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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 6
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Mantz, Paul: Les portraits du siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0523

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LES PORTRAITS DU SIÈCLE.

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que le laborieux vieillard n’est mort qu’en 1875. Les Pickersgill 11e
sont pas rares : on a fait le compte des peintures qu’il a exposées à
la Royal-Academy, et on est arrivé à un total effrayant, 363. C’est
trop. Nous ne savons si ce dénombrement comprend les portraits de
Cuvier et de La Fayette qu’on peut voir à l’École des beaux-arts. Ce
sont des œuvres médiocres et sans flamme.

A'côté de ces Angdais, très séduisants et très instructifs, la criti-
que doit placer le dernier des grands peintres espagnols, Francisco
Goya. Les portraits qu’on a pu se procurer à Paris nous étaient
connus. Mais comment ne pas saluer avec joie celui de la jeune fille
de l’artiste, assise et tenant à la main deux roses (cabinet de la
baronne N. de Rothschild)? Commentpourrait-on retrouver sans plaisir
la Bru du peintre, dont Jacquemart a fait autrefois pour la Gazette
une fine estampe, et enfin le fameux Jeune homme en habit gris, de la
collection deM. F. Bischofsheim? Nous l’avions vujadisà Madrid chez
M. de Salamanca, cet élégant dont l’attitude et le costume font songer
aux incroyables de Carie Yernet, mais sans éveiller dans l’esprit la
moindre idée caricaturale. Goya a exprimé tout un caractère dans la
pose nonchalante de ce jeune godelureau qui accepte la vie avec
indifférence et ne paraît pas devoir l’utiliser beaucoup. Il est content,
ce camarade d’Irus, car son habit lui va bien. Grâce à la belle har-
monie des gris tour à tour pâles ou légèrement réchauffés, cette
peinture est d’une parfaite délicatesse. C’est un des aspects du talent
de Goya.

Et, en effet, ce Goya, qu’011 croit connaître et saisir, est une
sorte de Protée qui se modifie sans cesse et qui vous échappe dans la
diversité ondoyante de ses manières. Une seule aurait pu suffire,
mais il les a toutes. Parfois il semble avoir connu Prud’hon et,
abandonnant les procédés brusques et frénétiques, il a cherché des
douceurs caressantes. Parfois, il s’abandonne à sa verve et obéit à
l’exaltation du pinceau. Mais à l’École des beaux-arts, Goya se
révèle comme un portraitiste sage, assidu â exprimer le caractère
individuel et la grâce exotique des types. La souplesse de son talent
dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Au retour d’un voyage en
Espagne, on voit en lui un peintre qui a été préoccupé et comme
charmé par ses contemporains. On dirait qu’il a songé à Greuze, à
Fragonard, â David, à Prud’hon, et qu’il les invite à communier dans
le culte de son grand ancêtre, Yelazquez. Mais Goya, resté maître de
son génie personnel, a toujours conservé l’originalité suprême.

Et maintenant entrons en France. Il nous faut revenir sur le
 
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