L'ATELIER DE M. RODIN
423
Jamais on ne verra une tonne
ou une douve percée comme un
esprit que je vis fendu depuis le
. . Dessin rte M. A. Rortin.
menton jusque sous le ventre;
Ses boyaux pendaient sur ses jambes; on voyait le cœur en mouve-
ment, et le triste sac où la fiente humaine se fait de ce qu’on a\ale...
tous les gestes de la souffrance : les gourmands errant sous « la pluie
éternelle, maudite, froide et lourde »; les hérétiques plongés dans
des tombes de feu; les suicidés emprisonnés dans des arbres et dans
des buissons; les séducteurs fustigés par des démons; les devins,
qui marchent à reculons, le
visage tourné vers le dos ; les
voleurs piqués par des serpents.
Et puis encore, parmi cette
foule anonyme, des figures que
la tradition ou l’histoire ont
consacrées: Francesca et Paolo,
les deux ombres toujours unies,
que « de si douces pensées et de
tels désirs ont conduites au pas
douloureux » ; le Navarrais
Giampolo, qui trafiquait des
bonnes grâces de son maître ;
le grand Farinata, patriote et
hérétique ; Vanni Fucci, qui
invectiva Florence; Guido de
Montefeltre, que l’intervention
de saint François ne put sauver
des « noirs chérubins », car il
avait donné un conseil fraudu-
leux ; Mahomet, dont le sup-
plice est décrit en deux inou-
bliables terzine :
Et Ugolin, dévorant le crâne de l’archevêque, et Judas et Fucifer...
...Et enfin nous sortîmes pour revoiries étoiles...
Tous ces motifs, et d’autres encore plus étranges, M. Rodin les
a d’abord cherchés. Parmi ses dessins1 — indications rapides, en quel-
1. Ces dessins ont été récemment publiés en un magnifique recueil : Les
Dessins d'Aurjustc Rodin, 129 pl. comprenant 142 dessins en fac-similé, par la maison
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Jamais on ne verra une tonne
ou une douve percée comme un
esprit que je vis fendu depuis le
. . Dessin rte M. A. Rortin.
menton jusque sous le ventre;
Ses boyaux pendaient sur ses jambes; on voyait le cœur en mouve-
ment, et le triste sac où la fiente humaine se fait de ce qu’on a\ale...
tous les gestes de la souffrance : les gourmands errant sous « la pluie
éternelle, maudite, froide et lourde »; les hérétiques plongés dans
des tombes de feu; les suicidés emprisonnés dans des arbres et dans
des buissons; les séducteurs fustigés par des démons; les devins,
qui marchent à reculons, le
visage tourné vers le dos ; les
voleurs piqués par des serpents.
Et puis encore, parmi cette
foule anonyme, des figures que
la tradition ou l’histoire ont
consacrées: Francesca et Paolo,
les deux ombres toujours unies,
que « de si douces pensées et de
tels désirs ont conduites au pas
douloureux » ; le Navarrais
Giampolo, qui trafiquait des
bonnes grâces de son maître ;
le grand Farinata, patriote et
hérétique ; Vanni Fucci, qui
invectiva Florence; Guido de
Montefeltre, que l’intervention
de saint François ne put sauver
des « noirs chérubins », car il
avait donné un conseil fraudu-
leux ; Mahomet, dont le sup-
plice est décrit en deux inou-
bliables terzine :
Et Ugolin, dévorant le crâne de l’archevêque, et Judas et Fucifer...
...Et enfin nous sortîmes pour revoiries étoiles...
Tous ces motifs, et d’autres encore plus étranges, M. Rodin les
a d’abord cherchés. Parmi ses dessins1 — indications rapides, en quel-
1. Ces dessins ont été récemment publiés en un magnifique recueil : Les
Dessins d'Aurjustc Rodin, 129 pl. comprenant 142 dessins en fac-similé, par la maison