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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 4)

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Art Musical: Le "Polyeucte" de Gounod à l'Opera
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68

L'ART.

sieurs personnes l'ide'e de se servir de ces lettres comme d'un
Guide commode et sûr, à travers le de'dale du Champ-de-Mars
et du Trocadéro ».

Ce très-excellent petit livre n'a que le tort d'arriver à Paris
sur le tard, mais je crois être d'autant plus en droit de le signaler
et de le recommander très-chaleureusement que c'est un de ces
livres à garder comme un des meilleurs souvenirs du grand
concours international auquel la France avait convié le monde
et qui est à la veille de prendre fin.

Les ouvrages de cette sorte sont de nature essentiellement

e'phémère et superficielle ; s'il en est tout autrement de celui-ci,
c'est que M. T. David cache un savant des plus distingue's, un
musicien des plus compe'tents, un lettre' doublé d'un artiste dont
notre Revue tient à ne pas respecter le pseudonyme, car il s'agit
d'un de ses collaborateurs, et je me permets d'ajouter d'un de
ses amis, M. Théodore Jouret, professeur de chimie à l'École
militaire et à l'École de guerre de Belgique, à qui l'Art doit
une si belle étude sur Verdi1 et une analyse si pénétrante des
Rubens du Musée de l'Ermitage2.

Noël Gehuzac.

ART MUSICAL

LE « POLYEUCTE » DE GOUNOD A L'OPÉRA

L'apparition du Polyeucte de M. Charles Gounod sur notre
première scène lyrique est une date dans l'histoire du nouvel
Opéra. Vouée presque exclusivement depuis quelques années à
la reconstitution du répertoire courant, qu'avait désorganisé l'in-
cendie de la salle Lepelletier, absorbée surtout par l'exploita-
tion de l'escalier de M. Charles Garnier, l'Académie nationale
de musique se montre moins que jamais prodigue de nouveau-
tés, et malheureusement il s'en faut de beaucoup qu'une inter-
prétation modèle des quelques œuvres qui se succèdent sur son
affiche compense la rareté de ses initiatives. Dans l'ordre des
restitutions, elle n'a rien osé ; elle n'a pas exhumé un seul des
chefs-d'œuvre de l'ancienne école. Dans l'ordre des créations,
l'on ne peut citer à son actif que la Jeanne Darc de M. Mermet,
un avortement complet, le Roi de Lahore de M. Massenet, une
brillante promesse, et deux ou trois ballets plus ou moins réus-
sis. Voici enfin un véritable événement musical, d'autant plus
saillant que le compositeur est à la tète de l'école française
contemporaine, d'autant plus retentissant que son nouvel
ouvrage occupait l'attention longtemps avant qu'il ne fût ques-
tion de le représenter.

Un opéra inédit de l'auteur de Faust et de Roméo est tou-
jours impatiemment attendu. Pour celui-ci la curiosité publique
a dépassé les bornes, et l'impatience s'est traduite en indiscré-
tions que nous n'aurons garde d'imiter. Sans raconter après
tant d'autres les vicissitudes par lesquelles a passé cette parti-
tion, rappelons seulement que Polyeucte, commencé en France
au mois de juillet 1869, continué en Angleterre, puis complète-
ment récrit à la suite de circonstances qui sont peut-être du
domaine de la chronique mais non de la critique, a été définiti-
vement terminé le 9 avril 1875, sauf le prélude symphonique,
la scène de l'entrée de Sévère et le ballet, ajoutés dans les
intervalles des répétitions, qui n'ont pas demandé moins de dix
ans. Cela dit, essayons d'analyser l'œuvre.

Le livret de MM. Jules Barbier et Michel Carré est une
adroite adaptation de la tragédie de Corneille aux exigences
pompeuses de l'Opéra. On voit d'ici le procédé : dramatiser et
mettre en scène les situations à grand spectacle qui n'existent
qu'à l'état de récits dans l'original, tels l'entrée de Sévère à
Mélitène, le baptême de Polyeucte, le brisement des idoles,
les arènes, épisodes essentiels qui assurent au compositeur les
ressources des effets de masse, et toutes les richesses de la sono-
rité chorale et orchestrale, au théâtre même le luxe nécessaire
de la décoration et de la figuration. Les librettistes se sont très-

habilement acquittés de cette partie de leur tâche. Il va sans
dire qu'ils ne se sont pas privés d'emprunter au drame cornélien
ses plus belles pages, ses points lumineux. On n'eût pas reconnu
Polyeucte sans le célèbre dialogue avec Néarque, où la fièvre
du martyre triomphe de la prudence, sans le duo de Pauline
et Sévère où le devoir et l'honneur triomphent des souvenirs
d'un amour autrefois partagé, sans la grande scène entre Pau-
line et Polyeucte où la foi du néophyte triomphe de l'amour
conjugal. Et il ne suffisait pas d'amener ces moments décisifs de
l'action, il fallait encore enchâsser dans le texte nouveau
quelques-uns des vers-proverbes du texte ancien, citations
escomptées par le public qui se réservait de mesurer à leur aune
le génie du musicien assez audacieux pour entreprendre d'illus-
trer Corneille après Molière, Gcethe et Shakespeare. MM. Jules
Barbier et Michel Carré ont amené avec beaucoup de tact leurs
emprunts obligés, et lorsqu'il leur est arrivé de puiser dans leur
propre fonds pour ajouter au chef-d'œuvre du vieux tragique
ou pour le corriger, ils ont fait preuve d'un goût intelligent qui
a légitimé leur témérité. C'est ainsi qu'au début du second
tableau du deuxième acte, la barcarolle de Sextus, placée là
pour faire contraste à la grave exaltation du baptême, met en
lumière avec une grâce piquante un côté païen dont ne s'était
pas inquiété le grand Corneille, le dilettantisme poétique d'une
religion expirante défendue encore par la noblesse d'âme d'une
Pauline, le courage et l'humanité d'un Sévère, la politique d'un
fonctionnaire comme Félix, le fanatisme intéressé d'un grand
prêtre comme Albin, mais déjà vaincue par le scepticisme incons-
cient et le libertinage insouciant du beau monde de l'époque. C'est
ainsi également qu'une simple transposition ennoblit le dénoûment
de la tragédie. Ennoblir Corneille, voilà qui paraît impossible ; et
pourtant cette impossibilité est réalisée par ce fait seul que la
conversion de Pauline précède, au lieu de l'attendre, le supplice
de Polyeucte, et l'y entraîne avec lui. Le dénoûment cornélien
avait deux inconvénients dont cette transposition nous délivre :
l'étonnement qu'excite la conversion de Félix, trop brusque pour
n'être pas suspecte en présence de l'irritation de Sévère; la
crainte d'un second mariage de Pauline, convertie aussi mais
veuve, avec Sévère dont la tolérance s'indigne du martyre de
son rival, mais dont les espérances déçues pourraient bien
renaître après le cinquième acte.

On conçoit que Polyeucte, « tragédie chrétienne », et plus
chrétienne que romaine, ait séduit M. Charles Gounod. Le
christianisme, qui est le vrai héros du drame, le ramenait à la

1. Voir l'Art, 2" année, tome IV, pages 3 et 2;.

2. Voir l'Art, 4e année, tome I", page 217.
 
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