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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 5
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Phillips, Claude: Correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0481

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CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE.

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surnaturelle qui parait émaner de leurs propres corps. Le premier groupe des
petits immortels devance les voyageurs et fait voir l’extase et l’orgueil du martyre;
celui du milieu, enlacé et enguirlandé de fleurs, exécute une danse mystique autour
des personnages sacrés ; puis, planant dans les airs, est un dernier groupe, les
Innocents qui, à peine réveillés à la vie nouvelle, n’ont pas encore secoué l’agonie
du trépas, et en portent encore les stigmates. Sous les pieds des martyrs coule
un ruisseau phosphorescent, d’où montent des bulles, entre les reflets étranges
desquelles on aperçoit vaguement des scènes ayant rapport à l’avènement du
Messie. Ces groupes des Innocents, justement admirés par Ruskin, sont l’attrait et
la partie la mieux réussie du tableau : dans leur danse rythmée, dans la variété
de leurs expressions et de leurs attitudes, ils rappellent les anges dansants de
Donatello, sculptés sur la chaire de Prato. Celui des petits saints qui secouent
lentement les douleurs terrestres, pour se réveiller à l’immortalité, est une belle
et originale inspiration. Cependant, quoiqu’on ne puisse refuser à cette composition
l’admiration que mérite un effort convaincu, une conception personnelle, il
est difficile de lui conserver le titre d’œuvre religieuse proprement dite : c’est
plutôt une fantaisie, brodée sur un thème religieux. D’un autre côté, le peintre a
rendu sa tâche plus ardue par le réalisme absolu, — la modernité même, •— qu’il
s’est efforcé d’atteindre dans toute une partie du tableau. Le paysage, fidèlement
copié sur ceux de la Palestine actuelle; le type de la Vierge, — une femme trop
mûre et d’un type oriental prononcé, —- et le saint Joseph, dont l’accoutrement de
charpentier est trop en évidence, tout cela rend le contraste entre la vision et la
réalité trop tranché et trop choquant. Ajoutons que les petits martyrs sont, comme
exécution, la partie la plus solide du tableau, étant bel et bien en chair et en os,
musculeux, et même un peu herculéens, qu’ils sont de plus très en évidence à
cause de la lumière vive qui les éclaire, et l’on comprendra facilement que les
disparates du sujet soient assez marquées. Ce tableau n’est pas du premier venu,
et, avec tous ses défauts apparents, qui sont bien les défauts propres à l’école à
laquelle appartient M. Holman Hunt, — et dont il est trop fier pour avoir jamais
voulu s’en corriger, — c’est une toile qui mérite d’être étudiée avec une grande
attention. Mais si c’est là, comme prétend le célèbre critique, le produit suprême
de l’art religieux de l’époque, il faut convenir que l’époque est, sous ce rapport,
plus à plaindre même que nous ne le croyions.

Une petite exposition d’un intérêt et d’un charme tout particuliers est celle
des dessins à l’aquarelle de Frederich Walker, ce jeune peintre décédé, il y a
quelque dix ans, qui promettait de devenir une des gloires de l’école anglaise, et
le fondateur d’un style nouveau pour nous. Sans imiter absolument Jean-François
Millet ni Jules Breton, il puisait à la même source vive de la nature vue dans son
aspect le plus noble et le plus vrai. Sans avoir la tragique puissance ni la largeur
de style du premier, il avait eu cependant ce rare mérite de cliercher dans
l’humanité de notre temps quelques-uns des principes du beau qui se révèlent dans
les œuvres de la Grèce. Seulement, le jeune peintre, qui lors de sa mort préma-
turée n’avait pas encore atteint l’apogée de son talent, ne possédait pas encore
au même degré que Millet l’art d’évoquer la nature, — et rien que la nature —
dans ses créations les plus nobles et les plus typiques. Walker avait le défaut,
dont il se serait sans doute corrigé, de trop laisser paraître dans ses œuvres les
 
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