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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
qui souffle où il veut, ne passe plus dans les ateliers où se fabriquent
à grand renfort de tubes d’empois les tableaux dits religieux.
Quant au grand art, nous nous sentons impuissant à louer
dignement le Droit moderne de M. Landelle; la Fête en l'honneur
de Thésée de M. Glaize; le Printemps sacré de M. Lucas; la Sainte
Madeleine de M. Lematte; Saul et la Pythonisse de M. Robaudi: la
Mort de Corvée de M. Maillart; les Titans luttant contre Jupiter de
M. Henri Martin; la Cascade de M. Mazerolle ; Après le combat de
M. Lelioux. Prenons donc notre parti d’une infirmité décidément
incurable et que le lecteur indulgent, sinon compatissant, nous
permette de marcher un peu à l’aventure dans ces interminables
galeries, où peut-être il a déjà renoncé à nous suivre; nous y
cherchons des œuvres et des hommes, plutôt que des formules.
Nous aimons dans M. Roll une belle sincérité et une vaillance de
peintre qui d’année en année s’affirment par des œuvres inégales,
mais pleines de bonne foi, de force et de santé. Ce n’est pas un rêveur,
par exemple, et sa qualité maîtresse parait être plutôt la volonté.
Le premier maître auquel il s’adressa fut, croyons-nous, Géricault.
Depuis ces débuts, certaines bacchantes aux carnations fleuries,
opulentes et blondes, F ayant conduit chez Rubens et même chez
.Jordaens, il a éclairci sa palette; mais il 11e copie personne et il est
resté un grand amoureux de la Vie, de la vie en mouvement et en
action. On se souvient, sans que nous ayons besoin de les rappeler
autrement qu’en les nommant, de la Scène d'inondation, de la Grève,
du Cortège de Silène, de la Fête du 14 juillet ; il expose cette année
deux grands tableaux : le Travail (Chantier de Suresnes) et l'Etude.
Le titre même choisi par le peintre pour la première et la plus
grande de ses grandes toiles contient une double indication. L’idée
mère du tableau, semble-t-il dire, a été, dans l’esprit de l’artiste,
le désir d’exprimer et de montrer le Travail, la vie dure et pénible;
seulement, comme les généralisations symboliques 11e sont pas son
affaire et qu’une figure d’homme ou de femme nue, accoudée sur un
marteau ou une pioche, les yeux levés au ciel, n’eût traduit qu'im-
parfaitement ce qu’il avait à dire, il a porté sur la toile, dans son va-
et-vient, son éparpillement et sa vérité vue, les travaux d’un chantier,
bien connu de lui. Au premier plan, des manœuvres charrient des
moellons, des tailleurs de pierre sont à l’œuvre, des terrassiers et des
charpentiers établissent péniblement une poutre d’étai ; plus loin
des charretiers conduisent de robustes percherons, la marchande
ambulante de café vient relancer ses clients sur le terrain, un
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
qui souffle où il veut, ne passe plus dans les ateliers où se fabriquent
à grand renfort de tubes d’empois les tableaux dits religieux.
Quant au grand art, nous nous sentons impuissant à louer
dignement le Droit moderne de M. Landelle; la Fête en l'honneur
de Thésée de M. Glaize; le Printemps sacré de M. Lucas; la Sainte
Madeleine de M. Lematte; Saul et la Pythonisse de M. Robaudi: la
Mort de Corvée de M. Maillart; les Titans luttant contre Jupiter de
M. Henri Martin; la Cascade de M. Mazerolle ; Après le combat de
M. Lelioux. Prenons donc notre parti d’une infirmité décidément
incurable et que le lecteur indulgent, sinon compatissant, nous
permette de marcher un peu à l’aventure dans ces interminables
galeries, où peut-être il a déjà renoncé à nous suivre; nous y
cherchons des œuvres et des hommes, plutôt que des formules.
Nous aimons dans M. Roll une belle sincérité et une vaillance de
peintre qui d’année en année s’affirment par des œuvres inégales,
mais pleines de bonne foi, de force et de santé. Ce n’est pas un rêveur,
par exemple, et sa qualité maîtresse parait être plutôt la volonté.
Le premier maître auquel il s’adressa fut, croyons-nous, Géricault.
Depuis ces débuts, certaines bacchantes aux carnations fleuries,
opulentes et blondes, F ayant conduit chez Rubens et même chez
.Jordaens, il a éclairci sa palette; mais il 11e copie personne et il est
resté un grand amoureux de la Vie, de la vie en mouvement et en
action. On se souvient, sans que nous ayons besoin de les rappeler
autrement qu’en les nommant, de la Scène d'inondation, de la Grève,
du Cortège de Silène, de la Fête du 14 juillet ; il expose cette année
deux grands tableaux : le Travail (Chantier de Suresnes) et l'Etude.
Le titre même choisi par le peintre pour la première et la plus
grande de ses grandes toiles contient une double indication. L’idée
mère du tableau, semble-t-il dire, a été, dans l’esprit de l’artiste,
le désir d’exprimer et de montrer le Travail, la vie dure et pénible;
seulement, comme les généralisations symboliques 11e sont pas son
affaire et qu’une figure d’homme ou de femme nue, accoudée sur un
marteau ou une pioche, les yeux levés au ciel, n’eût traduit qu'im-
parfaitement ce qu’il avait à dire, il a porté sur la toile, dans son va-
et-vient, son éparpillement et sa vérité vue, les travaux d’un chantier,
bien connu de lui. Au premier plan, des manœuvres charrient des
moellons, des tailleurs de pierre sont à l’œuvre, des terrassiers et des
charpentiers établissent péniblement une poutre d’étai ; plus loin
des charretiers conduisent de robustes percherons, la marchande
ambulante de café vient relancer ses clients sur le terrain, un