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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 4)

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Soldi, Émile: Exposition universelle de 1878 (Salle des missions scientifiques): L'art au musée ethnographique
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https://doi.org/10.11588/diglit.16911#0181

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EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878.

(SALLE DES MISSIONS SCIENTIFIQUES)

L'ART AU MUSÉE ETHNOGRAPHIQUE

(suite et fin.)

III

AMÉRIQUE PÉROU., MEXIQUE, JUCATAN

• Tel outil, tel dieu, l'un faisant l'autre. «

La plus grande salle du muse'e contenait la collection rap-
portée par M. Wiener à la suite de la mission accomplie par lui
en 1875-76-77 au Pérou et en Bolivie pour le ministère
de l'instruction publique. On a revu cette collection à
l'Exposition universelle, principalement dans la salle des mis-
sions scientifiques, dans les vitrines de la salle américaine au
Trocadéro, et à l'exposition du Pérou et de la Bolivie au Champ-
de-Mars. Près de quatre mille pièces de tous genres ont été réunies
par ce voyageur, et un ensemble aussi complet a permis, pour la
première fois en France, d'apprécier et d'étudier la civilisation
incasique et même celle qui lui fut antérieure.

Les deux salles suivantes n'étaient pas moins importantes :
l'une, grâce à la science et au dévouement de M. Alphonse
Pinart, était remplie d'une réunion unique d'œuvres d'art pro-
duites par les anciennes tribus qui se partageaient le Mexique
avant la conquête ; l'autre salle donnait les premiers éléments
d'études archéologiques pour la Colombie et l'Equateur, c'est-à-
dire les premiers spécimens de la sculpture toute particulière
des anciens Indiens andaquiés, spécimens provenant de la belle
exploration de M. Edouard André, œuvres curieuses qui mé-
riteraient d'être examinées à part.

Grâce aux collections de ces voyageurs, contenant depuis la
terre cuite la plus primitive jusqu'au vase le plus splendidc,
depuis l'arme de bois à peine dégrossie jusqu'aux tissus les plus
simples ou les plus brillants, depuis l'objet préhistorique dont
on ne saurait préciser la date à dix siècles près jusqu'à l'objet
préhistorique contemporain, cet ensemble tel qu'il est, recueilli
sur cette immense route par les savants français, représente
tout le Pérou et le Mexique. C'est avec lui que l'histoire com-
plète de ces curieux pays entre dans nos musées. En les ma-
riant aux collections qu'elle possède déjà, la France n'a plus à
craindre aucune compétition. Presque aussi riche que l'Angle-
terre et l'Allemagne, plus riche que tous les musées sud-
américains réunis, le musée américain-français, si jamais il est
reconstitué, pourra être considéré d'avance comme un des plus
complets qui existent.

Les nombreux éléments d'étude qu'il renferme ont démon-
tré qu'aucun peuple de l'antiquité n'a employé dans la sculpture
des matériaux aussi différents que les diverses peuplades de
l'Amérique. On trouve tour à tour dans la statuaire transatlan-
tique des œuvres exécutées dans les substances suivantes que
nous classons en dix catégories :

1" Les pierres fines, telles que le jade de diverses teintes,
l'obsidienne, la chalchinite ; 2° les pierres dures, le granit gris,
noir, rose ; le porphyre, la serpentine, le basalte et le teotell ou
pierre divine, sorte de jaspe noir; 3° les pierres tendres, cal-
caires de diverses matières; 4° l'or, l'argent et le cuivre; 50 le

bois; 6° le plâtre seul ou mélangé de cailloux; 70 le stuc;
8" la terre cuite; 90 les chiffons; io° le maïs.

Et d'abord, on nous permettra d'admettre a priori l'instinct
artistique des races indigènes de l'Amérique, même de celles
dont il ne nous reste que des essais relativement barbares.

Il y a peu de temps, nous exécutions la statue d'un petit
Péruvien que M. Wiener a ramené des environs de Cuzco,
et dont les traits caractéristiques attestent . la pureté de
race 2. Le petit garçon, à peine âgé de douze ans, s'amusa,
pendant un moment de repos, à prendre de la terre glaise dont
nous nous servions pour travailler, et à en former des séries de
petites figurines ronde-bosse véritablement extraordinaires pour
un enfant de cet âge. Les bœufs aux longues cornes, les moutons,
les oiseaux aux ailes déployées se succédaient sous ses mains
avec une justesse de proportions, de vérité, de détails observés
qui ne laissaient réellement à désirer qu'un peu plus de mou-
vement dans les attitudes et de métier chez le sculpteur, pour
lui permettre de bien les terminer. Notre petit Péruvien se ser-
vait de la main gauche et modelait sans hésitation, avec une
très-grande vitesse. Le berger ne tarda pas à rejoindre le trou-
peau. Le tout fut ensuite posé dans un bateau parfaitement gréé
et qui aurait été capable de mener l'équipage à bon port, si le
petit artiste, mobile dans ses idées, n'eût brusquement changé
la scène. Le mât du bateau devint une perche, dont les branches
transversales portèrent les animaux. Deux d'entre eux, les plus
hauts, semblaient même vouloir se combattre. L'oiseau vola
sur le dos du bœuf, et le berger, désormais sans emploi, devint
un guerrier formidable, aux gros yeux et aux grandes mousta-
ches qui donnaient à son énorme tète une expression terrible.
Derrière lui une petite femme, une captive sans doute, le sui-
vait, portant ses enfants sur ses épaules. Ainsi, les sujets les plus
variés, les plus vrais, comme les plus fantasques, étaient rendus par
les mains pourtant inexpérimentées de cet enfant. L'intelligence
que témoignait, du reste en cela comme en toute chose, ce fils
de pauvres habitants d'un des villages les plus misérables du
Pérou, nous fit comprendre que la race à laquelle il appartient
avait dû aimer et cultiver les arts avec profit, avant que la
conquête n'eût fîfit peser sur leur esprit quatre siècles de
misère et d'esclavage.

Il est certain que les beaux-arts ont été particulièrement
encouragés dans l'ancienne Amérique. On sait que les sculp-
teurs et les architectes mexicains, exempts de divers impôts,
formaient une classe privilégiée, de même que les peintres ou,
plutôt les hiérogrammates.

Les auteurs indigènes nous apprennent que les rois de
Tenotchitlan et de Tezcuco daignaient diriger leurs travaux et
que le fils d'un des souverains les plus célèbres du xvc siècle, le
prince Kuetzin était un des meilleurs statuaires de son pays.
Et alors qu'aucun nom d'artiste assyrien ni égyptien ne nous
est parvenu, nous connaissons les noms de Zilomantzin et de

1. Voir l'Art, 4" année, tome I", page jo;, et tome III, page 23 I.

2. Cette statue a été placée depuis au milieu de la salle du Pérou à l'Exposition universelle.
 
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