Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Michel, André: Le salon de 1885, 2
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0514

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
494

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

lerie et, par la fenêtre entr’ouverte, l’hôtesse arrogante le congédie
d’un geste. C’est peu de chose et c’est charmant. C’est que le
dessin, la couleur, la touche restent dans un rapport exquis avec
l’esprit de la naïve complainte; un peu plus d’insistance sur un seul
trait, et le charme était rompu; mais ce mot de trop, le peintre ne l’a
pas dit.

M. Gaillard, absorbé dans ses grands travaux de gravure, n’a pas
le loisir de prendre ses pinceaux chaque fois qu’il en aurait envie.
Sans afficher la prétention de renouveler le sujet, il expose une
Vierge au lis d’exécution précieuse et de sentiment tendrement ému.
La tète de l’enfant, qui joue avec la main de sa mère, et le clair
paysage encadré dans la fenêtre ouverte font penser à Fiesole, tandis
que la Vierge elle-même a l’ampleur grave et douce des madones du
xvie siècle. Une lumière d’un blond vermeil entre doucement dans
cet oratoire recueilli et enveloppe de ses rayons caressants la mère
qui rêve et prie, l’enfant qui sourit en jouant.

Il y a dans la peinture de M. Ary. Renan un reflet des primitifs.
Le désir l’a pris — désir bien naturel — d’aller faire à son tour un
pèlerinage en Sjmie et en Palestine, et son envoi de cette année est
daté de la « terre d’Adonis, près de la sainte Byblos et des eaux
sacrées où les femmes des mystères antiques venaient mêler leurs
larmes », et où de chers et grands souvenirs l’attendaient.

On connaît la légende antique. Adonis n’avait reçu des dieux
qu’une existence éphémère; «à la fin de l’été, quand les plantes
brûlées par les feux solaires se dessèchent et penchent vers le sol
leur tige flétrie», le beau jeune homme s'en allait vers le monde
invisible. Des rives de la Syrie aux côtes de l’Afrique, les femmes
pleuraient le dieu mort avec des cris aigus. C’est la scène qu’a
évoquée M. Ary. Renan. La mer, d’un bleu de saphir sous un ciel de
turquoise, vient mourir sur un rivage brûlé; au premier plan, des
roseaux et quelques plantes maigres se dressent dans la sérénité
ardente du jour; les eaux rares du fleuve semblent dormir, — et, çà
et là, debout sur le sable roux ou couchés dans les roseaux, appa-
raissent, comme des êtres de rêve, les femmes de Bjdjlos. On ne
saurait exprimer avec une plus pénétrante délicatesse la mélancolie
dans la lumière. Ce paysage, que l’on m’a d’ailleurs assuré être d’une
exactitude photographique, est pénétré d’un sentiment très personnel
et s’enfonce dans les yeux et le souvenir. Il serait très facile de
chicaner l’auteur sur ses figures, dont le dessin est loin d’être
orthodoxe; mais malgré leur incorrection, elles sont expressives et se
 
Annotationen