Façade de l
Gravure tirée de
'Hôtel de Ville sous Louis XIil.
Paris à travers les âges ; Paris, Didot.
NOTRE BIBLIOTHEQUE
cxv
Paris a travers les âges, aspects successifs des monuments et
quartiers historiques de Paris depuis le xnr3 siècle jusqu'à
nos jours, fidèlement restitue's d'après les documents authen-
tiques, par M. F. Hoffbauer, architecte. — Texte par
MM. Ed. Fournier, Paul Lacroix, A. de Montaiglon,
A. Bonnardot, j. Cousin, A. Franklin, Valentin Dufour, etc.
Librairie Firmin-Didot, 1875-1878, livraisons I-VI, in-folio.
« Ce qui de'goûte de l'histoire, disait l'aimable marquise de
Se'vigné, c'est de penser que ce que je vois aujourd'hui sera de
l'histoire un jour. » Que voilà bien, dans sa sincérité piquante,
un sentiment humain ! Nous allons et venons par la ville, nous
bâtissons des maisons, nous y donnons des fêtes, nous passons
nos journées dans les monotones soucis d'une existence vulgaire,
ou bien nous poursuivons fiévreusement d'aventureuses chimè-
res ; nous nous abandonnons au courant qui nous entraîne.
Tout cela sans songer que l'histoire, comme un greffier impassi-
ble enregistre nos moindres paroles et nos petites actions qui
nous paraissent d'un si pauvre intérêt pour l'avenir du monde.
La maison s'écroule-t-elle ? Les objets qui la remplissaient,
témoins de nos habitudes et de nos pensées, viennent-ils à se
disperser? Aussitôt l'histoire met en campagne une foule d'habiles
agents pour instruire notre procès. L'archéologie fait l'autopsie
du passé ; elle tire ce cadavre de la poussière, rassemble ses
membres épars et les livre au grand juge qui interroge ces
débris et les force à raconter les événements de leur temps.
Ce que l'histoire fera pour nous dans quelques siècles, nous
le faisons aujourd'hui pour nos ancêtres. Rien ne décourage
notre curiosité avide. Mais par une prévenance que n'eurent pas
nos aînés, tout en exhumant les choses qui nous parlent d'eux,
nous préparons pour la postérité les pièces qui doivent servir à
nous faire juger nous-mêmes. C'est nous qui composons notre
propre dossier.
Le livre dont nous voulons parler, et qui nous suggère ces
réflexions, n'a pas besoin d'être longuement présenté au public,
car, bien qu'il soit loin d'être terminé à l'heure qu'il est, ses
premiers fascicules ont rapidement conquis les suffrages des
amateurs. Paris à travers les âges est une description à la fois
historique et pittoresque de la vieille capitale depuis l'époque
gallo-romaine jusqu'à ces derniers jours, jusqu'aux plus récentes
Tome XV.
transformations qu'elle a subies. Vaste conception, comme on
voit, et qui demandait une méthode serrée et précise pour ne
point offrir de confusion. Depuis le vénérable ouvrage de Pierre
Bonfous, paru en 1601, sur les Antiquités de Paris, et les deux
précieux volumes de Félibien, que l'on consulte encore, l'his-
toire de la grande ville a été racontée dans tous les formats par des
centaines d'écrivains. Elle a même été mise en quatrains à la fin
du xvne siècle par l'abbé de Marolles, qui imita ainsi cet excel-
lent valet de Molière voulant traduire en rondeaux toute l'his-
toire romaine. Inutile de dire que la poésie de Marolles n'est ni
bien instructive ni fort attrayante. Voici, par exemple, le qua-
train consacré à la description du Louvre :
Le Louvre dans Paris est une ville entière ;
C'est un grand bâtiment pour le logis du roi,
Qui demeure imparfait, je ne sais pas pourquoi,
Car le roi peut tout faire en diverses manières.
Une si belle flamme poétique, on le conçoit, ne peut pas
embraser tout le monde. Aussi Paris a-t-il trouvé ses plus nom-
breux historiens parmi de simples prosateurs qui ont étudié avec
une admirable patience ses plus petits recoins. Aujourd'hui il
n'est pas dans la capitale un vieux mur, pas une rue, pas une
ruine qui n'aient fait éclore plusieurs savantes monographies.
C'est pourquoi on pouvait craindre, pour un livre comme Paris
à travers les âges, que les auteurs ne s'égarassent dans l'énorme
quantité de documents à consulter.
Grâce au plan suivi ce danger a été écarté. On a divisé Paris
par tranches, pour ainsi dire, et on a considéré chaque partie
comme un tout que l'on a représenté et décrit selon les phases
de l'histoire et dans les aspects divers, les fonctions et la perspec-
tive marqués par le temps. De nombreuses gravures jetées à
profusion dans le texte, des reproductions d'anciennes miniatures
sur vélin, ou de vieilles et naïves estampes, des plans géométri-
ques , des chromolithographies, des cartes de toute espèce
ajoutent à la clarté du récit le charme de l'évocation picturale
des personnages qui en font l'objet, des scènes de mœurs et des
épisodes historiques. Chaque livraison est un album richement
paré qui est consacré à tout un quartier de la capitale. On y
voit, comme en un magique panorama, se transformer dans les
mêmes lieux les maisons, les palais, les habitants, les costumes,
et il semble qu'on assiste des coulisses d'un théâtre aux tableaux
détachés d'un spectacle grandiose qui est celui de l'histoire de
notre pays.
