de ce genre dans l’œuvre de Wagner.
Je m’incline bien bas devant l’auteur de Lohengrin, mais il m’est impossible
de dissimuler un bâillement de fatigue et d’ennui quand il chante les longues
et insipides amours de Tristan et d’Yseult. Jusqu’à plus ample informé, je
croirai à la nécessité du rythme et de la mesure dans l’écriture musicale, et
je proclamerai la supériorité de la mélodie définie sur la mélodie infinie que
W agner prétend avoir imaginée. Pour exprimer une belle pensée, point
n’est besoin, à notre avis, de mettre en jeu tous les termes du vocabulaire;
il suffit de quelques phrases et ces phrases viennent toutes seules dès que
 
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