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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Michel, André: Le salon de 1885, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0499

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LE SALON UE 1885.

479

Nous ne tenons pas à chagriner les admirateurs très nombreux
du talent de M. Bouguereau et nous n’avons pas la prétention de
l’émouvoir par des critiques qu’il n’a ni le goût ni le loisir de lire. Sa
production impassible et infatigable n’a jamais connu d’hésitation ni
d’arrêt; ce qu’il a fait depuis son premier concours pour le prix de
Rome, il le fera jusqu’à la fin, sans lassitude et sans remords! 11
laissera ainsi l’œuvre le plus considérable peut-être qu’aucun artiste
ait jamais produit; mais, dans cette longue suite de tableaux, on
cherchera vainement, sous la conduite automatique d’un pinceau
merveilleusement dressé, un trait de nature ou un accent d’émotion...
Nymphes païennes ou vierges chrétiennes, Christs à la colonne ou
satyres dansants, ce seront toujours les mêmes galbes, la même élé-
gance uniforme, les mêmes sourires bien appris, les mêmes draperies
et les mêmes muscles passés au petit fer, si bien que, fatigué de cette
horripilante perfection, on en vient à souhaiter quelque grosse
incorrection, quelque faute bien authentique, la trace d’une surprise,
— d’un tremblement de la main, — la preuve enfin qu’on est bien en
présence d’un homme.

Il est terrible pour une École d’en arriver à cette virtuosité dans
le formalisme vide; rien n’indique plus sûrement la dernière évolu-
tion d’un système d’art. Au fond, c’est, dans un autre domaine, un
retour pur et simple aux stériles exercices de la scolastique vieillie.
On en arrive aux moules à tableaux, aux machines à peindre comme
Raymond Bulle fabriquait des machines à raisonner; tout est prévu
et résolu à l’avance ; l’âme et la vie sont également absentes d’œuvres
ainsi produites : c’est le triomphe de la formule; la « Chimœra
bombynans in vacno. »

VI.

Revenons dans le monde des vivants : la poésie est une fleur
vivante, ce n’est pas dans les herbiers qu’on la trouve. Nous aurons
plus de chances de la cueillir dans la nature, au détour de quelque
sentier solitaire, dans un de ces humbles réduits où les rayons du
soleil et les oiseaux du bon Dieu pénètrent fraternellement. —
Hélas! elle est bien rare, au palais des Champs-Élysées, cette fleur
de poésie : en voici pourtant, sur deux tiges bien différentes, deux
boutons frais éclos, où vous reconnaîtrez son parfum pénétrant et
discret.

C’est d’abord dans une chambre pauvrement meublée ou pour
 
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