Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Peintures murales du Xe et du XIe siècle à l'ancienne Abbaye de Reichenau (île du lac de Constance)
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0479

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
PEINTURES MURALES D’OBERZELL.

459

La phase symbolique de la représentation du Jugement est abandonnée dès
longtemps lorsque le peintre de Reichenau s’essaye à montrer le drame tel qu’il
en prévoit la réalisation à la fin des temps. Son tableau se divise en trois registres
ou étages. Au plus bas les morts sortant de terre; dans la région moyenne les
anges sonnant de la trompette et au sommet le Christ dans l'auréole oblongue,
ayant à ses côtés Marie et un ange qui porte la croix. Au-dessous de l’image du
Christ-juge, une arcade plein cintre forme niche et contient un Christ sur la croix
entre Marie et Jean avec le Soleil et la Lune personnifiés.

Pour apprécier le chemin parcouru de l’an mille au xvie siècle, observe notre auteur,
il suffirait de contempler successivement la pauvre petite peinture de Reichenau et
la chapelle Sixtine. Certes il ne s’agit point de comparaison au point de vue du
beau. Mais au point de vue du sentiment chrétien, qui doit comprendre le pardon
avec la justice, le moine inconnu est davantage dans le vrai de la doctrine que le
sublime maître de la Renaissance. La logique de Part, l’unité d’effet, devait néces-
sairement amener à la longue le Jugement à n’être qu’une scène de désespoir, de
terreur et d’implacable vengeance; les horribles lueurs de l'enfer sont humai-
nement inconciliables avec toute image sympathique et doivent en effacer la
trace; mais la foi en l’éternel amour, créateur de l’éternel châtiment, selon la for-
mule de Dante, fut une croyance générale. Cette foi pouvait donc au xr siècle
inspirer une vision du jugement final où le salut et la merci fussent naïvement
exprimés en même temps que la condamnation sans appel.

Les œuvres imparfaites antérieures aux beaux siècles de l’art peuvent à bon
droit, sinon pour leur beauté absolue, du moins par leur âge, par leur caractère
d’inspiration spontanée et par plus d’un genre d’intérêt, nous faire ressentir la
vénération. Ce sentiment, qui est une émotion esthétique de l’ordre le plus élevé et
que notre époque éprouve, heureusement, de plus en plus, contribuera puissam-
ment, dans un prochain avenir, à la préservation des vieux monuments. Il est bien
tard pour quelques-uns. L’église de Reichenau, par exemple, appelle des répa-
rations urgentes, et sa décoration pittoresque est fatalement liée au sort de la
construction. Faisons des vœux pour que les travaux indispensables soient, comme
il y a heu de l’espérer, dirigés selon l’esprit de conservation et ne dégénèrent
jamais en restauration.

C. S.
 
Annotationen