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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 4)

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Tardieu, Charles: La peinture à l'exposition universelle de 1878 [1]: L'école néerlandaise
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https://doi.org/10.11588/diglit.16911#0056

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40 L'ART.

du vieux temps. Ces grotesques truands qu'immortalisèrent, indépendamment des Teniers, tant de
grands petits maîtres de la peinture néerlandaise, menaient une vie de Cocagne dans ces masures
enfumées, où les Ostade, les Cornélis Dusart, les surprenaient dans les attitudes les plus
débraillées. Ce n'étaient que franches lippées. Fumer la pipe de terre, caresser Hille Bobbe, cette
Maritorne nationale, « vuider les pots », et le reste, ainsi se passait l'existence, plus douce à la
canaille d'alors qu'aux prolétaires d'aujourd'hui. Celle des héros de M. Israels est moins folâtre,
mais plus touchante, plus sympathique. Ils nous amusent peut-être moins, mais ils nous intéressent
davantage. Ce n'est pas en vain que nous vivons dans le siècle de la question sociale, et il serait
à désirer que cette question-fantôme qu'on évite partout, qui partout nous poursuit, fût résolue
dans un sens conforme aux indications du peintre. Il semble, en effet, d'après ses tableaux, que
le cabaret perde du terrain et que la famille en gagne.

« M. Israels est le peintre de nos familles pauvres, et si j'ai parlé de question sociale, c'était
pour souligner un contraste avec le passé et non pour poser l'artiste en réformateur et attribuer
à son pinceau je ne sais quel apostolat. Rien ne serait plus éloigné de la vérité. M. Israels est
avant tout et exclusivement peintre. Ne lui reprochez pas les mélancolies qui l'attirent. Félicitez-le
plutôt d'avoir ajouté une note au clavier du pittoresque, en admettant aux honneurs de la
peinture toute une classe de déshérités, et reconnaissez que cette note il la fait vibrer tour à tour
avec une mystérieuse douceur ou avec une profonde intensité. Il est vrai qu'il a pour les drames
poignants, pour les angoisses et les agonies du pauvre une prédilection toute particulière, mais
parfois cependant la tristesse qui domine son œuvre se détend et se fond en un sourire qui a de
la grâce et du charme, sinon beaucoup de lumière et de gaieté. Rappelez-vous ses Orphelines de
Kahvyk, cette « maison tranquille » qui fut un des succès du Salon de 1866 et de l'Exposition
universelle de 1867, un petit tableau gris, calme, résigné, mais en somme heureux et souriant.
Ce sourire s'épanouit ici même dans la Fête de Jeanne et le Dîner des savetiers, tandis que les
Pauvres du village et Seule au monde, nous montrent l'Israels des misères et des larmes, je
dirais l'Israels classique, s'il y avait rien de classique dans ce talent essentiellement intime qui
est bien de son pays et de son temps.

« Mais quoi, je vais, je vais et vous ne répondez rien... »

Pour le coup je tenais ma vengeance. Le docteur n'en pouvait plus. Mais je ne voulus pas
abuser de la situation, et lui serrant la main je me bornai à lui dire : « Non, cher docteur, je
ne vous réponds rien, mais je vous remercie. Mon article est fait. »

Charles Tardieu.

1. Voir dans l'Art, re année, tome III, page 54, le croquis de l'artiste d'après ce tableau.

MÉDAILLON

Composé par Ranson et gravé par Berthault.
 
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