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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 1
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Babin, Gustave: Madame de Senonnes par Ingres
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0029

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MADAME DE SENONNES PAR INGRES

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pis si les vers de l'abbé Delillc ou de M. Baour-Lormian, qui suffi-
raient à traduire leur langage, ressemblent à de la prose !

Ce portrait a été peint à Rome, en 1814 exactement, ainsi
qu’en fait foi une lettre dans laquelle le peintre annonce que le
tableau figurera au Salon de cette même année, laissant percer
l’espoir qu'il y sera remarqué.

C’était l’époque où Ingres faisait d’abondants portraits. Ses bio-
graphes nous racontent que, peu fortuné, il accueillait, d’ailleurs,
sans nul empressement, mais contraint par la nécessité, les touristes
et les désœuvrés qui affluaient, comme aujourd’hui, dans la Ville
Eternelle et que lui amenait, moyennant commission, je ne sais quel
domestique de place, cicerone et interprète. Dessins au crayon, pour
la plupart, portraits à bon marché. Il prenait huit écus pour un
buste, dit M. le vicomte Henri Delaborde, douze écus pour un por-
trait en pied. 11 en dessina ainsi, assure-t-on, trois cents pour
gagner huit mille francs. Encore paraît-il qu’il ne fut pas toujours
payé rubis sur l’ongle. Lorsque, le portrait de Mme de Senonnes
entré au Musée de Nantes, on en discuta l’authenticité, Ingres
écrivit une lettre -— disparue des archives, au surplus — pour en
revendiquer la paternité ; il déclarait qu'une somme de quinze louis,
qui lui restait due sur cette superbe toile, quand elle fut achevée, ne
lui avait jamais été soldée. Les temps sont bien changés, pour nos
« jeunes maîtres » !

Ce chef-d’œuvre, comme tant d’autres, a toute une histoire, une
légende, pourrais-je dire, car beaucoup de points sont aujourd’hui
difficiles à vérifier.

Ainsi je n’ai pu savoir d'une façon certaine ce que faisait exac-
tement à Rome le vicomte Alexandre de Senonnes, le mari du modèle.
Il appartenait, à ce qu’on aftirme, à l’administration des Beaux-Arts.
C’était le cadet d'une grande famille du Maine. Son frère, Pierre de
la Motte-Baracé, marquis de Senonnes, riche et bien all ié, occupait à
Angers, où il s’était fixé et où il mourut, une enviable situation.
Lui-même remplie sous la Restauration, les fonctions de secrétaire
général des Musées royaux.

Un beau jour, le vicomte de Senonnes s’éprit d’une jeune fille
qui n’était ni de son monde, ni de son rang. Une ballerine, disent
les uns; une fille du peuple, en tout cas ; et dans la salle, le plus sou-
vent déserte, qui abrite, à Nantes, le mystérieux portrait, j’ai bien
souvent rêvé à cet attachant roman d’amour : le jeune homme ren-
contrant^ quelque soir, au hasard d’une promenade par le ïranste-
 
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