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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 5
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Lostalot, Alfred de: Revue musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0473

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REVUE MUSICALE.

453

Le deuxième centenaire de la naissance de J.-S. Bach a été célébré, le
21 avril, par un magnifique concert que donnait, au Conservatoire, la
Concordia, société chorale d’amateurs. En outre des sociétaires, composés de
gens du monde, pour la plupart excellents musiciens et groupés autour
d’artistes d’un véritable talent tels que Mmi's Fuclis et Lalo, on y a
entendu MM. Delsart, Taffanel, Guilmant, Diémer et Rémy. L’orchestre était
conduit par M. Widor.

Au milieu du concert, M. Gounod est venu diriger en personne le célèbre
Prélude dont il a fait la transcription que l’on sait pour la plus grande joie
des personnes qui n’aiment pas la musique de Bach. Que dirait l’immortel
compositeur, cet homme de génie extraordinaire, qui créa de toutes pièces
l’encyclopédie d’un art dont il est l’un des primitifs, s’il pouvait entendreson
Prélude avec l’accoutrement mondain dont la main pieuse de M. Gounod l’a
revêtu? Imagine-t-on le David de Michel-Ange travesti en Jardinier Galant?
La « Méditation » de M. Gounod n’en a pas moins ravi l’auditoire; elle était
interprétée avec une justesse et un goût exquis par le violon de M. Rémy.
M. Widor jouait au piano les arpèges du Prélude, c’est-à-dire le Prélude
lui-même, l’œuvre-mère, que les chœurs, les parties d’orgue et d’orchestre
surajoutés par M. Gounod sont venus diluer et affadir au goût moderne,
qui ne serait probablement pas celui de Bach.

Il a été établi par l’accueil fait aux autres parties du programme que les
grandioses beautés de la musique du vieux maître n’ont pas besoin d’être
commentées et annotées pour être comprises ; il suffit de les mettre en lumière
par une exécution savante, irréprochable : c’est là que gît la difficulté.
Est-il dans l’art une pensée plus haute, plus émouvante que cette mélodie
de la suite pour orchestre en si mineur, transcrite pour violoncelle avec
accompagnement du quatuor de cordes? Magistralement interprétée par
M. Delsart, elle a fait comme toujours une impression profonde. La Cantate
et le Magnificat, exécutés intégralement et de la manière la plus satisfaisante
par les chœurs et les solistes de la Concordia, renferment des pages admirables.
Dans la Cantate, la voix fraîche et le talent distingué de Mme Fuclis ont fait
valoir le délicieux air de soprano : Jésus rient dans mon cœur ; puis on a
applaudi le duo d’alto et ténor, avec son merveilleux dialogue de hautbois
et de violon, chanté dans un style excellent par Mme Lalo et M. Gandubert
dont la voix délicate était cependant un peu écrasée par le contralto sonore
de sa partenaire. Le fameux choral, celui que Meyerbeer a emprunté à
Bach pour l’intercaler dans les Huguenots, a été bissé. Le Magnificat, œuvre
superbe d’un bout à l’autre, demanderait un examen approfondi ; on n’en
connaissait guère, jusqu’à présent, que le duo de ténor et alto : Et miseri-
cordia ; l’ensemble est digne de ce fragment célèbre.

La première audition de la Cantate et du Magnificat a mis en goût les
sociétaires de la Concordia et leurs auditeurs ; il est présumable qu’elle sera
suivie de plusieurs autres ; nous nous proposons de consacrer à ces chefs-
d’œuvre une étude plus respectueuse de leur valeur.

ALFRED DE LOSTALOT.
 
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