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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 4)

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Saint-Raymond, Edmond: Exposition historique de l'art ancien, [3]: Les grandes collections au Trocadéro. Collections de MM. les barons de Rothschild
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https://doi.org/10.11588/diglit.16911#0118

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98 L'ART.

composent cette série. Au point de vue d'une décoration sobre et d'un art plus complet, ils
peuvent laisser à désirer; mais ce qui leur manque, c'est ce qu'ils ne peuvent nous donner sans
perdre une partie des qualités qu'ils ont; ne songeons donc pas aux pures théories en présence
de ces beaux résultats : il vaut mieux se laisser aller au sentiment de plaisir et d'admiration
qu'ils inspirent. Jamais peut-être le sentiment de la couleur aimée pour elle-même ne s'est fait
jour avec plus de violence; ce n'est pas seulement la beauté du ton, c'est son intensité d'éclat qui
est recherchée à outrance; le blanc devient de l'argent, le rouge éclate comme le feu, le jaune
brille autant que l'or : tous ces tons se heurtent, se mêlent de la manière la plus imprévue,
souvent même la plus périlleuse, mais leur harmonie est toujours sauvée par les ressources de
l'art le plus savant. Une irisation générale enveloppant toutes ces audaces, les rehausse, les fait
chatoyer, semble les déplacer par de soudains caprices ; l'œil demeure ébloui, mais il subit
forcément le charme de cette musique de couleurs étincelante et tapageuse. Tantôt l'objet est
envahi tout entier par ces ondes miroitantes, comme ce magnifique plat dont le dessin paraît
inspiré par la manière de Mantegna, et où se mêlent des enfants et des attributs guerriers;
comme le plat décoré d'instruments de musique; comme tous ces beaux tondini, piatti degli
amatori, galants hommages adressés à des femmes et ornés au centre de leurs portraits, avec
les mots Faustina bella, compliment passionné autour duquel des rinceaux mêlés de feuillages,
des arabesques ou des entrelacs courent avec élégance et se jouent comme au milieu du feu dans
les ardentes lueurs du jaune d'or ou du rouge rubis. C'est la belle époque de maestro Giorgio
et de la fabrique de Gubbio.

Cette période dura peu. L'Italie revint bientôt à un système de décoration plus conforme à la
sobriété de son goût et à ses préférences pour le dessin. Déjà Raphaël et Giovanni d'Udine en
avaient donné des exemples sur les murs du Vatican et de tant d'autres palais. Les artistes
faïenciers se sentirent aussi l'ambition de reproduire les œuvres connues de la grande peinture.
Ce fut dès lors de toutes parts un entraînement vers les scènes de la fable ou de l'histoire ou
les nouvelles arabesques romaines. Maestro Giorgio lui-même, comme s'il eût senti sa foi défaillir,
se résigna à rendre les œuvres des maîtres avec ces teintes blondes, bleuâtres et vert pâle que
la nouvelle école affectionnait, mais il persista à y introduire quelques accents, quelques touches
déliées et fermes où reparaissaient les brillants reflets de la nacre, de l'or et du rubis. C'est
ainsi qu'il a rehaussé le beau plat du Retour de l'enfant prodigue, celui de l'Épée de Damoclès,
et ce plat mythologique où les reflets métalliques du ciel font un si brillant effet. La manière
nouvelle finit par tout absorber. Les fabriques d'Urbino et de Faenza préparaient pour la recevoir
leur mar\acotto blanc et vitreux et leur berettino aux tons azurés ; Francesco Xanto, Orazio
Fontana, Francesco Salviano allaient y tracer leurs peintures élégantes et fines. A cette période
appartiennent le grand plat rond qui représente le Triomphe de Galathée, le grand plat armorié sur
fond blanc, à l'effet décoratif si simple et si puissant ; un autre plat rond, d'une richesse extrême,
où tout autour d'un guerrier tenant une épée nue tournent des chevaux marins et des oiseaux et
sur le marly du plat un assemblage d'attributs guerriers, de têtes d'enfants entrelacés de glands
et d'arabesques. Deux grands plats ronds représentant l'un le Martyre de saint Laurent, d'après
Baccio Bandinelli, l'autre l'Assaut de la Goulette sur les cotes d'Afrique, d'après Jules Romain et
l'estampe de Pens, et qui, si nous ne nous trompons, doit avoir fait partie de la collection
Marryat, sont deux œuvres des plus importantes, au dessin correct et fin, à la couleur harmo-
nieuse et sobre, et qui font connaître comment les peintres faïenciers comprenaient l'interprétation
décorative des travaux de leurs illustres confrères.

C'est encore à la plus belle époque de l'art céramique de l'Italie qu'appartient le beau hanap
en faïence sortant de la fabrique de Chaffagiolo, dont nous donnons le dessin. Le col sort avec
beaucoup de grâce du milieu d'une panse arrondie et porte un blason soutenu par deux figures
d'enfants; la panse représente des enfants groupés symétriquement autour d'un grand vase.
L'anse, fortement recourbée, est ornée avec une grande délicatesse. L'éclat de la couleur de ce
beau bleu particulier à Chaffagiolo et sobrement accompagné vient rehausser dans cet excellent
morceau la grâce de la forme, et c'est parmi les petites pièces une des plus fines de la fabrique
 
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