Krise tirée de l' « Orthographia » de Joii. Daniel Preisler.
L'OEUVRE DE RUBENS EN AUTRICHE'
LE PORTRAIT
II
ous avons examiné dans les musées de Vienne les portraits
de famille que Rubens nous a transmis comme autant de
témoignages de ses affections domestiques et de ses facultés
de portraitiste. Examinons maintenant les autres portraits.
Ils y sont tellement abondants que Ton pourrait croire en
effet que Rubens a « passé sa vie à faire des portraits 2 ».
Deux tableaux de ce genre frappent tout d'abord le visiteur,
non-seulement par leur rapport avec l'œuvre capitale de
Rubens en Autriche, avec l'autel de Saint-Ildefonse, mais
aussi par leur beauté grandiose qui en fait les plus remar-
quables portraits historiques que Rubens ait jamais peints.
C'est sur les deux volets de cet autel, dont nous aurons
à nous occuper plus tard, que se trouvent les portraits de l'archiduc Albert et de son épouse,
l'Infante Claire-Eugénie-Isabelle. A ces deux noms se rattache à jamais la gloire de l'école
flamande, car sans les efforts et les commandes de ces époux Rubens serait retourné en Italie
d'où il était parti en toute hâte pour revoir sa mère mourante et avec l'intention explicite de
revenir sans délai3. Il nous sera donc permis de tracer en quelques mots la biographie de ces
protecteurs de Rubens, d'autant plus que la connaissance de leur vie antérieure nous paraît
nécessaire pour savoir bien apprécier la valeur de leurs portraits, que le jeune artiste a exécutés
en 1609 et par lesquels il a prouvé à sa patrie que les leçons de l'Italie n'avaient pas été perdues
pour lui.
Fils de l'empereur Maximilien II, l'archiduc Albert, né le 13 novembre i>)9, était allé dans sa
jeunesse à la cour de Madrid où il fut destiné à l'Église. Dès 15-77 il recevait la barrette de
cardinal, et en 1^94 le roi d'Espagne lui assignait les riches revenus de l'archevêché de Tolède,
sans que le jeune prince eût pris les ordres. Après dix ans de vice-royauté en Portugal,
Albert fut, en 1595, nommé gouverneur des Pays-Bas, qui étaient alors le théâtre de la
guerre entre l'Espagne, la France, l'Angleterre et les provinces hollandaises. Le gouverneur
déployait de remarquables qualités militaires quoiqu'il n'attachât pas toujours la victoire à
ses drapeaux, mais il n'oubliait jamais la vocation de sa jeunesse et il rêvait encore toujours à cet
archevêché de Tolède glorifié par l'évêque Ildefonse, qui avait été mis au nombre des saints
à cause de sa spéciale croyance en l'immaculée conception. Tel était l'homme. L'infante
1. Voir l'Art, 4e année, tome II, page 15 j.
2. Les Maîtres d'autrefois, page 106.
3. Avant son départ, le 28 octobre 1608, Rubens expose à son protecteur Ghieppio, secrétaire du duc de Mantoue, le motif urgent de son
départ précipité et lui promet de revenir bientôt.
L'OEUVRE DE RUBENS EN AUTRICHE'
LE PORTRAIT
II
ous avons examiné dans les musées de Vienne les portraits
de famille que Rubens nous a transmis comme autant de
témoignages de ses affections domestiques et de ses facultés
de portraitiste. Examinons maintenant les autres portraits.
Ils y sont tellement abondants que Ton pourrait croire en
effet que Rubens a « passé sa vie à faire des portraits 2 ».
Deux tableaux de ce genre frappent tout d'abord le visiteur,
non-seulement par leur rapport avec l'œuvre capitale de
Rubens en Autriche, avec l'autel de Saint-Ildefonse, mais
aussi par leur beauté grandiose qui en fait les plus remar-
quables portraits historiques que Rubens ait jamais peints.
C'est sur les deux volets de cet autel, dont nous aurons
à nous occuper plus tard, que se trouvent les portraits de l'archiduc Albert et de son épouse,
l'Infante Claire-Eugénie-Isabelle. A ces deux noms se rattache à jamais la gloire de l'école
flamande, car sans les efforts et les commandes de ces époux Rubens serait retourné en Italie
d'où il était parti en toute hâte pour revoir sa mère mourante et avec l'intention explicite de
revenir sans délai3. Il nous sera donc permis de tracer en quelques mots la biographie de ces
protecteurs de Rubens, d'autant plus que la connaissance de leur vie antérieure nous paraît
nécessaire pour savoir bien apprécier la valeur de leurs portraits, que le jeune artiste a exécutés
en 1609 et par lesquels il a prouvé à sa patrie que les leçons de l'Italie n'avaient pas été perdues
pour lui.
Fils de l'empereur Maximilien II, l'archiduc Albert, né le 13 novembre i>)9, était allé dans sa
jeunesse à la cour de Madrid où il fut destiné à l'Église. Dès 15-77 il recevait la barrette de
cardinal, et en 1^94 le roi d'Espagne lui assignait les riches revenus de l'archevêché de Tolède,
sans que le jeune prince eût pris les ordres. Après dix ans de vice-royauté en Portugal,
Albert fut, en 1595, nommé gouverneur des Pays-Bas, qui étaient alors le théâtre de la
guerre entre l'Espagne, la France, l'Angleterre et les provinces hollandaises. Le gouverneur
déployait de remarquables qualités militaires quoiqu'il n'attachât pas toujours la victoire à
ses drapeaux, mais il n'oubliait jamais la vocation de sa jeunesse et il rêvait encore toujours à cet
archevêché de Tolède glorifié par l'évêque Ildefonse, qui avait été mis au nombre des saints
à cause de sa spéciale croyance en l'immaculée conception. Tel était l'homme. L'infante
1. Voir l'Art, 4e année, tome II, page 15 j.
2. Les Maîtres d'autrefois, page 106.
3. Avant son départ, le 28 octobre 1608, Rubens expose à son protecteur Ghieppio, secrétaire du duc de Mantoue, le motif urgent de son
départ précipité et lui promet de revenir bientôt.