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Gravure tirée de
'Hôtel de Ville sous Louis XIil.
Paris à travers les âges ; Paris, Didot.
NOTRE BIBLIOTHEQUE
cxv
Paris a travers les âges, aspects successifs des monuments et
quartiers historiques de Paris depuis le xnr3 siècle jusqu'à
nos jours, fidèlement restitue's d'après les documents authen-
tiques, par M. F. Hoffbauer, architecte. — Texte par
MM. Ed. Fournier, Paul Lacroix, A. de Montaiglon,
A. Bonnardot, j. Cousin, A. Franklin, Valentin Dufour, etc.
Librairie Firmin-Didot, 1875-1878, livraisons I-VI, in-folio.
« Ce qui de'goûte de l'histoire, disait l'aimable marquise de
Se'vigné, c'est de penser que ce que je vois aujourd'hui sera de
l'histoire un jour. » Que voilà bien, dans sa sincérité piquante,
un sentiment humain ! Nous allons et venons par la ville, nous
bâtissons des maisons, nous y donnons des fêtes, nous passons
nos journées dans les monotones soucis d'une existence vulgaire,
ou bien nous poursuivons fiévreusement d'aventureuses chimè-
res ; nous nous abandonnons au courant qui nous entraîne.
Tout cela sans songer que l'histoire, comme un greffier impassi-
ble enregistre nos moindres paroles et nos petites actions qui
nous paraissent d'un si pauvre intérêt pour l'avenir du monde.
La maison s'écroule-t-elle ? Les objets qui la remplissaient,
témoins de nos habitudes et de nos pensées, viennent-ils à se
disperser? Aussitôt l'histoire met en campagne une foule d'habiles
agents pour instruire notre procès. L'archéologie fait l'autopsie
du passé ; elle tire ce cadavre de la poussière, rassemble ses
membres épars et les livre au grand juge qui interroge ces
débris et les force à raconter les événements de leur temps.
Ce que l'histoire fera pour nous dans quelques siècles, nous
le faisons aujourd'hui pour nos ancêtres. Rien ne décourage
notre curiosité avide. Mais par une prévenance que n'eurent pas
nos aînés, tout en exhumant les choses qui nous parlent d'eux,
nous préparons pour la postérité les pièces qui doivent servir à
nous faire juger nous-mêmes. C'est nous qui composons notre
propre dossier.
Le livre dont nous voulons parler, et qui nous suggère ces
réflexions, n'a pas besoin d'être longuement présenté au public,
car, bien qu'il soit loin d'être terminé à l'heure qu'il est, ses
premiers fascicules ont rapidement conquis les suffrages des
amateurs. Paris à travers les âges est une description à la fois
historique et pittoresque de la vieille capitale depuis l'époque
gallo-romaine jusqu'à ces derniers jours, jusqu'aux plus récentes
Tome XV.
transformations qu'elle a subies. Vaste conception, comme on
voit, et qui demandait une méthode serrée et précise pour ne
point offrir de confusion. Depuis le vénérable ouvrage de Pierre
Bonfous, paru en 1601, sur les Antiquités de Paris, et les deux
précieux volumes de Félibien, que l'on consulte encore, l'his-
toire de la grande ville a été racontée dans tous les formats par des
centaines d'écrivains. Elle a même été mise en quatrains à la fin
du xvne siècle par l'abbé de Marolles, qui imita ainsi cet excel-
lent valet de Molière voulant traduire en rondeaux toute l'his-
toire romaine. Inutile de dire que la poésie de Marolles n'est ni
bien instructive ni fort attrayante. Voici, par exemple, le qua-
train consacré à la description du Louvre :
Le Louvre dans Paris est une ville entière ;
C'est un grand bâtiment pour le logis du roi,
Qui demeure imparfait, je ne sais pas pourquoi,
Car le roi peut tout faire en diverses manières.
Une si belle flamme poétique, on le conçoit, ne peut pas
embraser tout le monde. Aussi Paris a-t-il trouvé ses plus nom-
breux historiens parmi de simples prosateurs qui ont étudié avec
une admirable patience ses plus petits recoins. Aujourd'hui il
n'est pas dans la capitale un vieux mur, pas une rue, pas une
ruine qui n'aient fait éclore plusieurs savantes monographies.
C'est pourquoi on pouvait craindre, pour un livre comme Paris
à travers les âges, que les auteurs ne s'égarassent dans l'énorme
quantité de documents à consulter.
Grâce au plan suivi ce danger a été écarté. On a divisé Paris
par tranches, pour ainsi dire, et on a considéré chaque partie
comme un tout que l'on a représenté et décrit selon les phases
de l'histoire et dans les aspects divers, les fonctions et la perspec-
tive marqués par le temps. De nombreuses gravures jetées à
profusion dans le texte, des reproductions d'anciennes miniatures
sur vélin, ou de vieilles et naïves estampes, des plans géométri-
ques , des chromolithographies, des cartes de toute espèce
ajoutent à la clarté du récit le charme de l'évocation picturale
des personnages qui en font l'objet, des scènes de mœurs et des
épisodes historiques. Chaque livraison est un album richement
paré qui est consacré à tout un quartier de la capitale. On y
voit, comme en un magique panorama, se transformer dans les
mêmes lieux les maisons, les palais, les habitants, les costumes,
et il semble qu'on assiste des coulisses d'un théâtre aux tableaux
détachés d'un spectacle grandiose qui est celui de l'histoire de
notre pays.
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