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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 31.1885

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Nr. 6
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Berggruen, Oskar: Société de gravure de Vienne - La vente Makart: correspondance de Vienne
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https://doi.org/10.11588/diglit.24592#0560

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538

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

voyageur qui se respectait, allait voir cette curiosité de Vienne, accessible à tout
le monde. L’atelier se trouvait dans un petit immeuble appartenant à TÉtat, que
la faveur de l’empereur avait mis à la disposition de l’artiste. Une maisonnette à
côté de l’atelier avait été transformée par Makart en un charmant petit nid pour
ses enfants qui y vivaient avec la mère de l’artiste depuis la mort de sa première
femme. Un jardin entourait les deux maisons voisines situées dans une espèce de
cité peu fréquentée quoique bien rapprochée du centre de la ville; un mur assez
élevé les cachait tellement que l’artiste aurait pu vivre dans son petit domaine
comme la Belle au bois dormant. Mais tel n’était pas le désir du peintre et, pendant
des années, l’atelier de Makart fut fréquenté par tous les artistes, par tous les
passants de marque, par des hommes du monde, voire même par certaines grandes
dames. Dans cet atelier, l’artiste donnait des hais costumés restés légendaires, pour
lesquels il indiquait et dessinait les costumes; mainte grande dame y portait des
costumes appartenant à l’artiste et endossés le jour précédent ou suivant par un
modèle. Ces fêtes ont cessé, hélas 1 depuis deux ans, après le regrettable second
mariage de l’artiste avec une ancienne danseuse, mariage qui n’avait même pas
l’excuse de légitimer une ancienne liaison. Makart avait perdu, par ce mariage
incompréhensible et conclu à l’insu de ses amis les plus intimes et les plus dévoués,
la position sociale exceptionnelle dont il jouissait, et son atelier avait été délaissé.

Bientôt, toute trace de ce lieu charmant aura disparu, car on vient de percer
une rue à travers la cité et l’État reprendra son immeuble pour le démolir et en
vendre le vaste terrain. Avec la construction, disparaîtra à jamais un chef-d’œuvre
de l’art décoratif, l’intérieur du grand et du petit atelier de Makart. La valeur
intrinsèque des objets que l’artiste avait amassés pendant quinze ans d’une brillante
carrière et d’une vogue sans précédent en Autriche n'était pas considérable. Makart
n’avait pas du tout le flair d’amateur expert et encore moins celui de brocanteur;
il achetait ses objets quand ils se prêtaient à la décoration de l’atelier, sans se
préoccuper de leur degré de valeur ou de rareté et surtout sans marchander. Les
marchands savaient cela et l’artiste faisait leur joie quand il entrait pour faire
l’acquisition d’un objet d’art qui avait attiré son attention. Aussi, ce vaste et
merveilleux atelier contenait bon nombre da natures mortes composées avec le plus
grand goût et le plus grand sentiment artistique, mais très peu d’objets d’une
valeur considérable, et nous connaissons, rue de Yillejust, plus d’une vitrine de la
collection Spitzer qui suffirait à elle seule pour payer tout l’atelier de Makart. La
vente qui vient d’avoir lieu a marché lentement et une douzaine de vacations n’ont
produit que 300,000 francs environ. Défalcation faite du produit des tableaux,
esquisses et dessins du maître, la collection Makart rapportera à peine 250,000 francs.
Il est vrai que la veuve de l’artiste a emporté plusieurs de ses tableaux et bon
nombre d’objets d’art d’une certaine valeur, que Makart lui avait donnés de son
vivant. Cette modeste somme de 250,000 francs est presque le seul patrimoine que
Makart laisse à son fils et à sa fille, après vingt ans d’un travail incessant, et après
avoir acquis depuis longtemps une réputation, surfaite sans contredit, mais
pourtant basée sur des qualités rares et précieuses. Bien ne survivra de l’ancien
atelier Makart, que le splendide catalogue illustré que l’expert, M. Miethke, a
publié sous la direction de l’architecte M. Streit, auquel Makart a confié la tutelle
de ses enfants et qui s’est acquitté de cette liquidation difficile avec un zèle et un
savoir-faire hors ligne.
 
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