EXPOSITION DES PASTELLISTES FRANÇAIS.
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d’hui, le portrait fait par Perronneau, malgré quelques demi-teintes
verdâtres, peut soutenir hardiment la comparaison. Ce surtout noir
qui, paraît-il, était un piège, est exécuté de main de maître, et vaut
bien l’habit bleu de roi de l’autre; enfin l’animation et l’air sarcas-
tique qu’il a donnés à la physionomie devaient être plus vrais que le
visage calme et reposé dont La Tour s’est gratifié ce jour-là.
Il faut le dire bien haut, d’ailleurs, cette exposition est une sorte
de révélation du talent de Perronneau. Jusqu’ici, cet artiste de grand
mérite était resté peu connu, plutôt que méconnu. Et puis, de son
temps, la gloire de son grand contemporain l’écrasait, l’éclipsait à
Paris. Il en fut réduit à voyager, à se faire le commis-voyageur du
portrait au pastel, portant son talent de ville en ville, et laissant
tantôt à Orléans, tantôt à Lyon, Bordeaux, Abbeville ou Amsterdam,
des preuves nombreuses de son habileté. Les deux magnifiques por-
traits de M. et de Mme Olivier, rapportés récemment de Marseille,
peuvent soutenir la comparaison avec n’importe quelles œuvres
pour leur exécution toute de verve et de libre facture. Ils nous
forcent à comparer les deux maîtres que les hasards de cette exposi-
tion mettent en présence, et à leur trouver beaucoup plus de liberté
dans la manière et d’esprit dans la touche que dans les œuvres
voisines. La Tour reprenait souvent ses ouvrages, les retravaillait,
les polissait, et souvent les gâtait. Les visages de Perronneau
conservent toujours cette fleur, ce prime saut, cette fraîcheur, ce
prisme où se joue la lumière, qui sont les précieux apanages du
pastel. Si l’on passe aux vêtements, l’exécution de la robe à ramages
et des dentelles de Mme Olivier, dont l’agréable pose accoudée fait
valoir la main, laisse bien loin derrière elle l’ajustement sans accent
de Mlle Sallé qui dissimule les siennes dans ses manches, avec une
réserve par trop exagérée. Que l’on compare aussi le velours et la
main de M. Olivier avec les accessoires du portrait de M. de la
Reynière qui est voisin.
Ces portraits furent exposés par l’artiste au Salon de 1748, et
bien accueillis par la critique. « Qui peut aussi, dans le genre de
M. de La Tour, voler comme lui de merveilles en merveilles? Ce
sera M. Perronneau, s’il veut continuer ainsi qu’il a commencé. »
Regardez encore ce portrait de jeune garçon, la perle d’une
des plus belles collections parisiennes. Ce gamin au nez retroussé,
vrai type de petit Parisien à la mine éveillée, est, dit-on, le fils du
sculpteur Lemoine. L’artiste a-t-il enlevé avec assez d’esprit et de
verve ses traits délicats! Le nez, le front, les mèches blondes, les
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d’hui, le portrait fait par Perronneau, malgré quelques demi-teintes
verdâtres, peut soutenir hardiment la comparaison. Ce surtout noir
qui, paraît-il, était un piège, est exécuté de main de maître, et vaut
bien l’habit bleu de roi de l’autre; enfin l’animation et l’air sarcas-
tique qu’il a donnés à la physionomie devaient être plus vrais que le
visage calme et reposé dont La Tour s’est gratifié ce jour-là.
Il faut le dire bien haut, d’ailleurs, cette exposition est une sorte
de révélation du talent de Perronneau. Jusqu’ici, cet artiste de grand
mérite était resté peu connu, plutôt que méconnu. Et puis, de son
temps, la gloire de son grand contemporain l’écrasait, l’éclipsait à
Paris. Il en fut réduit à voyager, à se faire le commis-voyageur du
portrait au pastel, portant son talent de ville en ville, et laissant
tantôt à Orléans, tantôt à Lyon, Bordeaux, Abbeville ou Amsterdam,
des preuves nombreuses de son habileté. Les deux magnifiques por-
traits de M. et de Mme Olivier, rapportés récemment de Marseille,
peuvent soutenir la comparaison avec n’importe quelles œuvres
pour leur exécution toute de verve et de libre facture. Ils nous
forcent à comparer les deux maîtres que les hasards de cette exposi-
tion mettent en présence, et à leur trouver beaucoup plus de liberté
dans la manière et d’esprit dans la touche que dans les œuvres
voisines. La Tour reprenait souvent ses ouvrages, les retravaillait,
les polissait, et souvent les gâtait. Les visages de Perronneau
conservent toujours cette fleur, ce prime saut, cette fraîcheur, ce
prisme où se joue la lumière, qui sont les précieux apanages du
pastel. Si l’on passe aux vêtements, l’exécution de la robe à ramages
et des dentelles de Mme Olivier, dont l’agréable pose accoudée fait
valoir la main, laisse bien loin derrière elle l’ajustement sans accent
de Mlle Sallé qui dissimule les siennes dans ses manches, avec une
réserve par trop exagérée. Que l’on compare aussi le velours et la
main de M. Olivier avec les accessoires du portrait de M. de la
Reynière qui est voisin.
Ces portraits furent exposés par l’artiste au Salon de 1748, et
bien accueillis par la critique. « Qui peut aussi, dans le genre de
M. de La Tour, voler comme lui de merveilles en merveilles? Ce
sera M. Perronneau, s’il veut continuer ainsi qu’il a commencé. »
Regardez encore ce portrait de jeune garçon, la perle d’une
des plus belles collections parisiennes. Ce gamin au nez retroussé,
vrai type de petit Parisien à la mine éveillée, est, dit-on, le fils du
sculpteur Lemoine. L’artiste a-t-il enlevé avec assez d’esprit et de
verve ses traits délicats! Le nez, le front, les mèches blondes, les