LA « DIVINE COMÉDIE » ILLUSTRÉE PAR BOTTICELLI. 415
pleines mains. Dante purifié par les eaux du Léthé peut la contempler
clans sa gloire ; il suit la procession qui s’arrête auprès de l’arbre de
vie et, dès que le char est attaché à l’arbre, les rameaux dépouillés
reverdissent. Mais un aigle fond sur l’attelage sacré et de concert
avec un renard et un dragon1 le souille et le saccage. Les sept Vertus
psalmodient un chant de douleur jusqu’à ce que Béatrix prédise le
rétablissement de l’Eglise et le châtiment des coupables.
Enfin on arrive aux derniers replis du Purgatoire et le poète
plongé dans le fleuve de l’Eunoé peut aborder le Paradis.
Puro c disposto a salire aile stclle.
Toute cette partie, grâce à l’intervention de Mathilde, de Béatrix
et de leur cortège féminin, fournit à Botticelli de plus heureuses
inspirations. Ces femmes escortant le char sacré, tantôt entonnant
l’hosannah joyeux, tantôt pleurant sur les malheurs de l’Eglise
outragée, enveloppées du léger et gracieux ballonnement de leurs
draperies, ont, surtout dans les mouvements discrets et modérés, un
charme de pénétrante poésie2. Mais lorsque l’action devient plus
vive, lorsque le sentiment dramatique anime plus fortement ces
idéales figures, l’impuissance réparait : le peintre du printemps et
des douces madones ne se maintient plus à la hauteur d’Alighieri ;
il demeure insuffisant, puéril quelquefois, ou tombe dans l’exagéra-
tion maladroite. Ainsi la douleur devient grimaçante, le mouvement
se transforme en élan désordonné. Les trois Vertus, qui doivent danser
allègrement auprès du char, se démènent en rondes presque dignes des
1. Selon les commentateurs les plus autorisés, voici le sens de cette allégorie
qui se prolonge pendant les sept derniers chants du Purgatoire ; le char de l’Église
est attaqué à la fois par trois monstres, l’aigle qui n’est autre que l’aigle impérial,
le renard qui figure l’hérésie et le dragon que l’on croit être Mahomet.
2. Dans la planche du Purgatoire, chant XXXIII, la plus belle incontestablement
de la série, où la douleur des Vertus est exprimée avec une grandeur de style et une
profondeur de sentiment trop rares dans les pages précédentes, Mathilde a les traits
et l’attitude d'une des trois Grâces (celle qui est vêtue de blanc) s’avançant vers
Giovanna Tornabuoni, la fresque du musée du Louvre, provenant de la villa Lemmi.
De même, dans l’autre fresque du Louvre, pendant de celle-ci, provenant égale-
ment de la villa Lemmi, le groupe des sept femmes, représentant les sept arts du
Trivium et du Quadrivium accueillant Lorenzo Tornabuoni, est d’une disposition
analogue à celle des sept Vertus de cette planche XXXIII. Toutefois, sans doute,
par suite des exigences architecturales, les figures de la fresque sont beaucoup
plus serrées les unes contre les autres que les Vertus du Purgatoire, qui par cela
même sont mieux disposées.
pleines mains. Dante purifié par les eaux du Léthé peut la contempler
clans sa gloire ; il suit la procession qui s’arrête auprès de l’arbre de
vie et, dès que le char est attaché à l’arbre, les rameaux dépouillés
reverdissent. Mais un aigle fond sur l’attelage sacré et de concert
avec un renard et un dragon1 le souille et le saccage. Les sept Vertus
psalmodient un chant de douleur jusqu’à ce que Béatrix prédise le
rétablissement de l’Eglise et le châtiment des coupables.
Enfin on arrive aux derniers replis du Purgatoire et le poète
plongé dans le fleuve de l’Eunoé peut aborder le Paradis.
Puro c disposto a salire aile stclle.
Toute cette partie, grâce à l’intervention de Mathilde, de Béatrix
et de leur cortège féminin, fournit à Botticelli de plus heureuses
inspirations. Ces femmes escortant le char sacré, tantôt entonnant
l’hosannah joyeux, tantôt pleurant sur les malheurs de l’Eglise
outragée, enveloppées du léger et gracieux ballonnement de leurs
draperies, ont, surtout dans les mouvements discrets et modérés, un
charme de pénétrante poésie2. Mais lorsque l’action devient plus
vive, lorsque le sentiment dramatique anime plus fortement ces
idéales figures, l’impuissance réparait : le peintre du printemps et
des douces madones ne se maintient plus à la hauteur d’Alighieri ;
il demeure insuffisant, puéril quelquefois, ou tombe dans l’exagéra-
tion maladroite. Ainsi la douleur devient grimaçante, le mouvement
se transforme en élan désordonné. Les trois Vertus, qui doivent danser
allègrement auprès du char, se démènent en rondes presque dignes des
1. Selon les commentateurs les plus autorisés, voici le sens de cette allégorie
qui se prolonge pendant les sept derniers chants du Purgatoire ; le char de l’Église
est attaqué à la fois par trois monstres, l’aigle qui n’est autre que l’aigle impérial,
le renard qui figure l’hérésie et le dragon que l’on croit être Mahomet.
2. Dans la planche du Purgatoire, chant XXXIII, la plus belle incontestablement
de la série, où la douleur des Vertus est exprimée avec une grandeur de style et une
profondeur de sentiment trop rares dans les pages précédentes, Mathilde a les traits
et l’attitude d'une des trois Grâces (celle qui est vêtue de blanc) s’avançant vers
Giovanna Tornabuoni, la fresque du musée du Louvre, provenant de la villa Lemmi.
De même, dans l’autre fresque du Louvre, pendant de celle-ci, provenant égale-
ment de la villa Lemmi, le groupe des sept femmes, représentant les sept arts du
Trivium et du Quadrivium accueillant Lorenzo Tornabuoni, est d’une disposition
analogue à celle des sept Vertus de cette planche XXXIII. Toutefois, sans doute,
par suite des exigences architecturales, les figures de la fresque sont beaucoup
plus serrées les unes contre les autres que les Vertus du Purgatoire, qui par cela
même sont mieux disposées.